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Citations de Jacques Réda (161)


Chemins perdus


Pareils aux inquiets, aux longs velléitaires
Qui n’auront jamais su choisir un seul chemin,
Tous ceux que j’aperçois, lorsque je passe en train,
Filer à travers bois, dans l’épaisseur des terres,
Me paraissent chacun devenir, tour à tour,
Celui que j’aurais dû suivre sans aucun doute.
Je me dis : la voici, c’est elle, c’est la route
Certaine qu’il faudra revenir prendre un jour.
Mais aussitôt après, sous la viorne et la ronce,
Un sentier couleur d’os ou d’orange prononce
Sa courbe séduisante au détour d’un bosquet,
Et c’est encore un des chemins qui me manquaient.
Puis le bord d’un canal donne une autre réponse
À ce perpétuel élan vers le départ.
Mais je vous aime ainsi, chemins, déserts et libres.
Et tandis que les rails me tiennent à l’écart,
Vous venez vous confondre au réseau de mes fibres.

p.59
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[…] Les vers ou l’apparence de vers demeurent ce qui distingue la poésie de la prose et le poète du prosateur.
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Il n’y a […] à mon avis qu’une seule façon de définir poésie et poème, qui est de s’en tenir à l’intention manifestée par celui qui écrit.
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Le Mai sombre

Le correspondant


Il arrive la nuit que je ne dorme pas durant des heures.
Autrefois, je me retournais comme une folle dans mon lit.
Et puis je me suis mise à inventer des lettres
Pour des gens lointains et gentils, moi qui ne connais personne.
Maintenant je vois dans le noir, comme aux cinémas de campagne,
Des signes sur l’écran parmi des poussières d’étoiles :
C’est moi qui parle, ainsi qu’un champ de marguerites fleurit.
Si je voulais, je crois que je pourrais en faire un livre ;
Et mes rêves aussi mériteraient d’être décrits.
Je descends de grands escaliers, en longue robe blanche ;
Des personnes très bien m’attendent tout en bas des marches :
Ah nous avons reçu votre lettre, ma chère… Il est minuit.
On s’éloigne en causant sous les arbres qui s’illuminent.
Passent sans aucun bruit de profondes automobiles.
Les boulevards touchent le sable de la mer. Je ris,
Et c’est frais dans mon col de renard couleur de lune.
Vous êtes là, ramassé sous le mur à l'ombre courte,
Comme au verger d’enfance où je n’ai pas osé pousser un cri.
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Jacques Réda
Voici que le mistral a des quintes de toux
Et que la moindre feuille en devient convulsive.
Il tourmente la tuile, arrache la lessive,
Plaque sur l'horizon la bosse du Ventoux.

( extrait de " Quatre à quatre")
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Dans la vie de quelques grands artistes, et dans celle des plus grands, on croit déceler l’action d’une fatalité draconienne : ils n’ont pas pu faire autrement. Ou bien ils l’imaginent mais ça revient au même : il y a eu quelque part promulgation d’une règle qui ne vaut que pour eux, dont ils sont le seul ressort et l’unique autorité de justice. Or en plus de sa contradiction organique avec la Loi, cette règle sans autre caution que la violence de son arbitraire engendre du trouble et des combats. D’autres cependant donnent l’impression d’avoir eu le loisir de débattre, et puis de peser leur choix, qui va d’ailleurs les engager autant sinon même davantage, puisqu’on les voit s’y tenir ainsi parfois plus de cinquante ans, sans trace de soubresaut ni d’entêtement dans une routine. Plutôt par une sorte d’inflexible et tendre courtoisie envers leur décision. Il en reste néanmoins comme un effet de distance dû à cette première latitude : l’ombre de l’idée qu’on pourrait encore et toujours se résoudre à « faire autrement », mais au prix d’une trahison bien sûr énergiquement refusée. C’est là une vue à la fois réaliste et chevaleresque de l’art, s’opposant aux décrets du sort et à la surenchère lyrique. On ne s’étonne pas alors du goût de Freeman pour la littérature et les auteurs français, qui apporte quelques adoucissements aux rigueurs de son anglomanie ; on l’imagine assis dans le bus à côté de Fargue, ou de Ponge, ou de Larbaud, donc, en 1928, lors de son premier passage à Paris. Et l’on découvre d’autres sens au titre de son livre autobiographique : You don’t look like a musician.
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[Aux banlieues]

Votre artifice fut pour moi le naturel,
Et vos combinaisons, où l’ordre dégénère,
Une contrée enfin tout à l’imaginaire
Vouée. Et j’ai longtemps erré, comme en dormant,
De surprise morose en fade enchantement […].
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Recitatif I

Ecoutez-moi. N'ayez pas peur. Je dois
vous parler à travers quelque chose qui n'a pas de nom
dans la langue que j'ai connue,
sinon justement "quelque chose", sans étendue, sans profondeur, et qui ne fait jamais obstacle (mais tout s'est affaibli)
Ecoutez-moi. N'ayez pas peur. Essayez, si je crie,
de comprendre : celui qui parle
entend sa voix dans sa tête fermée;
or comment je pourrais,
moi qu'on vient de jeter dans l'ouverture et qui suis décousu?
Il reste, vous voyez, encore la possibilité d'un peu de comique, mais vraiment peu :
je voudrais que vous m'écoutiez - sans savoir si je parle. Aucune certitude. Aucun contrôle. Il me semble que j'articule avec une véhémence grotesque et sans doute inutile - et bientôt la fatigue.
ou ce qu'il faut nommer ainsi pour que vous compreniez
Mais si je parle (admettons que je parle),
m'entendez-vous; et si vous m'entendez,
si cette voix déracinée entre chez vous avec un souffle sous la porte,
n'allez-vous pas être effrayée ?
C'est pourquoi je vous dis : n'ayez pas peur, écoutez-moi,
puisque déjà ce n'est presque plus moi qui parle, qui vous appelle
du fond d'une exténuation dont vous n'avez aucune idée;
et n'ayant pour vous que ces mots qui sont ma dernière
enveloppe en train de se dissoudre.
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En ce qui me concerne […] l’excitation que vous cherchez à raviver autour de la création poétique me bassine de plus en plus. Il me semble que la poésie se prouve d’elle-même ou qu’elle n’existe pas.
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Je est un autre ? Allons, allons, la vieille ruse. Quand Je ne peut plus se souffrir, hop il tente ce détour avec astuce ou nage vers un zénith obscur où clame Personne.
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La bénédiction de Saint Serge

(...) Sur la façade en bois d'escalier découpé de l'église
grimpent obliquement les caractère slavons hâves et pointus,
et l'intérieur aussi ressemble au fond obscurci d'une lampe
que le vent balance avec nos deux mains jointes au-dessus de Paris.
J'interprète mal le symbolisme liturgique de ce théâtre,
quand l'officiant barbu surgit d'une isba dans un coin, tenant d'une main son livre et de l'autre une minuscule bougie.
Puis il rentre et les voix recommencent une psalmodie où rôdent
des cris d'alouette et des rondes d'amour dans les prairies...

p. 125
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LA POÉSIE

Est-il un seul endroit de l'espace ou du temps
Où l'un des mille oiseaux qui sont les habitants
De ce poème (ou lui, consentant, leur otage),
Entendrait quelque chose enfin de son langage
Un peu comme je les entends,

Si peu distincts du pépiement de la pensée
Indolente, prodigue et souvent dispersée
Au fond de je ne sais quel feuillage de mots,
Que mes rimes, pour y saisir une pincée
De sens, miment ces animaux ?

J'ai supposé parfois une suprême oreille
À qui cette volière apparaîtrait pareille,
Dans l'inintelligible émeute de ses cris,
À celle dont je crois être, lorsque j'écris,
Un représentant qui s'effraye

Et s'enchante à la fois de tant d'inanité.
Il se peut en effet que l'on soit écouté,
Et qu'en un certain point le latin du poète,
Mêlé de rossignol, hulotte ou gypaète,
Les égale en limpidité.

p.139

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Sous la lune qui grince à l'extrémité de sa tringle
Et les hautes fractures du ciel aux lueurs d'anthracite
J'erre ici murmurant en syllabes de plumes les éléates,
Agitant les clés de la fastidieuse ontologie.
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PLUIE DU MATIN

Je rassemble contre mon souffle
Un paysage rond et creux qui me précède
Et se soulève au rythme de mon pas. La rue
Penche, brisée en travers des clôtures.
Le jour qu'on ne voit pas lentement se rapproche.
Poussé par les nuages bas,
Décombres fumants de l'espace.
Des cafés à feux sourds restent ancrés à la périphérie
Où roulent des convois, la mer
Sans fin dénombrant ses épaves.
Je tiens ce paysage contre moi,
Comme un panier de terre humide et sombre,
La pluie errante en moi parcourt
L'aire d'une connaissance désaffectée.
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L'éclair mauve passait dans les lobes énormes du gris
Et des bêtes broutaient sans bruit derrière l'églantine.
Trop blanc le blanc des fleurs dans le creux du jour
assombri,
Noire noire la pluie en courant qui montait la colline.
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Lire dans la solitude fait un comportement suspect, et en vérité non exempt d'une intention de magie. Car on cherche dans chaque livre le livre unique et idéal, celui dont les phrases ne se distingueraient plus du frémissement de vie qui nous entoure; dont chaque page ouvrirait une porte entre les signes de la pensée et le poème de la Création.

"J'ouvre un livre : un oiseau s'en échappe.
Au ciel, le vol d'un autre oiseau s'écrit.
Je tends la main pour saisir une grappe
de raisin où mon encre mûrit.
La page tourne : est-ce encore l'esprit
Qui décide, ou bien le vent qui souffle
D'une strophe à l'autre, de touffe
En touffe d'herbe, et propage ce cri
Que les bois et les signes étouffent
Mais qui m'emplit avec l'or de l'été :
Le grand Pan est ressuscité ?"

Pourtant la quête du livre absolu ne peut qu'engendrer d'autres livres. Finalement le lecteur sort son carnet et, après un moment d'intense écoute, s'absorbe dans son petit morceau du grand oeuvre où, parfois, vient à passer la phrase ambulante de trois fourmis.
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Il est tard maintenant.
Me voici comme chaque soir
Claquemuré dans la cuisine où bourdonne une mouche.
Sous l'abat-jour d'émail dont la clarté pauvre amalgame
Les ustensiles en désordre, un reflet dur écrase
Ma page confondue aux carreaux passés de la toile,
Et la fenêtre penche au travers de la nuit où tous
Les oiseaux se sont tus, et les mulots sinon les branches
Que le vent froisse et ploie, et les plis des rideaux,
Et les remous de l'eau contre les berges invisibles.

Mais qu'est-ce qui s'agite et crisse en moi, plume d'espoir
Qui s'émousse comme autrefois quand j'écrivais des

lettres
Et que toujours plus flous des visages venaient sourire
En filigrane, exténués comme le sens des mots
Ordinaires : tu sais la vie est plutôt difficile
Depuis qu'Irène — ou bien ne me laissez pas sans

nouvelles.



Et pour finir ces formules sans poids qui me navraient.
Ton père affectionné, ma grande, et tous ces bons baisers
Au goût de colle, de buvard et d'encre violette.

Non, soudain c'est ma propre image qui remonte et flotte À la surface du papier, sous les fines réglures,
Comme le jour où chancelant sur le bord du ponton
Parmi les frissons du courant j'ai vu glisser en paix
Ma figure sans nom. —
L'identité du malheureux
N'est pas avec certitude établie — oh laissez-le
Dériver ; que son âme avec l'écume du barrage
Mousse encore, s'envole et vienne se tapir ici
Dans les fentes du plâtre et le grincement de la porte.

Alors comprendra-t-on pourquoi les jours se sont noyés
L'un après l'autre, jours divers, mais c'est toujours le

même,
Hier, demain, jamais, qui réapparaît aujourd'hui
Et qui me voit rôder de la cuisine aux chambres vides
Locataire d'une mémoire où tout est démeublé,
Où jusque sous l'évier s'affaiblit l'odeur familière
Et, par les dimanches passés au rideau poussiéreux.
L'illusion que tout aurait pu de quelque autre manière
Conduire à d'autres seuils — mais la même ombre

m'attendait.

Que reste-t-il dans les tiroirs : quelques cartes postales,
Deux tickets de bal, une bague et des photographies
Qui regardent au loin à travers de beiges fumées ;



Plus pâles chaque jour ces nuages du souvenir
M'enveloppent, j'y dors sans poids, sans rêve, enseveli
Avec ce cœur docile et ponctuel qui fut le mien peut-être, et qu'emporte à présent le rythme de l'horloge
Vers le matin du dernier jour qui va recommencer,
Déjà vécu, levant encore en vain sa transparence.

Si doux, ce glissement du train de banlieue à l'aurore (Quand de l'autre côté du carreau tremblant de buée
Le ciel vert et doré grandit sur la campagne humide)
Que c'est lui qui m'éveille aussi le dimanche et me mène
Jusqu'à l'enclos où j'ai mes tomates et mes tulipes.
Autour, dans la fumée et l'odeur aigre des journaux,
Songeant à d'autres fleurs, au toit de la tonnelle qui
S'effondre, mes voisins obscurs et taciturnes vont,
Convoi d'ombres vers la clarté menteuse du matin.

À cette heure malgré tant de déboires, tant d'années,
Je me retrouve aussi crédule et tendre sous l'écorce
Que celui qui m'accompagna, ce double juvénile
Dont je ne sais s'il fut mon père ou mon enfant, ce mort
Que je ne comprends plus, avec sa pelle à sable, avec
Sa bicyclette neuve, et son brassard blanc, son orgueil
Tranquille de vivant qui de jour en jour s'atténue
Entre les pages de l'album pour ne nous laisser plus
Que le goût d'une réciproque et lugubre imposture.

Muets, dépossédés, nous nous éloignons côte à côte,
Et ce couple brisé c'est moi : le gamin larmoyant



Que n'ont pas rebuté les coups de l'autre qui s'arrache À la douceur d'avoir été, quand le pas se détraque
Et que l'on est si peu dans le faible clignotement
De l'âge, sac de peau grise flottant sur la carcasse
Déjà raide et froide où s'acharne, hargneuse, infatigable,
L'avidité d'avoir encore un jour, encore une heure
Avant de quitter le bonheur débile de survivre.

Ne pouvoir m'empêcher de songer à ma mort (si fort
Parfois qu'en pleine rue on doit le voir à ma démarche)
Alors qu'elle sera la fin d'un autre dont la vie
N'aura été que long apprentissage de la mort :
Pourquoi cette épouvante et ce sentiment d'injustice ?
Qui te continuera, rêve d'emprunt d'où chacun sort
Comme il y vint, sans se douter que ce dût être si
Terrible de restituer cette âme qui faisait
Semblant de s'être accoutumée à nous ?
Je me souviens :

Un beau soir d'été dans la rue, est-ce qu'il souriait ?
Voici qu'il tombe la face en avant sur le trottoir.
Autour de lui beaucoup de gens se rassemblent pour voir
Comment il va mourir, tout seul, attendant la voiture,
Se débattant pour la dernière fois avec son cœur
Et son âme soudain lointaine où subsiste un reflet
De l'improbable enfance, un arbre, un morceau de

clôture,
Quelques soucis d'argent et peut-être un nom, un visage
Effacé mais qui fut l'unique et déchirant amour.



Et c'était moi qui m'en allais déjà ; ce sera lui

Qui mourra de nouveau quand viendra mon tour ; c'est

toujours
Tout le monde qui meurt quand n'importe qui disparaît.
S'il me souvient d'un soir où j'ai cru vivre — ai-je vécu.
Ou qui rêve ici, qui dira si la fête a jamais
Battu son plein ?
Faut-il chercher la vérité plus bas
Que les branches des marronniers qui balayaient le

square
Sous les lampions éteints, parmi les chaises renversées,
Quand le bal achevé nous rendit vides à la nuit ?

Les fleurs que l'on coupa pour vos fronts endormis,

jeunesses
Qui dansiez sans beaucoup de grâce au milieu de l'estrade
Au son rauque du haut-parleur, dans un nuage de
Jasmin, de mouches, de sueur, les yeux tout ronds devant
Les projecteurs cachés entre les frondaisons dolentes,
Les fleurs, las voyez comme en peu d'espace les fleurs ont
Glissé derrière la commode où leur pâle couronne
Sans musique tournoie avec les cochons du manège,
L'abat-jour en émail, les remous sombres du ponton.

Je ne revois que des cornets déchirés, des canettes
Dans l'herbe saccagée, et des guirlandes en lambeaux,
Et l'urne de la tombola brisée sous les tréteaux,
Et l'obscur espace du tir d'où plumes et bouquets
Ont chu dans la poussière.
Et voici les objets perdus
Dans le tiroir que personne après moi n'ouvrira plus



Pour réclamer en vain cette lettre qui manque, mais

Pour rire d'un portrait de belle prise dans l'ovale

Et levant d'impuissantes mains jusqu'à son dur chignon

Quel tenace et triste parfum d'oubli monte, s'attarde
Avec les cloches du matin qui rôdent sous les branches
Et la cadence de l'horloge au-dessus du réchaud.
Au loin dans le faubourg où finissent toutes les fêtes
Une dernière fois l'ivrogne embouche son clairon.
En bâillant, cheveux dénoués, la belle ôte ses bagues ;
Au fond de l'insomnie où m'enferme le bruit des mots,
Son épaule de miel est-ce le jour qui recommence,
Son silence l'espace où vont éclater les oiseaux ?
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POUR UN VERGER

Poème : le seul lieu comparable à ce trouble
Heureux qui ressaisit, le soir, près d'un verger,
Ifs et roses, l'espoir souvent déchiré, double
Lumière qui s'éloigne et veut nous héberger.
Infaillible refuge, et pourtant illusoire :
Pentes au loin plus délicates qu'un bleuet,
Pures voix des enfants dans l'air lavé d'histoire,
Et le mot "mort" comme un oiseau soudain muet
Jugeant du recoin sombre où rien n'en fait accroire
A la nuit qui sourd et déjà, dans la clarté,
Crachait son encre sur la page dérisoire –
Cris en bas, soubresauts du jour décapité.
Or nier l'ombre affaiblirait cette lumière
Timide qui résiste et semble sur nos mains
Trembler tel un reflet d'étoile dans l'ornière.
Elle appelle. Comme une voix sur ces chemins
Troués de mots qui n'ont pas pu la garder prisonnière.
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La fête commence juste après l'aile du bâtiment qui porte une inscription 'Bains-Douches', elle s'égrène le long du quai, les tirs à droite avec des pipes et des bouquets de plumes, à gauche quelques manèges d'où ne s'élève aucun cri. Des Arabes endimanchés se tiennent à l'écart, ils méditent, et sur les bancs entre les stands somnolent des couples de retraités. Les forains eux-mêmes tournent le dos à la promenade déserte. Dans un brouillard d'aluminium sur les fabriques neuves des faubourgs, dans les jardins où l'on regarde fumer les tas d'herbe fauchée de la veille, le jour n'arrête pas de finir. Il y a tellement d'espace autour qu'il vaut mieux ne pas bouger, sinon en rond sur soi comme les chevaux de bois sans musique.
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La voix dans l'intervalle -


Peut-être devons-nous parler encore un peu plus bas,

De sorte que nos voix soient un abri pour le silence ;

Ne rien dire de plus que l'herbe en sa croissance

Et la ruche du sable sous le vent.

L'intervalle qui reste à nommer s'enténèbre, ainsi

Que le gué traversé par les rayons du soir, quand le

courant
Monte jusqu'à la face en extase des arbres. (Et déjà dans le bois l'obscur a tendu ses collets,
Les chemins égarés qui reviennent s'étranglent.)
Parler plus bas, sous la mélancolie et la colère,
Et même sans espoir d'être mieux entendus, si vraiment
Avec l'herbe et le vent nos voix peuvent donner asile
Au silence qui les consacre à son tour, imitant
Ce retrait du couchant comme un long baiser sur nos

lèvres.
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