La démondialisation de
Jacques Sapir
La globalisation marchande a atteint aujourd’hui les limites du supportable.
C’est une évidence du point de vue écologique quand on regarde les dégâts provoqués dans le monde entier par la logique de développement dit « global » que nous avons suivie depuis une vingtaine d’années. La globalisation n’est plus « soutenable » et elle commence à poser des problèmes tout à fait dramatiques dans nombre de régions du globe.
C’est tout aussi bien une évidence d’un point de vue économique. Non seulement la globalisation marchande s’est avérée incapable d’aider les pays en voie de développement, mais aussi elle conduit à de profondes régressions sociales dans les pays développés. De ce point de vue, elle apparaît comme une politique qui « appauvrit les pauvres des pays riches et enrichit les riches des pays pauvres ». En fait, la globalisation a été une puissante arme dans les mains des dominants pour tenter de reprendre tout ce qu’ils avaient concédé des années 1950 aux années 1970. Mais la globalisation a aussi atteint ses limites politiques. L’échec des négociations du « cycle de Doha » le prouve. Nous sommes donc confrontés à un basculement de paradigme dont on ne sait encore ni le temps qu’il prendra pour se matérialiser, ni les formes qu’il adoptera.
L’heure est venue de revenir à des politiques nationales coordonnées, qui sont seules capables d’assurer à la fois le développement et la justice sociale. Ces politiques sont déjà à l’œuvre dans un certain nombre de pays. À cet égard, le retard qui a été pris sur le continent européen est particulièrement tragique. Sous prétexte de construction d’une « Europe » dont l’évanescence politique se combine à l’incapacité de mettre en œuvre de réelles politiques industrielles et sociales, nous avons abandonné toute ambition en la matière. Mais, comme le rappelle Dani Rodrik, le problème n’est plus le pourquoi de telles politiques mais il doit désormais en être le comment.
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