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3.72/5 (sur 9 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Toulon , le 13/11/1949
Biographie :

Extrait du Blog de Ludovic Maubreuil.
Jacques Sicard est un cinéphile selon mon cœur : dans le précieux filigrane de ses textes ciselés d'extrême pudeur, il ne cherche jamais à parler d'autre chose que de lui-même, sans pour autant s'éloigner d'un iota du film qu'il traite. Parler de lui-même non pas, bien entendu, à la manière narcissique et grotesque des auto-célébrés de tous bords, qui ne savent qu'éventer les secrets et multiplier les clichés sur eux-mêmes jusqu'à ne plus représenter, dans les zones d'acclimatations bien verrouillées tenant désormais lieu de culture contemporaine, qu'une brève fuite d'air du temps. Parler de lui-même en se défiant des mensonges de la révélation et des illusions du dévoilement, en choisissant au contraire, loin de la « sincérité, maladie d'aveugle » dont parle Pierre dans Pola X de Carax, un exigeant langage de vérité, donnant à voir sous chaque mot qui claque et sous chaque phrase qui brûle, à la fois la confusion face à l'horreur du monde (mais dissipée par la vigueur du trait poétique), et le ressenti souvent désespéré d'un spectateur ayant tué le voyeur en lui (ce vieil homme à la colère et à l'admiration conjointement éteintes).

Ainsi ne joue-t-il pas à l'analyste distancié qui considérerait le cinéma comme un panthéon d'objets finis, propres à l'étude, tel le premier clown-philosophe venu (les exemples sont légion), témoignant au contraire qu'aucun film n'est clos, limité par son genre, son style ou son scénario, et qu'il est toujours temps, au fil des incessants remaniements de notre façon d'être au monde -lesquels nous rendent toujours davantage spectateurs de nous-mêmes-, d'en faire jaillir les secrets infiniment renaissants. Ainsi ne prétend-il pas abusivement « s'effacer derrière le film », illusion moderne prétexte aux démonstrations de force, mais bien au contraire, faire de certains de ses thèmes (même les plus ténus), de certaines de ses couleurs (presque inaperçues) de la lenteur soudaine d'un enchaînement ou du florilèges d'actions que progressivement il délivre, l'architecture même de son regard.

Les très beaux textes de Jacques Sicard sur le Faust de Sokourov, la boîterie de l'amour chez Rivette ou Hitchcock, les métaphores atmosphériques de La Taupe et du Vent, les beautés cachées chez Naruse ou Harry Langdon, les variations autour du Genou de claire ou du Bartleby de Maurice Ronet, peuvent donner aux lecteurs pressés (ceux qui se délectent de la maestria sociologique ou de l'art du paradoxe
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Source : http://cinematique.blogspirit.com/archive/2013/08/19/temp-1e2d2edbbcb0837fc5451e754daa0211-2975031.h
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2.


Un troupeau de vaches maigres broute sur la plage le sable rapporté des carrières un autocar de grand tourisme l'a déposé là au milieu des rayons tièdes gratuit l'hiver le stationnement automobile est redevenu payant au cours de la nuit un couple de tourterelles se sert du perchoir de l'antenne parabolique comme d'un porte-voix l'air trituré de l'alto expire comme l'éclat haut et court de la lumière qui se balance au sommet d'une lanterne une nuit de massacres la main frappe le cuivre un son mat répété sans autre cohérence que nerveuse comme sur le crâne des agneaux mal étourdis par la pince électrique le marteau aveugle du travailleur d'abattoir Ornette Ornette tu sais bien toi qu'il n'y a rien derrière les apparences pas d'énigmes pas de secrets le cœur organique a explosé sous la pression de la colonne â vent de l'instrument borné de clapets et de trous â l'image de l'appareil respiratoire d'un insecte chitineux combien de temps ? les fleurs blanches du pieris embaument l'air de leur inhospitalière âcreté il n'y a pas jusqu'aux petits excréments des hérissons au milieu de l'allée qui ne confirment l'annonce miraculeuse encore endormie dans le sel c'est le Mai Ornette sous la moire rouge de tes élytres? Trois mois ? Tu prends le violon tu changes de hanneton combien de temps ?
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1.


Extrait 2

La capture, en compagnie de Pierre Bergounioux de Geoffrey Lachassagne. — Pleine nuit de juin. Un drap blanc tendu entre les herbes hautes, éclairé par une lampe à ultra-violet : les insectes les plus jaloux de leurs secrets viennent s'y prendre et presque s'y produire. Leurs griffes s'accrochent aux mailles du tissu, elles remplissent l'office des épingles qui fixeront leurs dépouilles sur coussin et sous verre, leur noires silhouettes saccadées ironisent de la sorte la mémoire en quoi le geste de capture veut les convertir. La tristesse de Pierre Bergounioux vise à conserver la trace, à en comprendre le dessin, à confirmer par cette conscience qu'il y eut là autrement plus qu'un simple passage — et l'oubli sanctionne de même sa répétition, il prend la forme d'une nouvelle histoire inventée, qui n'a avec son modèle qu'un rapport de ressemblance fortuit. — Sur l'écran aux coléoptères, mon œil a la brièveté, une brièveté qui pince jusqu’au sang, du lucane cerf-volant.
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Arthur Rimbaud



extrait 2

Chacune des Illuminations de Rimbaud ressemble par sa douceur à l’un des petits coussins qui ornent la patte du chat. Coussins emplis d’une formication de signes qui assurent une sorte d’équilibre sans structure. Le signe y est sans domiciliation fixe. Partout à la fois dans l’espace qu’il constitue, il dégage une plénitude d’oasis. En effet le fragment/coussinet/signe rimbaldien est un point d’eau fraîche où trempent des palmes – alentour le jaune pâle martelé, bosselé du désert. C’est une image simple, qui ne me correspond pas, mais je ne sais comment dire autrement le plaisir ressenti.

[…]
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Photographie 11



10h58. Soleil. Explosion solaire. Un chantier, à l'heure de la pause, quelque part en Chine. L'homme est accroupi à l'intérieur d'un élément de collecteur de fort diamètre, ou bien d'une locomotive dont il ne subsiste que le corps cylindrique vide de la chaudière. La vue frontale favorise l'illusion et l'on croit voir le gros plan d'un objectif photographique ; la folie cinétique qui anime ce type d'objet contrariée par la paille de cet homme au repos, tête tournée vers sa droite, appuyés sur les genoux, ses bras où pendent les mains... Il y a un tas de briques, deux ouvriers déjeunent en retrait, une rangée d'arbres, la route de terre, son remblai – oui, il y a quelque chose de déréglé dans la circulation incessante de l'énergie. Un homme dans l'accélérateur de particules, bougerait-il ? … Ses bras où pendent les mains, très claires, parce que les seules dans la pleine lumière.
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Le Cinéma, c'est l'art d'abréger. Même dans sa continuité classique, sa diégèse est un raccourci.

Le cinématographe, c'est l'autre. C'est une altérité. Mais une altérité qui entre dans un rapport de contradiction avec son concept philosophique, du moins dans son acception actuelle. L'altérité du cinéma, c'est une singularité qui conjoint la plus grande distance et la relation la plus ténue - d'où qu'il ne fonde rien. Le plaisir qu'il suscite ne fonde pas, il emporte. La pensée qu'il génère pas plus ne fonde, elle démonte. Démontable ? Et l'on songe à Buster Keaton. Buster Keaton est la figure tutélaire de cet art qu'on dit industriel par cruauté à l'égard de l'industrie. Demandez au fantôme du "maigre triste" quel mot détruit l'autre dans ce burlesque oxymore.
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Jacques Sicard
Quand chaque image de plus est une journée de moins. Il y a un si grand nombre d’heures à passer chaque jour. Quand, chaque cadre ou plan efface une trace réelle, jusqu’à ce qu’aucun moment ne contienne plus rien du monde. Printemps précoce.

Jacques Sicard

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« Être au bord de ce qui est à venir, tourné vers l’avenir est-il une situation compatible avec la photographie ? Cela existe-t-il en photographie ? Non. Rien ne vient jamais, pas de hors champ. Tout est dans le cadre et dans l’imaginaire du cadre. Bien suffisant. »
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Jacques Sicard
Husbands
de John Cassavetes

Les maris. Leur vie de petit enfant que le mariage encourage. Petit enfant qui à l’instar de celui dont c’est l’âge ne sait pas bien distinguer entre désir et réalisation du désir, entre imaginaire et réalité. Pour qui le caractère passionné de ses pulsions instinctives a une force magique : le désir de s’affranchir affranchit. A ceux-là, Cassavetes dans Husbands offre un temps incommensurable, leur laisse le temps d’ajouter et d’ajouter encore à la perfection classique de leur infantilisme. Ce qui contrarierait les maîtres du XVIIème siècle qui définissaient le classicisme comme cette construction délibérée d’une langue au-delà de laquelle on ne peut aller. Mais Cassavetes est un pervers se moquant bien de la règle de non-répétition qui préside au sonnet.

Les maris. Enfançons lourds d’années au moins pour chacun quarante fois sonnées, où vont-ils qui, au petit matin quotidien, après moult beuveries, plans-culs, bravades et cris, s’avancent vers nous avec à la bouche un de ces sourires canailles fredonnant à qui veut l’entendre l’avant-dernier couplet, celui détourné, de La Marseillaise :
Nous entrerons dans la carrière
Quand nos âmes ne seront plus
Ils ne trouveront leurs poussières
Ni leurs coeurs auxquels tout déplut
- ils rentrent à la maison.
Le montreur de temps imaginaire, Cassavetes, seul aura bougé.

Qu’est-ce qu’un temps imaginaire ?
C’est un temps dont l’incommensurabilité est contenue dans l’empan d’une main qui compte les secondes.
Les deux dimensions de l’empan sont réelles. Sans mesure et mesure, en même temps et à même hauteur.
Ca fonctionne comme un double-bind ou double-contrainte. D’où son filigrane de terreur.
Dans ses films, Cassavetes use à l’envie du temps imaginaire. C’est le régime temporel des scènes où les enfançons et les enfantelettes, abusivement hommes et femmes, qui en occupent l’espace, sont comme des vampires surpris par l’aurore.
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1.


Extrait 1

Je ne veux pas l'oublier en me souvenant de lui à travers vous. Je ne veux pas vous oublier en me souvenant de vous à travers lui, dit-elle. La merveille d'amour ne se produit que deux fois. Une fois ici, une fois là — peut-être une fois au bord de la Loire, peut-être une fois sous le dôme de Genbaku ; une fois femme aux cheveux rasés, une fois évaporé avant que les nerfs aient senti quelque chose ; une fois à Nevers, une fois à Hiroshima. C'est la même merveille — devenue méconnaissable. Ainsi va l'oubli. Pour Marguerite Duras, l'oubli commence avec la répétition. Sa cendre se dépose dans un nom propre, le destin d'urne des noms propres — à rien.
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Philippe Garrel



extrait 2

Parce que le travail de Philippe Garrel repose sur la lubrification et la salinité naturelles des yeux, sur l’emploi lénitif qu’il en fait, le monde qu’il enregistre puis restitue, en particulier celui de l’émoi amoureux, en dépit de ses mensonges et autres lâchetés, de son manque non de réciprocité mais d’unisson, laisse une impression de facilité : Ce n’est rien au fond que vivre, aimer. Quelle magnifique absence de conséquence, et le vif plaisir éprouvé – alors que nous avions si peur, tellement difficiles sont les lendemains – Garrel, c’est comme d’être enveloppé, maintenant dans une étoffe de flanelle.
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