L’arrivée du printemps, pour toute femme qui se respecte, est souvent synonyme de bonnes résolutions, à coup de régimes et autres mesures diététiques draconiennes. Et fréquemment, ces bonnes résolutions nous enchantent les premiers jours, voire pour les plus motivées, les premières semaines, mais ensuite, difficile de s’y tenir !
J'accroche mon sac à main ainsi que mon trench au portemanteau, puis me dirige vers le bureau de mon supérieur afin de le saluer. Il se lève pour venir à ma rencontre et me tend sa main droite. Je suis surprise par sa poigne qui fait craquer mon poignet.
OK je peux ramasser mes os ?
Les yeux écarquillés, j'observe l'homme qui me fait face, pure réincarnation d'un dieu grec. Il porte un costume trois-pièces gris chiné, dévoilant une chemise bleu ciel assortie à un regard bleu azur. Une babe finement rasée parsème sn visage, encadrant des lèvres peines et ourlées. Ses cheveux bruns sont décoiffés, comme s'il avait passé la main une bonne vingtaine de fois. Prenant conscience de mon état de fascination, je relache aussitôt sa main et me présente en bonne et due forme :
- Bonjour Monsieur Morand, je suis Léane Ziberstein.
Ma main droite me fait souffrir et je tente de la soulager en serrant le poing.
- Mademoiselle Ziberstein, enchanté de faire votre connaissance. Un instant j'ai cru que vous étiez muette. Je n'aurais pas apprécié que Delbecq me fasse une mauvaise blague.
" La vie est une rose dont chaque pétale est une illusion et chaque épine une réalité "
Alfred De Musset
Les hommes aiment les formes, il n’y a qu’à voir la façon dont ils nous reluquent quand ils entrent ici.
Ma troisième journée de travail se passe mieux que les deux précèdentes car mon boss n'apparaît qu'n coups de vent. J'ai même le droit à un compliment, cependant vite transformé en critique.
- Jolie robe, mais elle vous mettrait davantage en valeur sans ces kilos superflus. Votre faiblesse pour les sucreries n'est pas à votre avantage.
Mon sang ne fait qu'un tour et l'énervement me gagne. Cette fois-ci, j'aurais volontiers emprunté le fouet de Catwoman.
- J'ai dû mal lire mon contrat, car je n'ai pas remarqué de clause stipulant que mon apparence physique devait être subordonnée à votre appréciation, rétorquais-je innocemment.
Certains diront que mon complexe d’Œdipe n’est pas encore résolu, mais je leur oppose qu’il est l’une des rares personnes à m’accepter telle que je suis. Vraiment. Sans chercher à me modeler à sa manière. Il m’aime, avec mes qualités et mes défauts. Même si j’ai beaucoup plus de défauts que de qualités, d’ailleurs. À l’écouter, ce qui passe pour de l’insouciance et de la naïveté pour certains, n’est autre qu’une joie de vivre et une confiance en la nature humaine pour lui.
La base du fantasme est l’imagination, pas la concrétisation.
Je fantasme ouvertement sur mon patron, alors qu'il se tient juste en face de moi. Qu'est ce qui cloche chez moi aujourd'hui, sérieusement ? Je secoue la tête pour me ressaisir et lui répondre.
- Mademoiselle Ziberstein ? tout va bien ?
- Euh .... oui pardon, juste un peu de fatigue, je lui répond en me passant la main en haut de la poitrine afin de dissiper mon malaise.
-Avec toi, rien ne pourra m'arriver aujourd'hui, je murmure après avoir jeté un dernier coup d’œil dans le rétroviseur.
Comme si l'application de ce rouge fétiche me donnerait une force quelconque, empruntée à Catwoman, pour résister à cette rude journée qui m'attend.
L’avantage, ou l’inconvénient de ces petites communes, c’est que tout le monde se connaît.Impossible de passer inaperçu, encore moins pour une enfant du pays.