10 mars 2010 :
Mot de l'éditeur :
Philippe Dutilleul trouve autant de raison daimer la Belgique que de motifs de la détester. le délitement du pays le désole. Il livre ici un portrait acide de ce pays où rien ne va tout à fait comme cela devrait, où lon sest habitué à vivre de petits arrangements. Un pays miné non seulement par les tensions nationales et les querelles communautaires, mais par un passé chargé daffairisme, de fraudes, de scandales jamais vraiment élucidés, comme laffaire Dutroux ou celle des tueurs du Brabant-Wallon
Le réalisateur du tonitruant « Tout ça ne nous rendra pas la Belgique » stigmatise une opinion publique amorphe, manipulées par les ambitions politiciennes des uns, assommée par la médiocrité des autres. Il renvoie dos à dos les autruches wallones et les incendiaires flamands. Il sinsurge contre un pays qui senferme peu à peu dans une logique dapartheid. Il peste contre un roi à la petite semaine qui na ni la carrure de son père ni celle dun Juan Carlos en Espagne.
Pourtant, assure-t-il, le Royaume de Belgique pourrait être formidable. le pays de Rubens, Ensor et Magritte, de Brel et dHugo Claus, des frères Dardennes et Jacko van Dormel, de Frankin et Geluck ne manque ni de talents ni dhumour. La Belgique, écrit Dutilleul, cest aussi un art de vivre, une bonhomie, une forme de simplicité, voire un goût du burlesque qui se moque du complexe de supériorité du voisin français
Lauteur
Philippe Dutilleul, journaliste à la RTBF, est lun des réalisateurs du fameux magazine « Strip Tease » devenu aujourdhui « Tout ça (ne nous rendra pas le Congo) ». Il sinscrit dans une tradition du journalisme social, insolent, dérangeant. le 13 décembre 2006, il stupéfiait la Belgique avec un reportage fiction annonçant la scission du pays.
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« Ensor écrit assez volontiers. On sait que la plume est entre ses mains une arme –certes contournée, fantasque, chimérique- mais qu’elle est toutefois aiguë et pointée comme un couteau et qu’elle blesse souvent. […] Sa phrase est surabondante d’adjectifs pittoresques et cocasses, de substantifs soudains et inventés ; elle est folle, amusante, superlificoquentieuse ; elle écume et bouillonne ; elle monte et s’écroule en cataracte. Lorsqu’une bouteille d’ardent champagne se débouche et que le fourmillement des bulles gazeuses s’élève myriadaire et pétille vers le goulot pour se répandre et se résoudre en mousse, je songe au style fermenté de James Ensor. »
Emile Verhaeren

Haro ! Haro !! Haro !!! sus aux censeurs.
Je n’estime guère le bourgeois censeur moralisant ni sa logique rabique ventrue alimentée de rancœur, morale indigeste de râble d’estomac, intestinale morale de bourses et de culottes, morale inélégante, anti-galante, morale vicieuse et de fiel composée. Morale servile cuisinée, faisandée poulardée de vieux puceau de Virginie, morale de conseillers déchaussés, en mauvaise odeur de sainteté. Morale « Baelsamique » et morose, morale enragée de cafard macéré au cerveau de fœtus poissonneux, morale indiscrète, espionne, bavarde, cachottière, aiguiseuse, allumeuse, éveilleuse de mauvais sentiments. Excitante, outrageante. Morale sans quartier blasonnée de gueules de douairières dépitées. Morale désuète de juge rouge, d’inquisiteur-rôtisseur traînant en laisse jolie diablesse bien fessée, ou tirant gentiment un pauvre diable par la queue. Morale médicastrée de vivisecteur à moelle de ouistiti, morale d’arpenteurs désaxés reluquant points de vue insoupçonnés, morale d’architecte cubiforme aux gueules branlantes, aux derrières croulants mal bétonnés. Morale de roquet gâteux maculant fleurette rose, morale lunettée convexe ou concave de lunatiques microscopés, morale immorale.
J’aime parler, écrire, ouïr, un langage propre au peintre amoureux des images. Parlons non pas langue d’oc, d’ail, de chien, de chat, de latin ou de lapin ; parlons forte langue claire et verte, trempée à chaud et à froid cimentée d’adjectifs retentissants.
J’aimerais défendre avec vous la jeunesse et ses espoirs et je dirai à tous la belle légende du Moi, du Moi universel, du Moi unique, du Moi ventru, du grand verbe Être : Je suis, nous sommes, vous êtes, ils sont !
Les jeunes m’offraient en guise de chique un bout de leurs tresses parfumées, les mûres en pies-grièches roublardes, m’enlevaient toujours quelques plumes, les plus âgées m’apportaient les brodequins légers de leur jeunesse, me régalaient de flans succulents, de tourtes crémeuses confectionnées avec amour, de macarons fondants, de soupirs de nonnes, de délices de Turquie, de barbes de capucins, de confitures et de dragées, de poires tapées et de pommes cuites, le tout arrosé d’une larme de Saint-Marceau. Une dame gracieuse m’offrit à Noël, un gâteau prodigieux œuvré par des angelets marmitons, angelets chers aux vieux peintres des pays plats, gâteau pétri par Sainte-Farine, délice de Saint-Chrême, purée de Sainte-Galette, chef-d’œuvre de Saint-Honoré, beurré par Sainte-Margarine, sucré par Sainte-Sucrine.
Je la veux simple et souple notre langue moderne. OUI, vous l’aimerez Mesdames, quand Francisé au jus de Bourgogne, baptisé de Pommard, quand dégorgée, désinfectée, débarrassée des pustules parasitaires, des chancres dévorants, elle sonnera net et claire telle musique cadencée où l’harmonie domine.
Vilains crapauds indécents vous maculez les chairs fraîches et vierges de nos filles opulentes.
Vous ne construisez plus à l’heure actuelle des maisons à grenier. Quel dommage ! On trouvait de tout dans ces greniers. On y découvrait du passé émouvant, des œuvres d’art, des choses pleines d’imprévu et de mystère, tout le folklore reflétant la sensibilité de nos pères. Pourquoi avoir supprimé les greniers qui recélaient des trésors et où je me souviens d’avoir passé des heures de mon enfance émerveillée. Architectes à bas les griffes. Ne touchez plus aux greniers d’abondance de nos grands-parents.
Au temps de mes grand-mères, la peinture flattait le goût et le toucher : pâte croustillante, grasse et coulante, ragoûts onctueux, bourrés, cuisinés. Les amateurs et flaireurs de l’époque trempaient les doigts dans les sauces tout comme nos cuisiniers dangereux, et les cadres du temps passé, hérissés de choux ébouriffés et pleins d’or, étalaient les munificences les plus graisseuses et les licences les plus saugrenues.
Depuis cinquante quatre années, des flots d'eau sucrée et autres dégoulinent du royal pinceau de nos maîtres de l'aquarelle.