Citations de James Sallis (159)
- D'ailleurs, t'es d'où, Turner? Un monde tellement éloigné qu'il nous faut un putain de télescope pour le voir. Ton paternel allait bosser tous les matins avec une chemise blanche infroissable?
- En fait, la plus grande partie de sa vie, pendant près de quarante ans - jusqu'à ce que ça ferme -, il a travaillé à la scierie du coin. Après ça, il a plus fait grand-chose, pas même se lever de la table de la cuisine. Les vieux joueurs de banjo utilisaient un accord ouvert qu'ils appelaient sawmill*. Parce que c'est là qu'ils bossaient tous, dans des scieries, et qu'il y en avait tellement qui avaient perdu des doigts. Avec l'accord ouvert sawmill, on peut presque tout jouer avec un doigt ou deux.
*sawmill: scierie
La vie est rarement une pâte qu'on met au four et qui ressort merveilleusement dorée.
Chaque roman, chaque poème, est la même histoire unique, qu'on raconte encore et encore. Comment on essaie tous de devenir véritablement humains, sans jamais y parvenir.
On fait ce qu'on peut pour soulager la souffrance des autres, en imaginant que ça soulagera la nôtre. Mais ce n'est pas le cas. D'une certaine façon, au contraire, ça ajoute à notre propre souffrance. Nous n'effaçons pas la souffrance des autres, nous la prenons avec nous.
C'est important les noms. Les choses sont ce que nous nommons.
Nommer permet de comprendre.
Nous nous installons dans notre vie quotidienne, nous trouvons refuge dans nos habitudes et nos présupposés. Nous passons à côté de tant de choses.
Ce qu'on voit et perçoit chez les autres n'est, en fin de compte, que ce qu'on est capable de trouver en soi.
Pour être honnête, je me sens plus seule aujourd’hui en compagnie des autres que de la mienne.
"La vie, a dit quelqu'un, c'est ce qui vous arrive pendant que vous attendez que d'autres choses arrivent, qui, elles, n'arriveront jamais"
Il serait temps, pour tout lecteur, de se plonger dans James Sallis, et d'abandonner tous ces romans mortifères avant qu'ils ne le salissent.
Préface - Jean-Bernard Pouy
Je suis de la région de Meyer, plus au nord. "
Où, avait dit Calun jour en parlant de la topographie diversifiée de l' Etat, les montagnes commencent à hausser les épaules.
Savez- vous ce que c'est qu'une truffe, monsieur Turner ?
- Plus ou moins, je pense.
- C'est un tubercule. ça pousse sous terre, sur les racines d'arbres qui ont passé des années à se faire une place, à lutter, à s'ouvrir un chemin jusqu'à la lumière. Le tubercule profite de l'arbre et ne donne rien en retour.
- D'accord.
- Emily est une truffe.
On a beau scruter attentivement les cartes et repérer l’itinéraire, il est rare qu’on rallie la destination qu’en pensait atteindre.
La vie est rarement une pâte qu'on met au four et qui ressort merveilleusement dorée.
Comme disait Howard Thurston, le prestidigitateur, à ses assistants : si tu comprends pas ce qui se passe, souris et tourne les talons.
Nos bêtes connaissaient trois endroits au monde : celui où elles étaient nées, nos hangars et l'abattoir. Vous parlez d'une vie.
Quelqu'un a dit de Hemingway que, pour chaque nouveau roman, il lui fallait une nouvelle femme. Joseph M. Hale, lui, devait avoir besoin de nouvelles portes moustiquaires.
A situation désespérée, mesures désespérées.
Il m'a raconté un soir qu'il était parti pour changer les choses, mais que, au bout du compte, c'étaient les choses qui l'avaient changé.
...
Réfléchis-y. C’est une raison qui en vaut bien d’autres. Je me suis dit qu’un homme qui vénérait George Jones (*) devait avoir quelque chose de spécial. L’homme que tu aimes va perdre son travail et tout intérêt pour toi, grossir et péter sur le canapé. Ces cassettes-là seront toujours là, toujours pareilles, ce vieux George qui déverse son cœur dans chaque note. On a toujours l’impression qu’il se fait violence, qu’il expulse les notes à travers une espèce d’obstruction émotionnelle ou physique. Sa voix qui trébuche, qui se tapit et bondit, toujours aux limites de ce qu’une voix doit être, de ce qu’un homme peut ressentir.
...
(*) ou Willie Nelson, ou Bill Staines et Quelques Autres