Plus il passait de temps parmi les hommes, moins il se sentait tenu d'être sincère.
Caleb revoyait les ossements entremêlés de ses frères et sœurs, leur bouche figée sur une grimace de douleur. La terreur qu'il avait éprouvée lorsqu'il s'était faufilé hors du cellier le hantait. Il lui semblait parfois que les squelettes bougeaient, ou il pensait entendre une respiration, à moins que ce ne soit un soupir, mais, lorsqu'il se ressaisissait, rien n'avait changé. Emma gisait toujours dans la neige...
Une pécheresse, voilà ce qu'elle était.
[...] À neuf ans, quand il avait décidé d’explorer seul leur territoire pour la première fois, il avait découvert un endroit magique, silencieux, de l’autre côté de la colline : quatre petits tertres dans une clairière bordée d’érables jaspés au tronc rayé et noueux, qui poussaient sur les rochers comme pour les clouer au sol. Les arbres paraissaient taillés, l’herbe bien entretenue, et Caleb s’était senti à l’abri dans cet endroit, parfaitement en sécurité. Deux jours après avoir vu l’homme mourir dans le champ, il avait voulu se réfugier dans ce havre de tranquillité pour essayer de calmer le martèlement dans sa poitrine, et de chasser les cauchemars qui le hantaient depuis qu’il avait recouvré le sommeil. Mais la paix du lieu avait été bouleversée par l’ajout d’un cinquième tertre, sur lequel des brins d’herbe se mêlaient à la terre fraîchement retournée.
À neuf ans, quand il avait décidé d’explorer seul leur territoire pour la première fois, il avait découvert un endroit magique, silencieux, de l’autre côté de la colline : quatre petits tertres dans une clairière bordée d’érables jaspés au tronc rayé et noueux, qui poussaient sur les rochers comme pour les clouer au sol. Les arbres paraissaient taillés, l’herbe bien entretenue, et Caleb s’était senti à l’abri dans cet endroit, parfaitement en sécurité. Deux jours après avoir vu l’homme mourir dans le champ, il avait voulu se réfugier dans ce havre de tranquillité pour essayer de calmer le martèlement dans sa poitrine, et de chasser les cauchemars qui le hantaient depuis qu’il avait recouvré le sommeil. Mais la paix du lieu avait été bouleversée par l’ajout d’un cinquième tertre, sur lequel des brins d’herbe se mêlaient à la terre fraîchement retournée.
Il était déjà entraîné dans une histoire, et apparemment il était le seul à se rappeler ce qu'ils avaient perdu. Aucun cheval miniature, ni aucun cadeau au monde, ne pourrait jamais défaire le passé. Il ne reviendrait pas un enfant juste pour être agréable à sa mère.
[...] Personne n’habitait suffisamment près pour les connaître – un isolement qu’ils avaient voulu, qui était pour eux une nécessité. Mais Elspeth avait des ennemis, et ses péchés la liaient irrémédiablement à ceux qu’elle avait lésés.
Une pécheresse, voilà ce qu'elle était. Cette pensée planait comme une ombre sur Elspeth Howell quand elle se lavait la figure, surprenait son reflet dans une vitre ou descendait d'un train après plusieurs mois passés loin de son foyer. Chaque fois qu'elle apercevait une église, que son mari citait la Bible ou qu'elle-même portait les doigts à la croix toute simple autour de son cou tandis qu'elle rassemblait ses bagages, elle sentait peser ses offenses au creux de sa poitrine, aussi dures et lourdes que la pierre.
[...] Ils se dévisagèrent longuement, dans l’expectative l’un et l’autre. Aucun d’eux ne prit la parole, mais chacun avait conscience de tout ce qui avait changé pour l’enfant qui avait vécu dans la grange, et pour la femme qui gravissait la colline plusieurs fois par an, passait des mois à ronger son frein au sein de sa famille, puis repartait.
Pourquoi, si le paradis est au-dessus de nous, dans le ciel, mettons-nous les morts sous la terre, plus près du diable ? Pourquoi ne pas les brûler, les laisser s'envoler et se rapprocher de Dieu ?