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4.93/5 (sur 7 notes)

Nationalité : États-Unis
Né(e) à : Brooklyn , le 11/09/1955
Biographie :

James Shapiro a obtenu son doctorat en littérature en 1978. Il est professeur d'anglais et de littérature comparative à la Columbia University de New York depuis 1985.

Il est spécialisé dans l'oeuvre Shakespearienne et la culture élizabéthaine.

En 2010, son Contested Will prend parti pour Shakespeare dans la controverse bi-centenaire qui tend à ôter au Maître la paternité de son oeuvre grâce à des sources précises et une argumentation très fine et détaillée.

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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Les beuveries et la promiscuité à la maison Theobald étaient sans doute prodigieuses. Le portrait du roi de Danemark donné par Harington était loin d'une simple parodie d'ivrogne lubrique. Christian était connu pour avoir tenu un journal dans lequel il marquait d'une croix les jours où il était tellement ivre qu'on devait le porter au lit (et ajoutait des croix supplémentaires s'il avait perdu connaissance).
Il pouvait assumer "30 ou 40 gobelets de vin" dans une soirée, et était sans doute enchanté quand, en honneur de sa visite à Londres, les autorités civiques ont donné l'ordre que "dans les conduits de Cornhill... coule le vin de claret". L'un de ses principaux ministres a noté comment, après une séance de beuverie, Christian se renseignait auprès de lui sur la disponibilité des jeunes filles dans la taverne locale. Le roi danois a engendré au moins vingt enfants avec ses deux femmes et diverses maîtresses. Il est peu probable que Jacques se soit hasardé à rivaliser avec son beau-frère alcoolique, même pas en l'accueillant les derniers jours de sa visite sur le bord de deux navires anglais reliés par une passerelle (où deux nobles anglais étaient tellement ivres qu'ils sont tombés dans la Tamise, et que l'un d'eux est remonté nu à partir de la taille). Les scènes de la beuverie sauvage à bord d'un bateau dans "Antoine et Cléopâtre", où Lepidus doit être emporté ivre mort, ne viennent pas de Plutarque, et pourraient bien devoir beaucoup aux rumeurs sur cette grande débauche pendant la visite de Christian.
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L'un des bouts de terrain que Shakespeare loue en juillet dernier contourne Clopton House, domaine appartenant à lady et lord Carew. Carew, qui aida à écraser la révolte irlandaise, fut ensuite attaché au conseil de la reine Anne. Lui et sa femme vivent maintenant près de la cour, au Savoy à Londres. Sachant que les Carew resteront probablement loin du domaine pour un certain temps, Ambrose Rockwood visite Clopton House le samedi avant la St. Michel 1605, accompagné de deux amis, John Grant et Robert Winter de Huddington, une bourgade voisine. Les trois approchent l'intendant de Carew, Robert Wilson, et Rockwood l'informe froidement qu'il désire louer la maison pour les quatre prochaines années. Wilson répond que d'aucune façon il ne se permettrait de faire cela sans avoir reçu au préalable le consentement de son maître. Rockwood insiste, disant qu'il est "un gentleman connu de lord Carew, et pourrait facilement obtenir son accord". Peu après, selon le témoignage de Wilson, "sans trop de bruit", et pendant que Wilson est absent de la propriété, Rockwood apporte effrontément "ses affaires", rassurant la femme de Wilson qui se trouvait sur place que "tout était parfaitement convenu avec son mari". Une fois aménagé, Rockwood invita beaucoup de monde à Clopton, y compris Winter et Grant, le beau-frère de Grant Mr. Bosse, Edward Bushell et Robert Catesby avec son serviteur Thomas Bates. Wilson évoqua en particulier "un grand dîner et beaucoup d'inconnus" (1) à Clopton "le dimanche après la St. Michel", et d'autres "inconnus" venus en "berline" le 4 novembre (venir en berline était très inhabituel, car ces véhicules n'étaient en usage que depuis très récemment, et majoritairement à Londres). Que Wilson ait opté pour le mot "inconnus" est tout aussi inhabituel; ce terme, comme "étrangers" (2) était habituellement réservé à ceux qu'on désigne aujourd'hui comme des gens d'un autre pays (3). Ses propos suggèrent que les autochtones observaient de près at avec suspicion tous ceux qui n'avaient rien à faire dans les parages. Dans ce cas précis, Wilson avait une bonne raison, car Clopton House est devenu l'épicentre même de la conspiration des Poudres.

(1) strangers, (2) aliens, (3) foreigners en VO
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Cette ancienne tendance d'exagérer le pouvoir des forces diaboliques avait été renforcée par la tradition théâtrale qui affirme que "Macbeth", le seul parmi les travaux de Shakespeare, est accompagné d'une malédiction : un désastre frappera tout un chacun qui prononcerait négligemment "Macbeth" dans un théâtre ; les acteurs qui oublient de l'appeler "la pièce écossaise" ou par un autre titre sécurisant doivent dire un charme pour conjurer cette malédiction. Malgré un effort ardu pour retracer cette malédiction en remontant aux premières représentations de la pièce, elle ne date pas plus tardivement que de la fin du 19ème siècle, quand l'humoriste Max Beerbohm révisait les épreuves pour la "Saturday Review" et avait fabriqué une histoire - en l'attribuant faussement à un biographe du 17ème siècle John Aubrey - que Hall Berridge, le jeune homme qui devait jouer le rôle de Lady Macbeth, "est soudainement tombé malade de la pleurésie, si bien que le Maître Shakespeare lui-même a dû jouer à sa place".
Ce que Beerbohm a inventé - et son orthographe d'époque lui a prêté une touche d'authenticité - fût rapidement accepté en tant que fait. Les acteurs ont bientôt ajouté des exemples supplémentaires sur des accidents arrivés à ceux qui jouaient dans "Macbeth" (pas vraiment surprenant dans une pièce où les combats à l'épée et les glissants couteaux tachés de sang font force apparitions), et à notre âge d'internet il est maintenant impossible de se défaire ce vieux mythe victorien.
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De plus en plus de chercheurs s'intéressent à ces découvertes, et élaborent une approche plus sophistiquée. Certes, ça prendra un certain temps, mais les éditeurs et biographes de Shakespeare devraient bientôt pouvoir offrir une vision plus véridique de cette période tardive et collaborative de sa carrière.
Même les chercheurs impartiaux se sentent quelque peu mal à l'aise en réalisant à quel point ces découvertes sur le travail d'équipe transforment toute notre compréhension sur la façon de travailler de Shakespeare, on peut donc seulement imaginer ce que doivent ressentir ceux qui lui nient la paternité de ses oeuvres.
A ce jour, ils ne s'expriment pas vraiment sur le sujet, et il n'est pas difficile de comprendre pourquoi.
Il est tout bonnement impossible d'imaginer un de ces aristocrates ou courtisans travailler plus ou moins à égalité avec une bande de dramaturges de second ordre, en particulier avec Wilkins, qui tenait un pub et très probablement aussi un bordel. Notamment pour les partisans de lord Oxford, ces études attributives sont un cauchemar.
Leur stratégie consistait longtemps dans l'affirmation qu'après la mort d'Oxford en 1604, "ses" pièces non-finies étaient retouchées et complétées par d'autres dramaturges. Les stratfordiens orthodoxes considèrent cette possibilité tout au plus comme un amusant scénario de foire. On est censé imaginer Middleton, Wilkins ou Fletcher venir fouiller dans la propriété de feu Oxford à la recherche des "pièces à trous" afin de les compléter : avec beaucoup de dextérité, Fletcher va s'en approprier trois, les autres se contenteront d'une chacun.
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Depuis leur formation en 1594, il est probable que The Chamberlain's Men ont déjà collaboré à une bonne centaine de pièces, dont presque un cinquième était de Shakespeare. Quand Shakespeare s'asseyait pour écrire une pièce, c'était toujours en pensant au potentiel de sa troupe. "Hamlet" ne serait pas le même si Shakespeare n'avait pas écrit le rôle principal pour Richard Burbage. Les rôles comiques étaient écrits en vue des pitreries improvisées de Will Kemp. Augustine Philips et George Bryan se produisaient déjà en tant que professionnels depuis plus d'une décennie, Thomas Pope, qui excellait dans les rôles comiques, encore davantage. Henry Condell, Will Sly, John Duke, John Holland et Christopher Beeston étaient tous des vétérans du théâtre, et ont beaucoup contribué à la renommée de toute l'équipe. Le degré de confiance et de compréhension mutuelle (encore plus important pour une compagnie sans un véritable directeur) était extraordinaire. Pour un dramaturge - sans parler de son activité d'acteur que Shakespeare était également - la séparation d'un tel groupe serait une incalculable perte.

(trad. de l.)
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La musique originale de "It Was a Lover and his Lass" a survécu, arrangée pour la voix, le luth et la viole de gambe, et publiée dans le livre de Thomas Morley "The First Book of Ayres", peu après sa première apparition sur scène. * Morley était l'un des plus illustres musiciens et compositeurs de l'époque, et pendant un moment il était aussi voisin de Shakespeare à Bishopsgate Ward. La meilleure explication de pourquoi cette même chanson apparait dans les deux publications respectives de Morley et de Shakespeare reste que Shakespeare a songé à prendre Morley comme collaborateur. Les paroles dans une pièce musicale ne comptent pas vraiment, si elles ne sont pas accompagnées des mélodies de premier choix. Il semblerait que les deux artistes ont travaillé ensemble sur la chanson, Shakespeare fournissant les paroles et Morley la musique, en gardant cependant la liberté de publier indépendamment le fruit de leur entreprise commune.
Si c'est le cas, l'audience du Globe a pu profiter de l'association inspirée d'un des plus grands paroliers d'Angleterre et d'un de ses meilleurs compositeurs. Si quelques vers perdus de Shakespeare restent encore à découvrir, il est probable que ce sera dans des oeuvres anonymes, contenues dans des recueils similaires au "Book of Ayres" de Morley.

* Dans "Comme il vous plaira"
(Trad. de l.)
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Il y a une autre anecdote sur Hall et Shakespeare, moins connue qu'elle ne devrait l'être. [...] Le 22 juin 1616, deux mois après la mort de son beau-père, John Hall s'est rendu à l'office de l'archevêque de Canterbury près de St. Paul à Londres, afin de faire homologuer le testament de Shakespeare. Parmi les documents fournis se trouvait "l'inventaire des effets du testateur", c'est à dire, une liste des possessions privées de Shakespeare. Ce que Shakespeare aurait pu posséder (et léguer à ses héritiers) en matière de livres de valeur, manuscrits et lettres serait plutôt noté dans cet inventaire que dans son testament. (Ce qui explique, comme a observé J. Bates, pourquoi les testaments d'éminents élisabéthains - comme celui du grand théologien Richard Hooker, ou celui du poète Samuel Daniel - ne contiennent, tout comme celui de Shakespeare, aucune mention de livres.)
Si l'inventaire que John Hall apporta à Londres avait survécu - ou si, par miracle, il finissait par refaire surface - cela pourrait faire taire ceux qui, sans aucune connaissance des procédés testamentaires élisabéthains, continuent à affirmer que Shakespeare de Stratford ne possédait aucun livre et qu'il était probablement illettré.
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Au moment où elle commença à se questionner sur la paternité des oeuvres de Shakespeare, Delia Bacon était déjà familière des travaux de Francis Bacon, elle lisait et prenait des notes sur leurs copies, et elle s'est liée d'amitié avec l'un des principaux avocats américains de Bacon, le professeur Benjamin Silliman de Yale. Son intérêt était aussi piqué par les conversations avec son vieil ami de New York, Samuel Morse.
Morse, qui était en train d'expérimenter de nouveaux codes pour crypter les messages télégraphiques, lui avait parlé d'un chiffre secret créé par Francis Bacon, quelque chose dont elle ne savait rien et qui a par la suite contribué à développer sa théorie sur la paternité de Bacon, publiant secrètement sous l'identité de Shakespeare.
Les pièces de puzzle commençaient à s'emboîter. Résolvant deux mystères littéraires de longue date d'un seul coup, elle était maintenant en mesure d'expliquer pourquoi la quatrième partie de magnum opus de Bacon, "Instauratio Magna", était incomplète, et les parties manquantes de sa "Nouvelle Philosophie" jamais publiées ou considérées comme perdues. Sa lecture minutieuse des pièces de Shakespeare a révélé que les parties absentes de l'oeuvre de Bacon ont en réalité survécu... sous forme du plus grand oeuvre dramatique de l'ère élisabéthaine.
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Si nous modifions notre façon de comprendre la plus grande pièce de Shakespeare, nous modifions aussi notre conception de Shakespeare. Le mythe romantique du génie littéraire, créant sans effort des chefs-d'oeuvre insondables, ne tient plus devant un Shakespeare dont la grandeur naît du travail autant que du talent. On préfère présenter ici un portrait plus humble de Shakespeare, écrivain qui se connaissait, connaissait son public et savait ce qui marchait. Quand il vit qu'il lui fallait bouleverser le premier état de sa pièce, il le fit sans hésiter. Il n'avait pas écrit Hamlet pour son plaisir. Si tel avait été le cas, il se serait contenté du héros complexe de sa première version. Seul un écrivain extraordinaire, de premier ordre, a pu créer ce premier jet ; et seul un écrivain plus grand encore a été capable de sacrifier des parties de ce premier jet pour mieux montrer "le visage même de l'époque". Shakespeare n'écrivait pas "depuis une autre planète", selon les mots de Coleridge : il écrivait pour le Globe ...
p. 357
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Shakespeare est donc né dans une Angleterre suspendue entre deux mondes. Certes, les Elisabéthains n'eurent pas à subir les sanglantes guerres religieuses qui déchirèrent une bonne partie du continent, mais les Réformes anglaises provoquèrent, entre autres choses, le dépouillement des autels, [la suppression] des peintures, cérémonies, ornements, rituels sacramentels, fêtes très aimées. En théorie du moins, cela avait un sens, puisque les réformateurs cherchaient à purifier une Eglise qu'ils jugeaient encombrée d'idolâtrie ; mais en pratique cela créait une déchirure dans le tissu de la vie quotidienne. Les rythmes saisonniers traditionnels étaient rompus, l'équilibre séculaire entre jours ouvrés et jours chômés, détruit. Les efforts des réformateurs pour se débarrasser des rituels distrayants du culte catholique créèrent une espèce de privation sensorielle, car le zèle réformateur avait négligé l'amour du peuple pour les spectacles et les sons des anciennes célébrations communautaires. Il apparut bientôt aux autorités Tudor que la Réforme avait créé un vide dangereux. Le Livre des Homélies, ouvrage officiel d'orientation protestante, mentionne cela dans l'homélie "Sur l'endroit et le moment de la prière" : on y lit un dialogue imaginaire entre deux dévotes perturbées par les récents changements. "Hélas, ma chère, dit l'une à l'autre, que ferons-nous maintenant à l'église, puisque tous les saints sont enlevés, puisqu'on n'y voit plus les beaux spectacles d'antan, puisque nous ne pouvons plus entendre comme avant les flûtes, les chants, les psalmodies et le son des orgues ? "

Dans un tel contexte, de nouvelles formes culturelles (surtout celles qui offraient de "beaux spectacles") prospérèrent, surtout le théâtre public. Rétrospectivement, il paraît assez naturel que la scène satisfasse un besoin rempli auparavant par le rituel catholique, puisque le théâtre anglais émergea des pièces liturgiques des XII° et XIII°s, et pendant les trois siècles suivants occupés par des Mystères, des Miracles et des Moralités, il continua d'être imprégné profondément de rituel et de thèmes religieux. Dans la mesure où la scène élisabéthaine canalisa nombre d'énergies qui relevaient jusque-là de l'Eglise, on comprend pourquoi les réformateurs, après s'être servis du théâtre pour diffuser leurs idées, finirent par se retourner contre lui.
p. 171-172. .
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