Ils m'ont tapé sur la tète
Je ne me rappelle plus pourquoi
Ni même si ça m'a fait mal
Parce que j'en suis mort .
Qu'est-ce que j'étais déjà
Travailleur immigré , philosophe ?
Résistant caché , dissident notoire ?
Ou bien animal à fourrure ?
Je m'appelais comment déjà ?
José , Abel , Argentino ?
Arabica , Jan Patocka ?
Ou bien alors bébé phoque ?
Ils m'ont tapé sur la tète
Je ne me rappelle plus pourquoi
Ni même si ça m'a fait mal
Parce que j'en suis mort .
M'a-t-on assommé pour mes idées ?
Ou pour faire de moi un manteau ?
Pour de l'argent ou la couleur de ma peau ?
J'ai un bout d'os dans la mémoire .
Quand leurs pieds chaussés m'ont cerné
Etais-je allongé dans des draps ?
Ou bien couché sur la banquise ?
Ou est-ce que je sortais d'un café ?
Je suis mort dans la rue de l'ouest
Sur la glace du nord ou chez les flics de l'est
Ou dans la pampa des casquettes
A coups de triques noires
Est-ce que je rêve de vengeance ?
De tètes policières éclatées ?
De tètes de chasseurs sanglantes ?
De tètes de racistes en purée ?
Ou bien est-ce que je vois des tètes
Emerveillées d'elles-mêmes
Emerveillées de leur dedans
Et se découvrant Nouveau Monde ?
Je suis mort , répondez pour moi
Je m'appelais Jan Patocka
Argentin et bébé phoque Arabe
Maintenant ça me revient .
Il n'est pas possible d'être, c'est-à-dire de faire irruption dans l'univers des choses individuées, sans le mouvement d'acceptation et de désaisissement de soi. (p.52)
le mot d'Héraclite: "Tout est Polémos"
l'ébranlement du sens donné ... nouveau mode d'être de l'homme - peut-être le seul qui, dans la tourmente du monde, offre de l'espoir: l'unité des ébranlés qui pourtant affrontent le péril sans crainte.
C'est ainsi qu'Héraclite voit l'unité et l'origine commune de la cité et de la philosophie. (p.67)
la vie naît de ce regard direct porté sur la mort, du triomphe sur la mort. Joint au rapport au Bien, à l'identification avec le Bien et à la délivrance de la démonie et de l'orgiasme, cela signifie le règne de la responsabilité et, partant, de la liberté. L'âme est absolument libre, elle choisit son destin. (p. 137)
le mythe narre un événement passé […] Ce qui fut et demeure présent, ce en quoi s’ouvre une temporalité plus profonde que la succession d’instants fragmentés, sombrant l’un après l’autre dans l’irréversible, le "déjà" essentiel de la vie humaine, est ce qui constitue le fondement de la compréhension mythique tant des choses que du soi propre. Ce "déjà" comme tel est jaillissement, aube de vie, première lueur de clarté dans les ténèbres de l’incommensurable. Cette pointe du jour est ce qui, passé, demeure présent, ce dans quoi s’ouvre en quelque sorte le noyau fermé de l’univers. C’est comme une entaille, comme une entorse dont le sens est une sortie hors de la clôture et de l’occultation de la nuit des temps, thème auquel le mythe revient toujours à nouveau dans des perspectives corrélatives de la théogonie, de la cosmogonie et de l’anthropogonie. Cette percée, cette infraction à l’ordre de la sur-puissance universelle, ce privilège singulier qui représente à la fois la faiblesse de l’homme, est tout ensemble la source intarissable et l’"objet" de la parole mythique.
Le chez-soi est un refuge, un lieu où je suis plus à ma place que partout ailleurs [...]. C’est la partie de l’univers la plus imprégnée d’humanité ; les choses y sont déjà, si l’on peut dire, des organes de notre vie.
La métaphysique apparaît comme un reproche que se renvoient les écoles et les orientations philosophiques les plus diverses, croyant se porter de ce fait des coups mortels.
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Celui qui s’avise ne serait-ce que de prononcer le mot « métaphysique » devient objet de risée.
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