AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Jane Dieulafoy (34)


« Le monde est un vrai pont, achève de le passer, mesure, pèse tout ce qui se trouve sur ta route : le mal partout environne le bien et le surpasse. »
Commenter  J’apprécie          230
Un voile d’or ou de pourpre, une muraille d’argent, des ta-pis immenses jetés sur d’épaisses nattes de paille, de fins tissus accrochés en guise de lambris le long des murailles ; au fond de la salle, le roi des rois assis sur un trône d’ivoire, entouré de ce nombreux cortège de courtisans si cher aux fastueux monarques de l’Asie, ne devaient pas produire une impression moins vive et inspirer un respect moins grand que le spectacle offert le soir par l’illumination du Tag, quand des milliers de lampes constellant sa voûte sombre luttaient d’éclat avec les étoiles.
Le temps et les hommes se sont acharnés sur le colosse, mais la masse de l’édifice était si résistante que Romains, Arabes, Turcs n’ont pu avoir raison de son puissant squelette, et se sont contentés d’arracher lambeau par lambeau toutes les parties secondaires de la construction. Plus d’enceinte, plus de cour au-devant du grand talar, plus de salles sur ses côtés : seule l’ossature imposante du géant atteste toujours la puissance des rois de Ctésiphon. Les derniers hôtes du palais sassanide, oiseaux de nuit à la voix plaintive, corneilles à la noire livrée, s’épeurent au bruit de nos voix grossies par la résonance des voûtes, et, traversant à tire-d’aile la grande nef, nous abandonnent bientôt leur triste demeure.
Accorde ta lyre, ô poète, et, avant de la brûler et de couper tes doigts, redis-nous devant cette ruine désolée ta suprême la-mentation :
« Illustre Kosroès, grand et fier monarque, héros magnanime, où est ta grandeur, ta majesté, ta fortune, ton diadème ? Ton rang élevé, ta couronne, tes bracelets et ton trône d’ivoire, – 293 –
où sont-ils ? Le salon où tes chanteurs se réunissaient la nuit ? Les chefs de la citadelle et de la cour ? Le diadème, le drapeau de Kaveh, tes glaives à la lame bleuâtre ? Qu’est devenu ton noble Mobed Djanosipar, qui avait un trône d’or et des pendants d’oreilles ? Où est ton casque, ta cotte de mailles dorée dont chaque bouton était orné d’une pierre fine ? Et ton cheval Schebdiz à l’étrier d’or, le cheval qui frémissait sous toi ? Et tes cavaliers aux rênes d’or qui faisaient du corps des ennemis le fourreau de leur épée ?
« Ils désespèrent tous de ta vie.
Commenter  J’apprécie          210
La plupart des musulmans laissent, à leur mort, un tiers de leur fortune immobilière aux mosquées ou autres fondations pieuses. Ces propriétés prennent le nom de biens vakfs. Le donateur a le droit d’en léguer la gestion à ses enfants ou à ses proches parents et d’établir à son gré l’ordre de succession d’après lequel ils doivent hériter à perpétuité de cette fonction. Une partie des revenus est réservée à l’administrateur et laissée à sa libre disposition, bien qu’il soit censé les utiliser en œuvres Ces libéralités ont pour but d’assurer à tout jamais une partie de la fortune du donateur à ses héritiers : placée sous la protection intéressée du clergé, elle échappe aux confiscations ordonnées par le roi à la mort des grands personnages ou des officiers publics.
La loi musulmane exige la plus parfaite régularité dans l’administration des biens vakfs ; elle oblige les détenteurs à se conformer à la volonté du donateur, leur défend de reverser les revenus d’un bien sur un autre, d’appliquer à leur usage ou à ceux de leur famille un immeuble vakf, même en payant loyer, rend les bénéficiaires responsables de toute dépense ou de tout emploi d’argent qui pourrait contrarier les volontés du fondateur, et enfin, en cas de malversations, les destitue ou les remplace.
Les biens vakfs sont inaliénables, car, au terme de la loi, ils appartiennent à Dieu, tandis que les hommes en ont seulement l’usufruit. On ne peut les échanger contre des terres d’égale valeur qu’avec l’assentiment royal. Deux tiers environ du revenu des biens vakfs sont employés en œuvres charitables, le dernier tiers sert à l’entretien du clergé. S’il y a des revenus superflus, les administrateurs sont autorisés à les placer, sous le titre de vakfs secondaires. En cas de nécessité, ceux-ci peuvent être aliénés comme des biens libres.
On comprend quelles ardentes compétitions s’élèvent entre les membres du clergé quand un riche personnage meurt sans avoir désigné les administrateurs de ses vakfs.
Commenter  J’apprécie          130
Les énormes cales du navire, les chambres des passagers, les magasins ménagés sous le grand salon étaient bondés jusqu’à la gueule de poudre, de munitions, d’armes que le gouvernement français envoyait fraternellement à la Grèce afin de l’aider à affranchir la Macédoine de la domination turque.
Commenter  J’apprécie          70
la superstition n’est pas l’apanage des classes riches, elle règne en souveraine maîtresse sur l’esprit populaire, et il est même curieux de retrouver ici certaines croyances de nos campagnes. Nul n’entreprend un voyage un vendredi ni un treize ; ce jour-là toutes les boutiques sont closes, et chacun, pour éviter de traiter une affaire, quitte sa maison et va se pro-mener. Dans certaines provinces on s’efforce même de ne pas prononcer ce chiffre fatidique et, en comptant, au lieu de treize on dit « douze plus un ».
Commenter  J’apprécie          50
Tout chemin ne conduit pas en Perse. Les augures consul-tés furent d’avis différents. Deux voies étaient ouvertes ou, pour mieux dire, fermées. L’une traversait le Caucase, passait au pied de l’Ararat et desservait la grande ville de Tauris ; nos agents diplomatiques la parcouraient assez souvent pour qu’elle fût bien connue au ministère des Affaires étrangères. Mais le pays était en pleine insurrection, les Kurdes sauvages mettaient tout à feu et à sang et dépouillaient ou massacraient impitoyable-ment les voyageurs.
Le second itinéraire, par Port-Saïd, la mer Rouge, l’océan Indien, conduisait, après une traversée de plus de quarante jours, à Bender-Bouchyr, petit port du golfe Persique. Là, paraît-il, on tombait aux mains d’un valy sauvage, à peu près indépendant de l’autorité du chah de Perse. Dans le sud comme dans le nord nous courions au-devant d’un désastre ; le moins qu’il pût nous arriver était d’être hachés en menus morceaux.
Commenter  J’apprécie          50
Après le déjeuner nous avons rendu au canot à vapeur notre visite quotidienne. Nous l’avons trouvé abandonné. Au retour, Marcel a rencontré le cheikh et lui a demandé s’il songeait à faire mettre le bateau en bon état.
« Voudriez-vous déjà quitter Felieh ? a-t-il repris avec étonnement ; j’espérais vous garder ici quelques mois, et je n’ai pas encore prévenu le mécanicien de Bassorah. »
La surprise de Meuzel n’a rien d’extraordinaire : certains de ses hôtes venus chez lui il y a un an prendre une tasse de café ont trouvé le moka tellement à leur goût qu’ils n’ont point encore fini de le boire.
« Votre invitation me touche, mais je ne puis prolonger mon séjour sous votre toit patriarcal. Si la réparation de la chaloupe devait durer trop longtemps, je serais même forcé de prendre des chevaux et de remonter le long des rives du Karoun », a répondu Marcel, qui commence à trouver très longs ces jours d’attente, bien qu’il ait lié sérieuse amitié avec un théologien de grand renom, le supérieur des Aleakhs de Téhéran, installé chez le cheikh depuis l’hiver dernier.
« Je ne vous permettrai jamais de vous rendre à Avas en caravane : je craindrais que vous ne fussiez dépouillés par les tribus nomades de l’Arabistan. Quand elles ont fait une razzia dans nos provinces, elles passent la frontière ; si elles dépouillent une caravane en Turquie, elles regagnent la Perse. Leur mobilité les rend à peu près insaisissables et leur assure une impunité absolue. Soyez du reste sans inquiétude : je vais écrire aujourd’hui même à Bassorah, et avant peu de jours ma chaloupe sera à votre disposition. »
Les conseils de notre hôte nous ont paru sages ; nous nous sommes décidés à les suivre.
Commenter  J’apprécie          40
L’étude des bas-reliefs de Persépolis me permet de constater la supériorité des sculptures du Takhtè Djemchid sur celles de Maderè Soleïman. Les œuvres des artistes contemporains de Darius et de ses successeurs ont grande allure et cadrent, mal-gré leurs défauts, avec les édifices qu’elles sont destinées à orner. Le dessin est correct, le modelé ne trahit aucune des exagérations caractéristiques des sculptures chaldéennes ou ninivites, et l’exécution est parfaite. Ce n’est pas l’habileté de main qu’il faut seulement louer chez les Iraniens : les Perses sont surtout redevables de leur supériorité artistique à leur intelligence, qui leur a fait comprendre les véritables conditions du bas-relief et les a amenés les premiers à renoncer aux paysages et à grouper sur le même plan tous les personnages d’une même scène.
De pareils efforts devaient malheureusement être perdus pour les siècles futurs ; l’art persépolitain, imposé à la Perse par Cyrus et ses successeurs, n’a pas survécu au dernier représentant de la dynastie achéménide. Il ne pouvait en être autrement dans une contrée privée de bois et dans un pays où les matériaux de terre sont seuls d’un usage pratique : c’est ainsi que les palais du Takhtè Djemchid n’ont jamais été imités ou copiés après la chute de Darius Codoman, et que les rois parthes et sassanides ont de nouveau construit des monuments en briques recouverts des hautes coupoles, caractéristiques de l’architecture nationale de l’Iran.
Commenter  J’apprécie          40
Voilà bien l’édifice religieux d’un peuple nomade, maison hospitalière ouverte à tous les fidèles, dans laquelle le passant trouve de l’ombre, et le voyageur de l’eau pour se rafraîchir et se purifier avant de se prosterner devant Dieu. Telle se présente la mosquée d’Amrou, bâtie au Caire l’an 21 de l’hégire. Les mêmes divisions et les mêmes caractères se retrouvent dans les mosquées d’el-Hakem et de Touloun. Mais bientôt ce type primitif, dont les Maures d’Espagne ont laissé à Cordoue un magnifique spécimen, ne paraît plus aux conquérants arabes en harmonie avec la puissance de l’Islam. Les grêles colonnes qui soutiennent la toiture ne permettent pas d’élever à une grande hauteur l’ensemble de la construction ; elles sont incapables de supporter un poids considérable et encombrent par leur multiplicité l’intérieur des salles ; la mosquée doit donc se modifier.
Commenter  J’apprécie          40
Un seul monument, encore en assez bon état de conservation, la masdjed Djouma, témoigne de l’ancienne richesse de la ville.
Cette mosquée est abandonnée à cause de sa position excentrique : on n’y fait même plus la prière le vendredi, et elle sert d’asile à des mendiants et à des derviches de tous pays qui viennent se reposer à l’ombre de ses épaisses murailles. L’un de ces derniers présente un type des plus étranges. Il a la peau jaune des Indiens, les cheveux blonds et crêpés ; son torse, largement modelé, se dégage des lambeaux d’un burnous de laine brune qui traîne à terre et drape le bas du corps de ce pieux personnage. Pour toute arme le derviche porte un bâton noueux, pour tout bagage un cachcoul (coque d’un fruit indien) sculpté avec art.
– 13 –
En dehors du mur d’enceinte j’aperçois, sur ma droite, les ruines d’un vieux minaret bâti en briques cuites et revêtu d’une très belle mosaïque monochrome dont les éléments sont juxtaposés avec une précision merveilleuse. Sous la chaude lumière d’un soleil radieux, les ombres projetées par les briques en relief prennent une coloration azurée qui s’harmonise d’une façon charmante avec la teinte vieux cuivre de la construction. La présence de ce minaret indique que la mosquée seljoucide, restau-rée par chah Tamasp, fut elle-même élevée sur les ruines d’un monument dont il faut faire remonter l’origine aux Guiznévides.
Commenter  J’apprécie          40
À moitié de l’étape, la caravane fait une halte de plusieurs heures devant les ruines de l’un des neuf cent quatre-vingt-dix-neuf caravansérails construits sous chah Abbas. L’édifice est de forme quadrangulaire ; ses murs, bâtis en belle pierre rouge et flanqués de tours défensives, permettaient de l’utiliser comme forteresse en temps d’invasion. La porte, en partie écroulée, est ornée d’une charmante mosaïque de faïence bleue et de briques rosées. Ce caravansérail, comme ses pareils, a servi longtemps de repaire à des bandits, et nos valeureux tcharvadars hésitent et tremblent comme la feuille quand Marcel donne l’ordre d’arrêter les chevaux et de décharger l’appareil photographique.
Dès que, reprenant notre marche, nous nous sommes éloignés de ce lieu redouté, l’un des guides s’approche de moi et me dit en confidence :
« Il y a un mois, nous aurions été dévalisés à cette place maudite. Depuis que le prince gouverneur de la province a fait donner quarante coups de gaule sur la plante des pieds du chef de la police de Tauris, les brigands sont moins entreprenants.
— Quel rapport peut-il exister entre ce personnage et des coupe-jarrets ? Je ne suppose pas qu’un si haut dignitaire soit tour à tour directeur de la sûreté et capitaine de voleurs ?
— Vous vous trompez. Bandits et magistrats vivent dans une bonne intelligence entretenue à nos dépens ; cependant, depuis sa dernière bastonnade, le directeur de la sûreté pour-chasse ses meilleurs amis.
— Comment pourrait-il s’y prendre, après avoir été dé-pouillé de son autorité ?
— Mais son autorité est toujours la même, réplique mon initiateur aux rouages administratifs de la Perse : quelques jours après lui avoir infligé la juste punition de ses fautes, le prince, n’ayant plus sujet de lui garder rancune, lui a envoyé un khalat ou robe d’honneur pour le consoler de l’endolorissement de ses pieds, et, la semaine dernière, il l’a rétabli dans l’exercice de ses fonctions.
— Cela n’est pas possible ; le gouverneur ne peut rendre sa confiance à un homme avili.
— La bastonnade n’a rien de déshonorant. En outre, quel homme serait mieux à même de réprimer le brigandage que le préfet ? Il a été en relation avec tous les malandrins de la province et connaît le châtiment auquel il s’expose s’il s’intéresse trop vivement à leurs affaires. Aussi, inchâ Allah (s’il plaît à Dieu), arriverons-nous à Tauris sans encombre, grâce à la sensibilité des pieds de Son Excellence. »
Commenter  J’apprécie          40
Il suffit d’ailleurs de passer quelque temps en Orient pour juger par soi-même combien il est mal aisé de réagir contre les mœurs, les coutumes et les idées du pays où l’on vit.
À mon arrivée en Perse la seule idée de voir appliquer une bastonnade me serrait le cœur ; le sang me montait à la face quand j’entendais parler des madakhels, vols plus ou moins déguisés des gouverneurs aux dépens du roi, des femmes au dé-triment de leur mari, des domestiques au préjudice de leurs maîtres ; je me servais moi-même ; je me pressais quand je croyais être en retard ; j’étais exacte à mes rendez-vous ; je con-naissais le quantième du mois et tenais à jour mon calendrier.
Aujourd’hui je promets et, à la rigueur, je ferais moi-même administrer la bastonnade aux gens qui me gênent ou m’ennuient ; j’apprends sans rougeur appréciable que le dernier gouverneur de Chiraz, un frère de Sa Majesté, ne négligeait pas les bénéfices les plus modestes et se faisait payer une rente journalière de cinq francs par le portier de son palais, quitte à autoriser le pipelet à rançonner les gens que leurs affaires appelaient auprès du chef de la province. Je n’ouvre plus des yeux ébaubis quand les dames du high life persan me racontent naïvement qu’elles font danser l’anse du panier et thésaurisent toute leur vie afin de s’assurer une belle situation à la mort de leur mari ; j’appellerais plutôt deux serviteurs que de ramasser de mes propres mains mon mouchoir ou mon ombrelle ; j’arrive toujours en retard d’une heure aux rendez-vous donnés ; enfin, en comparant mes cahiers avec le calendrier du télégraphe, je me suis aperçue que, depuis mon départ de Téhéran, j’ai rajeuni de trois jours.
Commenter  J’apprécie          30
Nous avons trouvé un gîte honnête dans un balakhanè élevé au-dessus de la maison d’un riche paysan. Murs et plafonds sont crépis en mortier de terre ; une natte de paille étendue sur le sol et une amphore de cuivre constituent le mobilier de la pièce. Cette installation n’a rien de sardanapalesque, mais nous paraît cependant des plus confortables, car la hauteur de la pièce au-dessus du sol nous protège contre les émanations fétides des rues et nous permet de respirer à pleins poumons l’air pur des montagnes que nous apporte la brise de l’est. Les avantages de la position du balakhanè se payent au prix de quelques sacrifices : forcés de dîner sur la terrasse, de développer les clichés et de préparer les châssis au clair de lune, nous sommes ici, comme à Saveh, le point de mire des femmes
Commenter  J’apprécie          30
Il n’a pas été au pouvoir des Afghans – nous devons nous en féliciter aujourd’hui – de détruire en même temps que les demeures des rois sofis le superbe panorama dont on jouit de ce point élevé. En se plaçant à l’extrémité d’une sorte de promontoire dominé par une tour, dernier vestige du palais, on dé-couvre toute la plaine d’Ispahan, la route de Chiraz et, confon-due dans les brumes bleues de l’horizon, la vallée de Golnabad, tristement célèbre dans l’histoire ispahanienne depuis l’invasion afghane. Les envahisseurs, pendant leur courte domination, se montrèrent tellement cruels pour les vaincus, et après plus d’un siècle le souvenir de leurs excès est resté si vivace dans la mémoire des habitants d’Ispahan, que les enfants eux-mêmes sont capables de raconter en détail les diverses péripéties du combat de Golnabad et du siège de la ville.
Commenter  J’apprécie          30
À minuit je retrouve enfin mon clocher. Je ne m’occuperai pas d’astronomie ce soir, je préfère m’abandonner au dieu des rêves. Il me montrera de riches pèlerins en route pour la Mecque et l’armée persane traînant à travers les défilés des montagnes les favorites du chahzaddè.
Commenter  J’apprécie          30
Ispahan avait cruellement souffert pendant le siège. Non seulement la majeure partie de la population avait péri, mais les campagnes et les villages étaient saccagés, les kanots obstrués. Kérim khan en transférant la capitale à Chiraz, sa patrie, et la dynastie kadjar en ramenant le siège du gouvernement dans le nord, consommèrent sa ruine. La majeure partie de la population s’exila, les palais les plus vastes et les édifices les plus beaux furent abandonnés.
Et pourtant ce sont les monuments élevés sous les règnes des princes sofis qui embellissent encore la ville, et c’est dans l’enceinte des palais de chah Abbas et de ses successeurs que se trouvent les constructions civiles les plus intéressantes à étudier.
Commenter  J’apprécie          30
Ma quiétude est de courte durée. Tout à coup je crois être le jouet d’un cauchemar. Quels sont les animaux que j’aperçois sur le sol et ceux qui se promènent sur ma figure ? Je suis cou-verte de punaises laissées par les précédents propriétaires ; d’énormes araignées dont le corps est presque de la grosseur d’une fève sont descendues le long des murs de terre et courent sur le sol.
Je me précipite vers la porte, j’arrache le rideau sur lequel j’avais fondé de si grandes espérances. La lumière du soleil envahit la chambre, les vilaines bêtes prennent la fuite et se cachent dans les trous des murailles. Nous n’avons pourtant pas conquis le repos : les guêpes et les mouches remplacent nos anciens adversaires et nous les font peut-être regretter. La température s’élève rapidement : à deux heures le thermomètre marque quarante-quatre degrés centigrades.
Commenter  J’apprécie          30
Des arbres fruitiers en plein vent mélangent leurs fleurs de couleurs différentes et forment des tonnelles sous lesquelles le jour peut à peine pénétrer. Aucun obstacle ne vient entraver le développement naturel des branches, que n’ont jamais torturées des piquets ou des fils de fer. « C’est le paradis terrestre sans la pomme »,
Commenter  J’apprécie          30
Le roi lui-même ne craint pas d’affronter l’Occident ; s’il ne rapporte pas de son double voyage une idée bien nette de nos mœurs et de notre civilisation, il n’en éprouve pas moins, en regagnant sa capitale, le désir de faire entrer son peuple dans une voie nouvelle et de se rapprocher de ces Occidentaux dont il vient d’apprécier le talent et le savoir. Une première tentative ne pouvait avoir un plein succès. Le roi lutte contre un clergé puissant soumis à un chef étranger, et contre des préjugés plus puissants encore que les prêtres ; comment à lui seul imposerait-il des réformes qui doivent, pour être durables, devenir l’œuvre des siècles ? Cette rénovation sera la gloire de ses successeurs ; mais qu’ils se gardent surtout, le jour où ils seront acculés au progrès, de suivre le procédé turc et d’adopter par lambeaux une civilisation incompatible avec les mœurs des peuples musulmans. Mieux vaut un Oriental avec tous ses préjugés, mais son honnêteté native, que ces métis qui vont perdre en Europe leurs vertus nationales et rapportent de leur voyage le manteau hypocrite dont ils couvrent leurs vices afin de se faire pardonner une excursion en pays infidèles.
Commenter  J’apprécie          20
J’ai terminé mes promenades à travers la cité des califes en allant visiter les marchés aux vivres. Est-il spectacle plus ré-jouissant et plus coloré que la vue des étalages où s’amoncellent les produits qu’il faut servir tous les jours aux mille bouches d’une ville ? Seuls le vernis des légumes, leur chaude coloration, le pelage et la fourrure du gibier sont capables de briller dans les atmosphères grises du Nord, et d’égayer les parois utilitaires de nos halles de fer ; mais, quand on sort de l’usine où s’écoule la vie européenne, lorsque le soleil pénètre en souverain au milieu des pyramides de fruits qu’il a fait mûrir, le tableau devient d’autant plus enchanteur que la nature dispose d’ors et d’émaux assez variés pour composer des symphonies toujours nouvelles. À Bagdad en particulier, les bazars, dès la pointe du jour, sont abondamment approvisionnés de vivres et encombrés de marchands et d’acheteurs, parfois contraints de s’ouvrir un passage à l’aide du bâton, tant la foule est compacte. La vie matérielle, quand on s’accommode des mets du pays, ne doit pas être ruineuse. La volaille et le gibier sont livrés à très bas prix ; un mou-ton coûte six francs ; le poisson est abondant. Les légumes, sur-tout les cucurbitacées, apportés en couffes de la Mésopotamie supérieure, ont une valeur dérisoire et s’entassent dans un débarcadère spécial, tant leur masse est considérable et encombrante. Je ne puis comparer le volume des barques qui les con-tiennent à la faible capacité des estomacs européens, sans me sentir prise d’un certain respect pour des gens qui auront digéré avant ce soir les montagnes de melons et de pastèques approvisionnés sous mes yeux.
Pourtant, si jamais je m’égare, que l’on ne vienne pas me chercher dans ce pays de cocagne. Je ne me déciderai à y plan-ter ma tente que le jour où on l’aura purgé des fonctionnaires turcs, de la peste et du bouton de Bagdad. De ces trois fléaux, les deux derniers me paraissent encore les moindres.
Commenter  J’apprécie          20



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Jane Dieulafoy (34)Voir plus

Quiz Voir plus

Les Amants de la Littérature

Grâce à Shakespeare, ils sont certainement les plus célèbres, les plus appréciés et les plus ancrés dans les mémoires depuis des siècles...

Hercule Poirot & Miss Marple
Pyrame & Thisbé
Roméo & Juliette
Sherlock Holmes & John Watson

10 questions
5263 lecteurs ont répondu
Thèmes : amants , amour , littératureCréer un quiz sur cet auteur

{* *}