"Maintenant je sais pourquoi Dieu a choisi le dimanche comme jour de repos, ça doit être le jour où il accueille personnellement ses préférés."
Il y avait certes ces longues journées de septembre durant lesquelles j’étais complètement épuisé, et j’avais plutôt l’impression d’être un travailleur saisonnier comme ceux qui cueillaient les pommes avec nous et non le fils du pomiculteur qui dormait au calme dans un lit confortable de la maison sur la colline. Pourtant, mon enfance ne fut pas du tout malheureuse. Ce n’était en rien l’histoire d’un petit garçon négligé et se tuant à la tâche. C’était au contraire une histoire limpide, peuplée de pommes rouges, de pommes jaunes et de grands frères.
Il y a des sons et des mots que l’on n’oublie jamais.
La prière d’un enfant.
Les premiers cris d’un bébé dans la salle d’accouchement d’une maternité.
Les premiers mots du même enfant.
Maintenant je sais pourquoi Dieu a choisi le dimanche comme jour de repos. Ca doit être le jour où il accueille personnellement ses préférés.
Une clôture avec des piquets blancs. C’est une protection. C’est pour marquer notre territoire. Les cueilleurs ne comprennent pas toujours qu’ils peuvent se déplacer librement dans le verger mais que la pelouse autour de la maison fait partie de notre espace privé. Cette clôture rappellera à chacun de nous qu’il ne s’agit pas uniquement d’un verger mais aussi d’une maison.
Il encourageait ceux qui ne parlaient pas encore anglais à apprendre la langue tant qu’ils faisaient partie du personnel du verger. La plupart ne connaissaient que quelques mots, mais ils parvenaient parfaitement à communiquer grâce à ce que papa appelait le langage universel de la pomiculture.
Je ne sais pas qui je suis, dit-il en secouant la tête. Comment est-ce possible? demanda-t-il en essuyant avec son t-shirt son nez qui coulait. Comment est-ce qu'on peut apprendre un beau jour, entre le déjeuner et le dîner, qu'on n'est pas celui qu'on pensait être?
Elle ne vivrait pas son premier rendez-vous avec un garçon, son premier baiser, elle ne la prendrait pas à part pour lui expliquer ce qu’une mère explique à sa fille avant qu’elle ne fréquente un garçon.
Le verger était comme une femme qui s’épanouissait à son propre rythme et qu’il ne fallait pas brusquer malgré leur impatience.
C’est difficile de ressentir l’absence de quelqu’un qu’on n’a jamais connu.