Les mots.
Que fleurisse la rose du poème !
Que fleurisse la rose,
et que, sur la langue pleine de feu, pointent l'épine,
le silence, la vie, les mots !
Regarde comme ils te regardent en face,
les yeux fendus par le brouillard,
troubles comme des chiens affamés,
Regarde-les, ce sont eux, les mots.
Comme une tombe claire,
superbe,
enfin tu m'offres du repos.
Toi, la barque bien-aimée,
celle qui ne connait d'autre douleur
que la joie des jours qui se fondent
sous la grimace du ciel,
tu me quittes abattue dans un arpège
qui emporte avec lui la clé
de mon enfance.
La vie
se défait comme un grumeau de rêves.
Le regard invente le monde, la lumière.
Là commence le naufrage de l'ombre
ou la secrète dérive des oiseaux.
Sous la paupière, la matière blanche
ou la lumière noire, éternité en suspens
dans l'air telle une musique muette.
J'invente le temps et son voyage :
poème, sable blanc, encre, dune
ou roche qui affleure au pied des nuages.
Tandis que je dormais à côté du silence
le silence me regardait de ses yeux
de chat musqué.
Tandis que je parlais à côté de mon chat
celui-ci se taisait les yeux
fendus par le silence.