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Critiques de Javier Azpeitia (4)
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L'imprimeur de Venise

Crise dans l’édition… en 1500 !



L’Espagnol Javier Azpeitia nous entraîne à Venise au début des années 1500 sur les pas des imprimeurs. Un passionnant roman historique construit comme un thriller.



Sur les pas d’un imprimeur du XVIe siècle, on découvre que dès les origines les acteurs de la chaîne du livre étaient confrontés aux questions qui agitent aujourd’hui encore le monde de l’édition. Si aujourd’hui on assiste à une redéfinition complète du secteur du fait de la transition numérique, en 1530 il s’agissait de définir un modèle dans lequel les mêmes questions de rémunération des auteurs, d’évolution des techniques ou encore de diffusion se posaient.

Mais, outre ce jeu de miroir qui ravira tous ceux qui s’intéressent à l’univers du livre, c’est sa construction subtile qui fait l’attrait de ce roman. Car Javier Azpeitia, qui enseigne la littérature et l'écriture créative à l'université de Salamanque, s’est d’abord distingué pour son roman noir intitulé Hypnos, couronné par le prix Hammet international du roman policier. Avec ce roman historique, il reste fidèle à son sens de l’intrigue et au suspense savamment orchestré.

Tout commence avec l’arrivée à Modène de Paolo Manuce. Nous sommes le 23 avril 1530. Le fils d’Alde Manuce (aussi connu sous le nom d’Alde l'Ancien) vient rendre visite à la veuve d’Andrea Torresani (ou Torresano). Dans ses bagages quelques livres, mais surtout le manuscrit qu’il a consacré à son père. Un hommage épique – et sans doute joliment embelli – à la gloire de ce pionnier. « Révèle-moi tout, Déesse, sur l'étonnant Alde Pio Manuce Romano, ce savant qui à Venise donna un nouveau sens à la lecture en transformant le papier en or. Parle-moi de l'inventeur sacré du livre transportable qui changea la façon de lire, de l'inventeur sacré de la page aux amples marges blanches, de la marque imprimerie, de la mise en pages en vis-à-vis de l'édition bilingue, de la typographie romaine et de la cursive rapide, de la ponctuation, de la pagination et des tables des matières, du catalogue de prix… »

On imagine la jubilation de l’auteur à faire revivre ces personnages réels en laissant le soin au roman de combler les vides biographiques. Si la motivation du jeune Alde arrivant à Venise pour créer une imprimerie et diffuser les grands classiques de la littérature grecque ne saurait guère être remise en doute, il n’en va peut-être pas de même s’agissant de sa candeur et de son innocence. Mais on s’amuse de son émoi lorsqu’il se retrouve pour la première fois sur une gondole avec une femme inconnue, on frémit lorsqu’il est victime d’un voleur de manuscrits, on partage avec lui les difficultés de l’entrepreneur qui, deux ans après son installation, n’a toujours pas produit le moindre ouvrage, notamment parce que les Allemands qui avaient vendu la presse à imprimer s’étaient envolés avant de la monter. On l’encourage dans sa volonté d’en savoir toujours plus, d’étudier aux côtés de Nicolas Jenson. On tremble avec lui lorsque ses beaux projets se heurtent à la censure, à la réprobation des élites qui ne voient pas d’un bon œil cette entreprise de diffusion du savoir au plus grand nombre. Mais on applaudit à cette idée, maintes fois utilisée depuis, d’imprimer dans un prologue une diatribe indignée à l’encontre du texte publié pour éviter l’indignation ecclésiastique. Enfin, on peut se réjouir de l’idée de publier de petits volumes en cursive et de lancer les premiers best-sellers en livre de poche signés Lucrèce, Virgile, Horace, Juvénal, Perse, Catulle, Tibulle, Pétrarque, Dante ou encore Sophocle et Euripide en grec. Ces « petits livres que tout le monde appelait désormais aldins, au format in-octavo, il était manifeste qu'ils avaient changé la façon de lire, poursuivait Paolo de plus en plus déterminé. Avait-on déjà vu autant de personnes paradant dans la rue, leur livre sous le bras, loin de leurs obscurs cabinets? Et de jeunes lisant dans leurs jardins des livres autres que de prières? »

Intrigues, espionnage, lutte pour les meilleurs auteurs et recherche d’avantages concurrentiels grâce à l’élaboration de nouvelles techniques d’impression et de reliure forment des épisodes aussi passionnants que documentés, tout comme la chasse aux contrefaçons qui se multiplient dans toute l’Europe.

N’oublions pas le mariage qui se profile entre Alde Manuce et Maria Torresani, la fille de son associé, et qui vient mettre une note sentimentale dans cette quête avec – entre autres – une nuit de noces à rebondissements. Car l’éditeur de Sur l’amour d’Épicure ne saurait déchoir.

On ne saurait, pour finir, que recommander de mettre en pratique la phrase qui accompagne la marque de cet éditeur – un dauphin s’enroulant autour d’une ancre – pour déguster ce livre : Festina lente (Hâte-toi lentement).
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L'imprimeur de Venise



L'imprimeur de Venise, en version originale El impresor de Venecia parue en Espagne en 2016, a été publié par les éditions Jean-Claude Lattès en 2018.

Le style, poétique, est ciselé comme une pièce rare d'orfèvrerie: "Le rire franc de Cornelia résonna contre les murs à l'intérieur de la loggia, tournoya entre les colonnes et s'envola librement dans le matin, se confondant avec le gargouillis nerveux des oiseaux." (Page 39).

L'imprimeur de Venise propose une savoureuse immersion dans l'Italie intellectuelle de la Renaissance: allusions à la recherche de manuscrits rares et précieux; à la bibliothèque de Laurent de Médicis, fin lettré, connu pour avoir soutenu et financé de grands artistes de son époque, propulsant ainsi Florence au rang de capitale intellectuelle; à l'histoire du manuscrit de la célèbre œuvre de Lucrèce, poète philosophe latin ayant vécu au premier siècle avant J.C., De Natura Rerum", que l'on croyait définitivement perdu jusqu'à ce que l'humaniste italien Poggio Bracciolini en découvre une copie datée du 9e siècle en 1417, dans la bibliothèque d'un monastère; à l'oeuvre du philosophe grec, Epicure; ainsi qu'au travail d'un imprimeur de l'époque qui devait trouver le bon manuscrit, le corriger et en assurer la mise en page avant de l'imprimer et de le diffuser.

Le fil rouge du roman: sauvegarde du livre d'Epicure De la nature. L'oeuvre considérable du philosophe grec fut détruite à l'avènement du christianisme, instauré religion d'Etat par l'empereur Constantin, ce qui freina certainement la diffusion de sa doctrine, basée sur la recherche du bonheur, non par une jouissance effrénée des plaisirs de la vie, mais par la maîtrise ascétique de ces derniers) sans toutefois l'empêcher de parvenir jusqu'à nous, grâce notamment à Diogène Laërce, auteur du 3ème siècle. Aujourd'hui, il ne nous reste que trois Lettres et une quarantaine de maximes, pour la plupart découvertes au 19e siècle, ainsi que quelques fragments de son œuvre majeure découverts à Herculanum en 1752, à une époque où la doctrine épicurienne revenait en force.



Quarante années après sa disparition, Mari raconte à leur fils la vie de son mari, Alde Manuce, professeur et grammairien. 1489. Le jeune Alde arrive à Venise avec en tête un projet d'autant plus ambitieux qu'il n'y connaît absolument rien : fonder une imprimerie dont la mission serait de publier les œuvres maîtresses de la littérature grecque dans des éditions de qualité.

Au fil des mois qui passent, Alde apprend les ficelles du métier auprès d'Andrea Torresani, l'un des plus riches imprimeurs de la ville, dont il épousera la fille cadette Maria, quelques années plus tard. Très vite, la jeune femme, douée et intelligente, parlant le latin et le grec, se révélera une précieuse alliée à l'atelier, grâce à l'éducation poussée qu'elle reçut dans un couvent allemand.

Lorsque Torresani lui interdit d'imprimer des livres grecs, Alde aurait perdu tout courage sans le soutien de Maria qui, aussitôt son terrible père le dos tourné, suggéra à son mari le moyen de contourner l'interdiction :"Nous allons imprimer les livres latins fondamentaux comme les missels portables : in-octavo, manuels à la façon des enchiridions grecs qui sont juste un peu plus grands que la main. Des livres qu'on peut transporter facilement dans la poche !" (Page 247).

De défaites en victoires, Maria déroule ainsi le fil de la vie de celui grâce à qui de nombreux manuscrits grecs importants furent imprimés, et l'imprimerie connut des innovations fondamentales, notamment l'utilisation des caractères en italique permettant d'imprimer plus de mots sur les pages plus petites des manuels in-octavo.



Grâce à L'imprimeur de Venise, j'ai passé un très agréable moment de lecture, me plongeant sans vergogne dans l'atmosphère empuantie et formidable de la Venise de la Renaissance. Grâce à une documentation précise et détaillée, je n'ai eu qu'à fermer les yeux pour me retrouver dans l'imprimerie d'Andrea Torresani. J'ai appris avec Alde à recopier avec application d'anciens manuscrits grecs, à corriger les nombreuses erreurs commises par les copistes ignares, j'ai regardé Francesco fondre ses caractères avec beaucoup de minutie.

Le +: Les personnages hauts en couleur, les portraits d'hommes et de femmes attachants, vibrant de sincérité, les dialogues parfois drôles, parfois pathétiques, les émotions et les bravades constituant une fresque colorée et extrêmement vivante.

Le bémol : l'érudition parfois pesante se perdant dans les méandres de l'oeuvre d’Épicure, citant de longs extraits dont on ne voit pas bien l'utilité pour l'intrigue. Certes, le sauvetage de son oeuvre constitue bien le fil rouge de ce roman ; néanmoins, certains passages trop longs nuisent plus à l'intérêt du récit qu'ils ne l'enrichissent.

Cela dit, L'imprimeur de Venise est un roman attachant, sombre et lumineux à la fois, sobre et truculent, dans lequel on a plaisir à faire connaissance avec cet homme timide et audacieux, circonspect et aventureux, qui n'a pas hésité à braver de nombreux obstacles pour réaliser sa passion, n'oubliant jamais que ce qui compte ce n'est pas tant le processus de fabrication que le texte lui-même. Pour notre plus grand plaisir, Javier Azpeitia, fait revivre Alde Manuce, dont le nom s'est un peu effacé de l'histoire. A travers les siècles, avec son accent chantant, l'imprimeur de Venise nous rappelle que la connaissance contenue dans les livres, quelle qu'elle soit, est notre plus beau patrimoine, et que nous devons coûte que coûte le préserver afin de le transmettre aux générations futures. L'ignorance est mère de tous les vices...
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L'imprimeur de Venise



Biographie romancée du "génial " imprimeur Alde Manuce.



Par le biais d'Alde Manuce, c'est le monde du livre, de l'édition qui revit sous la plume de l'écrivain Javier Azpeitia. C'et aussi l'occasion de découvrir et/ou redécouvrir des auteurs grecs, latins ainsi que des philosophes tels que Pic de la Mirandole malgré l'interdiction, la censure de l'église.



que l'on vive dans les années 1489 et/où à dire époque, les mêmes questions se posent autour du devenir du livre c'est à dire publier des ouvrages en masse afin de toucher le plus grand nombre de lecteurs tout en s'enrichissant encore plus et/ou publier des titres "plus confidentiels" en direction d'érudits, etc, tout en contournant la censure, mais, à perte.



Le lecteur suit également pas à pas les recherches minutieuses d'Alde Manuce afin de lire un titre dans son entier le plus confortablement possible, et, non à partir de feuilles volantes, si j'ai bien compris. C'est lui qui est à l'origine du format in-octavo.



Même si la lecture d'extraits d'auteurs classiques grecs, latins - ceux ci s'insèrent naturellement dans le texte - peuvent sembler rébarbatif au premier abord, pour certains, ce roman se lit d'une seule traite, comme un polar tout en permettant de découvrir un "petit" monde de passionnés, celui de l'édition, de l'imprimerie ainsi qu'un personnage haut en couleur - Alde Manuce - quelque peu oublié de la part du grand public, sauf peut être par ceux/celles qui s'intéressent à l'histoire de livre.



Bien que Javier Azpeita ait romancé au maximum la vie d'Alde Manuce ainsi que le milieu de l'édition, ce roman permet une plongée "fabuleuse" dans la fabrication d'un livre, et, peut susciter l'envie à certain(e)s de livre un bouquin traitant de l'histoire du livre.

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Hypnos

Hypnos est un livre étrange, à l'atmosphère pesante, envoûtante. On ne sait pas trop où on va, pourquoi, mais il y a quelque chose qui m'a accroché. Je voulais comprendre le mystère qui tourne autour de l'héroïne et pourquoi l'auteur a fait le choix de rédiger son récit à la deuxième personne du singulier. Finalement, c'est un récit sombre, qui nous entraîne dans une spirale infernale vers la folie que nous découvrons.
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