Jay Haley

Lorsqu'il a affaire à un couple marié, Erickson s'arrange en général pour éviter de prendre le parti d'un des conjoints contre l'autre ; en règle générale, il considère cela comme quelque chose d'important, excepté dans les cas où se manifeste la violence ou un refus absolu de coopérer. II verra les époux soit individuellement, soit ensemble. C'est souvent dans sa salle d'attente qu'il prend cette décision.

L'organisation hiérarchique est un trait qui caractérise tous les animaux capables d'apprentissage, et dans un mariage, la question de savoir qui doit être le premier ou le second dans la hiérarchie des relations conjugales peut se poser de façon permanente.

Bien qu'Erickson joue avec les enfants et se mette souvent de leur côté contre le monde des adultes, il n'est en aucune façon partisan d'une éducation "permissive". Il lui arrive de travailler avec des parents afin de leur apprendre à jouer avec leur enfant ; parfois, il les empêche de se monter trop sévères ou de punir sans raison suffisante. Mais il fait en sorte que les parents établissent des limites fermes. Lorsqu'un enfant se conduit mal, Erickson ne l'aide pas à en comprendre la raison mais il fait en sorte que cet enfant se conduise plus convenablement.

Quel que soit le symptôme manifesté par un enfant, qu'il s'agisse d'énurésie ou de quelque autre problème, c'est en général parce qu'un adulte a une relation trop étroite avec l'enfant, et la thérapie est un moyen de dissocier cette dyade.

Ce cas constitue un exemple très significatif parce qu'il montre qu'un traitement peut être étonnamment rapide si l'on adopte le principe prôné par Erickson qui consiste à prendre pour but dans l'immédiat le résultat que l'on recherche à long terme. [...] Comme objectif ne peut être atteint tant que les conditions d'existence ne sont pas adaptées, la difficulté consiste à rendre le contexte plus normal. Pour changer le contexte social, il n'est pas nécessaire de traiter chaque membre d'une famille en les réunissant tous, comme le préconisent certains défenseurs de la thérapie familiale.

La diversité des problèmes qu'un thérapeute se voit tenu de régler est si grande qu'à l'évidence, aucune méthode, aucune approche particulière ne peut s'appliquer à tous les cas. Une des caractéristiques d'Erickson, c'est qu'il dispose pour répondre çà ces situations problématiques d'une panoplie aussi diversifiée que les problèmes en tous genres qui sont susceptibles d'apparaître.

On pourrait faire certaines remarques sur un des aspects du discours d'Erickson. Il n'essaye en aucune façon d'aider Harold à "comprendre" (dans le sens habituellement donné à ce terme en psychiatrie) la signification de l'expérience qu'il vient de vivre. Il n'y a pas d'interprétations, ni à propos de la figure maternelle que pourrait représenter pour lui cette femme en raison de leur différence d'âge, ni à propos de prétendues significations symboliques de la situation. Il n'y a donc pas non plus d'étiquette restrictive appliquée à cette relation. Elle est traitée comme une expérience réelle vécue avec une femme réelle.

Les suggestions thérapeutiques ont souvent un caractère de grande banalité ; en tant que telles, ce sont des généralités dont les applications personnelles ne se remarquant pas immédiatement et qui deviennent ensuite impossibles à contester. [Exemple] "Personne ne peut savoir ce que devient un bébé en grandissant, et personne ne sait comment il sera dans cinq ans ni même l'année prochaine."

Je dis cela simplement pour éclairer votre lanterne et vous montrer que moi, j'y vois clair. Ensuite, vous serez vraiment forcée de croire ce que je dois vous dire. Vous n'êtes pas une affreuse grosse dondon. Vous êtes un as de lard, le plus gros, le plus laid et le plus répugnant que j'aie jamais vu, et vous êtes laide à faire peur.
[...]
Bon sang, il ne faut pas trop vous en demander, parce que vous êtes affreusement handicapée. Mais je veux que vous fassiez une expérience d'hypnose maintenant. Je veux que vous fassiez tout ce que je vous dirai de faire : vous vous êtes gavée de nourriture au point de ressembler à une outre trop pleine, et cela prouve que vous avez bien besoin d'apprendre à ne pas continuer ainsi à offenser les regards. Maintenant que vous savez que je suis capable de vous parler franchement, fermez les yeux et entrez dans un état de transe profonde. Cessez de faire l'imbécile, et cessez aussi de vous rendre ridicule en vous transformant en épouvantail.
[...]
"Quand vous disiez toutes ces horreurs à mon sujet, vous étiez tellement dans le vrai ! Je savais que vous me disiez la vérité? Mais si vous ne m'aviez pas hypnotisée, je n'aurais jamais fait tout ce que vous m'avez fait faire."

Non seulement Milton Erickson a une expérience professionnelle longue de plusieurs années en ce qui concerne la thérapie des jeunes gens, mais il possède aussi une expérience personnelle pour avoir élevé ses propres enfants, au nombre de huit. Un jour, son épouse avait calculé que c'était comme s'il y avait eu un adolescent chez eux pendant trente ans. Erickson envisage le problème des jeunes en fonction de sa connaissance de leur sensibilité.

Jeune Thérapeute. - Pourquoi lui avez-vous demandé ça ?
Erickson. - Pour qu'elle sache que ça m'intéressait vraiment.
J.T.- C'était un moyen d'établir le contact avec elle ?
Erickson. - Non, c'était pour qu'elle sache que ça m'intéressait vraiment.

Trop souvent, on admet qu'un simple traumatisme subi dans le passé est seul responsable d'une difficulté ou bien qu'une prise de conscience au cous d'une thérapie entraine une transformation de la personne. Pour ma part, je considère qu'il s'agit davantage, pour résoudre le problème, de trouver un arrangement qui permette à un patient de tirer parti de ce qu'il a appris et lui donne l'occasion de perfectionner le savoir déjà acquis afin de pouvoir s'épanouir sexuellement.

Et, chaque fois qu'une femme a un enfant, ses pieds ont tendance à grandir et l'angle de sa mâchoire à se modifier. Chaque grossesse entraîne ces fantastiques changements physiques et physiologiques.

L'étiologie est une question complexe, qui n'a parfois pas de rapport avec la solution d'un problème.

Jeune Thérapeute. - Je me suis souvent demandé comment vous vous arrangez pour que les patients fassent ce que vous leur demandez de faire, comment vous les y poussez.
Erickson. - Souvent en leur donnant l'occasion de s'opposer à moi.

Jeune Thérapeute. - Eh bien, à mon avis, un des problèmes de la psychothérapie brève est de persuader la patiente que vous n'émettez pas une opinion personnelle, mais que tous les autres gens ou au moins les autres hommes, partageraient cette opinion.
Erickson. - Cela ne veut pas dire que tous les hommes ont la même opinion, mais qu'ils ont un point de vue masculin et que les femmes ont un point de vue féminin. Un homme n'a pas envie d'embrasser une moustache, mais c'est très fréquent chez la femme.

Plus fortes seront ses tendances à la marginalité et plus les moyens nécessaires pour provoquer un changement fondamental dans sa manière de vivre devront être spectaculaires.

Parfois, le docteur Erickson travaille directement à aider les jeunes à transformer leur apparence. Dans d'autres cas, il insiste sur l'idée qu'ils ont d'eux-mêmes, en particulier sur leur image corporelle.

Parfois, c'est un problème sexuel particulier qui empêche un jeune d'avoir des relations sociales satisfaisantes. D'autres fois, c'est son travail ou sa scolarité qui se trouvent entravés par un symptôme.

Il est plus facile de dire ce qu'Erickson ne fait pas en cours de thérapie, plutôt que de décrire ce qu'il fait, sinon en illustrant cela par des exemples de cas. Son style de thérapie ne repose pas sur l'investigation des processus de l'inconscient, il ne consiste pas à aider les gens à comprendre leurs difficultés de relations interpersonnelles, il n'y a pas d'interprétations de transfert, pas d'examen des motivations des gens, pas même de reconditionnement.