« Aimer ce n’est pas comme désirer, Luke. Et c’est encore moins comme posséder. »
Je découvre Jay McInerney avec La belle vie et je suis bluffée. J’ai beaucoup aimé ce roman. Ça commençait difficilement avec la vie des richards de l’Upper East Side qui ont leurs petits problèmes de couple et je me disais que ça allait être long… Et puis il y a eu la magie de l’écrivain qui arrive à me faire connaitre plus avant les personnages, les couples, les enfants, les grands parents. J’entre dans les familles, et les Tours s’effondrent.
Tremblements de vie, chute de corps, poussières noires tombant du ciel et la détresse des Newyorkais. Dans les décombres, un homme, Luke, et une femme, Corinne, vont se rencontrer et aider. La nuit ils vont participer à l’entraide, nourrir les pompiers dans une cantine, avec d’autres mains offrant un café chaud. L’attirance s’installe entre Luke et Corinne, la culpabilité aussi. Vis-à-vis des morts qui sont enfouis à quelques mètres, mais aussi vis-à-vis de leurs familles respectives, chacun étant marié (des mariages malheureux mais il y a des enfants…).
Jay McInerney sait décrire le microcosme de l’Upper East Side sous toutes ses facettes avec finesse et drôlerie. Il prend le temps, dans ce gros roman, de peaufiner ses personnages, leurs amis et leurs familles qui ne paraissent pas tous si superficiels que je le craignais durant les premières pages. C’est une plume, pleine d’humour et de cocasseries, qui croque à merveille la comédie de ce milieu du cœur de Manhattan. Grâce à des retours sur les origines familiales de Luke notamment, l’auteur prend le lecteur à témoin de la difficulté d’aimer, et donne une couleur très particulière à cette lecture. La rend juste, de bout en bout. Un très beau roman.
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Jay McInerney fut pendant les années quatre-vingts l’un des enfants terribles de la littérature américaine ainsi que l’une des icônes de son renouveau. Moins transgressif que son camarade Bret Easton Ellis, il consacre son oeuvre à dépeindre inlassablement le New York des nantis qui domina le monde durant les dernières décennies du vingtième siècle.
Dans ses nouvelles désabusées comme dans ses romans foisonnants, il revient avec une délicatesse douce-amère sur les traumas qui ont métamorphosé la ville-monde, le krach boursier de 1987 dans « Trente ans et des poussières » ou le 11 septembre 2001 dans « La belle vie ».
Paru en 1996, « Le dernier des Savage » est un roman atypique qui sort du cadre new-yorkais de l’oeuvre de Jay McInerney pour s’intéresser au destin hors norme de Will Savage, rebelle sudiste, milliardaire hippie et proche des Black Panthers. A travers la destinée de ce personnage fictif, l’auteur entreprend de nous conter ce moment charnière de la fin des années soixante, le bruit et la fureur d’un pays en ébullition, en nous emmenant sur les traces du « dernier des Savage », dans le delta du Mississippi encore hanté par la noirceur de son passé esclavagiste.
Pour nous narrer le personnage « bigger than life » qu’incarne Will Savage, McInerney invente Patrick Keane, qui représente une sorte de négatif photographique de son héros flamboyant et déjanté. Patrick et Will se rencontrent à la fin de leur adolescence dans une école préparatoire privée, qui permet à Patrick d’intégrer les universités les plus prestigieuses du pays, Yale puis Harvard, tandis que Will s’envole loin d’un système trop étriqué au risque de se brûler les ailes, tel un Icare des temps modernes aveuglé par la fureur de la révolution des « radical sixties ».
Introverti, posé et troublé par une sexualité ambiguë, Patrick se lie d’une amitié aussi sincère que durable, avec Will, sauvage, libre, qui s’enthousiasme pour la musique et la « cause noire », une manière inconsciente d’expier les péchés de son ascendance sudiste.
La réussite du roman tient à la facilité avec laquelle l’auteur nous emporte dans le vortex qui mêle la traversée météorique des années soixante-dix de Will Savage et l’ascension calculée de Patrick Keane. Si le charisme de l’enfant terrible du Sud qui produit les bluesmen noirs de Memphis et côtoie les Rolling Stones l’emporte sur le caractère mesuré du narrateur, le roman trouve une sorte de point d’équilibre lorsque la raison du narrateur tente de contrebalancer la folie qui gagne peu à peu son ami. La place de choix accordée aux personnages féminins, la truculente Lollie Baker, ainsi que Taleesha, la beauté ébène dont s’éprend Will, offre à la fresque de McInerney une profondeur romanesque touchante.
Le roman nous conte l’ascension et les déboires du truculent Will Savage à travers le regard inquiet de Patrick Keane qui réussit à force de travail et de talent à se faire une place parmi les nantis new-yorkais. Cette trame narrative est au fond le prétexte utilisé par l’auteur pour aborder le coeur de son sujet : nous peindre une époque charnière éruptive, où tous les excès sont permis, sur fond d’un conflit racial qui menace d’embraser un pays tout entier.
En embrassant la destinée de ses deux protagonistes sur plusieurs décennies, McInerney aborde avec une pointe de mélancolie le mystère du temps qui passe et emporte avec lui les espoirs et les excès de la révolution hippie. Fresque aussi ambitieuse que réussie, « Le dernier des Savage » est un hymne désenchanté à la quête magnifique d’une génération oubliée : la liberté. L’épopée improbable de Will Savage est animée par un élan vital, une sauvagerie et surtout la croyance chevillée au corps que tout est possible, à condition de faire imploser les conventions d’une Amérique engoncée dans ses certitudes.
« Will voulait nous libérer tous ; il avait sans aucun doute hérité le goût des causes perdues. Il y eut pourtant des moments - vacillant à ses côtés, en coulisse, à Boston ; remontant à toute vitesse un sens unique avant l’aube dans une rue de Memphis ; sillonnant dans la voiture décapotée la poêle chauffée à blanc du delta du Mississippi en quête du blues - où je sus, au moins l’espace d’un instant, ce que c’était de se sentir libre ».
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Russell et Corrine Calloway ont la trentaine et vivent à New-York. Nous sommes en 1987, Russell travaille chez Corbin, Dern une maison d'édition, il aime son job mais se sent un peu hors-course face aux choix de publication de son boss Harold Stone.
Corrine c'est plutôt le monde des chiffres et les courbes de la bourse , pour se donner bonne conscience elle aide une association dans la distribution de repas aux SDF de son quartier. Ils forment un couple plutôt épanouis, on les envies même.
" Trente ans et des poussières" l'âge de tous les défis .
Dans ce premier opus Jay Mc Inerney nous invite dans l'univers du couple Calloway, leurs vies festives, leurs angoisses existentielles avec pour tempo la crise financière de 1988.
Dans son roman on sent le vécu, le rythme effréné à grand coup d'alcool et de coke. " Trente ans et des poussières" Un roman d'une génération celle des yuppies , on parle littérature, d'OPA, de Sida...
j'ai adoré tout simplement, en attendant de lire le deuxième opus " La belle vie" et de retrouver la Famille Calloway après le drame du 11 septembre 2001.
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Jay McInerney fait partie avec Bret Easton Ellis de cette nouvelle génération d’écrivain Américain, ils sont absolument indissociables l’un de l’autre. Bright Lights, Big City est le premier roman de McInerney et également son premier succès le propulsant d’entrée parmi les écrivains contemporains importants.
Entre sarcasme et cynisme, et aussi avec beaucoup d’humour il dépeint une génération de jeunes New-yorkais désabusés ne sachant ni qui ils sont ni où ils vont si ce n’est en soirée rencontrer d’autres personnes comme eux en quête d’identité. L’alcool et la drogue sont les carburants essentiels à leur survie.
La narration du récit est entièrement à la seconde personne, d’abord surprenant on s’y fait assez rapidement.
Littérature extrêmement disruptive comme moins que zéro de Bret Easton Ellis, cela en explique en partie leur succès fulgurant. On y retrouve la même fraîcheur qu’aux débuts de Bret Easton Ellis, les deux auteurs sont extrêmement proches tant par les sujets abordés que par leur style.
A noter la très bonne traduction de Sylvie Durastanti.
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'Trente ans et des poussières'... ou le Middlemarch des yuppies New-yorkais dans les Années 1980... et dans ma bouche c'est un beau compliment !
Apparemment, on rapproche souvent McInerney de Bret Easton Ellis, mais je ne suis pas vraiment d'accord, ici on ne parle pas de psychopathes ou de cas sociaux, juste de la vie de gens presque normaux. Une vie tantôt simple tantôt compliquée, tantôt exaltante tantôt ennuyeuse, tantôt remplie de fêtes, d'amis et d'étourdissements tantôt solitaire à pleurer... Une vie pleine de paradoxes et de rebondissements, comme la vraie vie.
La vraie vie d'un couple un peu branché, en l'occurence, lui travaillant dans l'édition et elle dans la finance, avec leurs rêves de grandeur, leurs illusions, leur routine, leurs amitiés, leurs difficultés. Il ne se passe pas grand chose de concret, l'histoire pourrait se résumer en 3 phrases, mais il se passe plein de choses dans la tête et le cœur des personnages, et ces choses ont résonné très fort en moi.
Ainsi des doutes de Corinne, des réactions si différentes de Boum et Corinne après l'épisode Francfort, assez caractéristiques à mes yeux des différences entre hommes et femmes (aussi vieux jeu que cette phrase puisse paraître !) et de la fin somme toute assez philosophique...
Bref, encore une belle découverte faite dans le cadre du Challenge Pavés de Gwen21 (10/x)
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Will Savage et Patrick Keane se rencontrent parce que le hasard leur fait partager une chambre d'internat alors qu'ils fréquentent la même classe préparatoire.
Tout, chez eux, les différencie comme tout les rapproche, paradoxalement. Will est fils et petit fils de propriétaires sudistes, esclavagistes, fortunés quand Patrick, d'origine irlandaise, continue ses études grâce à une bourse et compte dans ses ascendants des irlandais qui ont émigré pour fuir la famine de leur pays.
L'un est sûr de lui, à l'aise, défie les institutions, l'autre est timide, gauche, introverti, toujours gêné de ses origines et bien décidé à évoluer socialement.
Ils ont en commun de partager le rejet de leur ascendance : Will refuse l'attitude suprématiste de son père et Patrick le manque d'ambition et la modestie de la carrière du sien. Tous les deux n'ont qu'un désir : s'éloigner du chemin emprunté par la génération précédente.
Will ne s'intéresse qu'à la musique, le Blues, aux talents qu'il veut découvrir et espère produire et faire connaître, aux standards qu'il ne cesse d'écouter et d'expliquer à un camarade de chambrée qui ne connaît que les Beatles ! Will aspire à vivre au milieu de ce peuple que son père exècre, y écrire son avenir, en partager les idéaux quand Patrick ne veut qu'étudier, devenir un homme respectable dans une société qu'il espère bienveillante.
L'Amérique du milieu des années soixante, c'est une Amérique des bouleversements, des luttes raciales, des droits Civiques, celle qui entoure l'engagement du pays au Vietnam.
La lecture est bercée de la voix de Muddy Waters, de celle de Martin Luther King et des rencontres de ceux qui "rentrent" de l'enfer ou de ceux qui grossissent les rangs des Blacks Panthers.
Le livre est le récit, à travers la voix de Patrick, de cette amitié avec en filigrane, l'évolution de la société américaine. C'est l'histoire de deux vies, de deux engagements radicalement différents, des résignations, des replis sur soi pour atteindre l'idéal qu'on s'est forgé ou au contraire des coups d’éclat, de la folie d’une vie où le présent s’écrit dans les hallucinations des vapeurs des drogues et autres alcools pour garder courage. L'un n'aspire qu'à la révolte quand son ami ne lui parle que de raison.
L'écriture de Jay McInerney est prenante, les pages se tournent, celles du livre et celles de la vie des deux personnages. Difficile d'arrêter la lecture, parce que notre esprit est occupé par la même quête, par le même questionnement qui agite les deux hommes : que sont devenus les idéaux de jeunesse ? Quelle vie s'est construite ?
Où est, finalement la Vraie vie ? Dans la défiance permanente face à des institutions corrompues ou dans l'irrévocable respect de ces mêmes institutions ?
Qui a raison, qui a tort ? Will ou Patrick ?
Et si aucun des deux ne détenaient la vérité d’une vie…
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Jay McInerney fait partie des écrivains de la bande des « Brat Pack » (les sales gosses de la littérature américaine) avec Bret Easton Ellis, Donna Tartt notamment (sans le trash de Easton Ellis). Il raconte souvent la belle société newyorkaise, ses désenchantements, les dérives et excès (alcool, drogue, sexe).
De ses divers romans, j’ai particulièrement apprécié « Le dernier des Savage ». Il y a dans son écriture une réalité de la vie, parfois un peu crue certes, mais elle comme la lumière qui nous renvoie à ce que nous sommes, même si parfois on préfèrerait ne pas la regarder en face et devoir cligner des yeux.
Dans « Les jours enfuis » on retrouve un couple newyorkais Russell et Corrine Calloway dont nous avions fait la connaissance dans « Trente ans et des poussières » puis « La belle vie ». (A noter : il n’est pas obligatoire de lire les précédents, même si cela aurait sûrement une autre saveur).
Russell est éditeur. Corrine (qui a fait des études d’art) travaille dans une association de dons alimentaires (suite au 11 Septembre). Ils ont deux jeunes adolescents jumeaux.
Plus de vingt ans après « Trente ans et des poussières », ils ont à présent cinquante ans (si on compte encore bien). Et nous aussi, on a vieilli. D’ailleurs, je me faisais la réflexion, en retrouvant ces personnages avec quelques années de plus, que Jay McInerney devait aussi, en écrivant ce nouveau roman, se remémorer sa jeunesse, ses propres rêves vingt-cinq ans plus tôt. Néanmoins, ce n’est guère le lieu de faire le compte de mes propres rêves depuis que j’ai lu ce « premier épisode » et de ce qui s’est finalement passé depuis… Même si la période de fin d’années a toujours un goût d’état des lieux.
De part leurs métiers et centres d’intérêt, la vie de Russell et Corrine est composée en sorties nombreuses, en gala associatif, en soirées avec des écrivains ou en discussions avec leurs amis de longue date. Ces discussions n’ont d’ailleurs rien d’anodines : elles mettent en exergue les différences sociétales, la crise financière de 2008 qui va avoir lieu, les enjeux politiques (période des élections en 2009 où Obama sera élu président), les comportements et inquiétudes après le 11 Septembre et même les dissimilitudes de genres.
Mais, sous cette belle image d’Epinal d’une vie dorée et quasi parfaite, les choses craquent, s’effritent, ternissent (forcément ?). Russell a des problèmes avec sa maison d’édition. Corrine, quant à elle, recroise un homme, Luke, rencontré lors de la période du 11 Septembre avec qui elle avait eu une liaison. Et autour de tout ça, il y a des artistes et leur création magique, leurs doutes et leurs frasques, les amitiés rassurantes, les relations avec les enfants qui sont parfois plus âpres et difficiles à l’âge ado, les problèmes financiers (enfin pas tout à fait du même niveau que les nôtres), les questionnements sur le couple, les envies qui finissent par ne plus être tout à fait les mêmes, les années qui passent, les rides qui s’installent.
J’aime l’ambiance que crée McInerney dans ses romans. Dans celui-ci, il y a les références, des anecdotes à tous ces fameux écrivains américains et autres, ces fantômes de grands auteurs qui se baladent tout au long de l’histoire (Hemingway, Raymond Carver –assez logique quand on sait que McInerney a étudié avec lui- Salinger ou d’autres plus contemporains...), de l’art, de la musique.
Et puis bien entendu, j’apprécie ses histoires parce que cet écrivain nous raconte l’humain, la société américaine d’aujourd’hui. Avec de l’humour (parfois noir), une tendresse, ou même quelquefois avec plus d’amertume ou de tristesse, il dépeint des personnages qui nous ressemblent (même si, bien entendu, ils sont bien plus dans l’excès et les déviances : monde artistique et mondain oblige ??). Ce sont des personnages bien loin d’être manichéens, parce que modelés par une somme de défauts et de qualités, par des désirs, des peines, des joies, des lâchetés. Et chacun peut se reconnaître dans un de ses personnages ou, tout du moins, retrouver un trait de leur caractère qui nous parle.
Alors il est possible que, lorsqu’il ne restera que quelques heures avant le passage de la nouvelle année, je repense effectivement à tous ces jours enfuis. Mais aussi à tous ces bons moments de lectures, à ces retrouvailles, à ces belles découvertes, à ces discussions autour d’un roman ou d’un auteur. Que je me dise alors que, si on n’a pas réussi à réaliser tous nos rêves, si on a fini par accepter que certains seront inatteignables, si notre vie a pris un chemin peut-être loin de ce qu’on s’était imaginé à nos vingt ans et, bien, au moins, tout ne s’est pas tout à fait enfuis. Tout n’a pas filé tel le sable entre nos doigts.
Parce qu’il reste toujours en nous ces envies, ces intérêts, ces curiosités, ces appétits. Il nous reste encore ces plaisirs-là : se plonger dans un roman, une œuvre quelle qu’elle soit, et espérer d’avoir une pépite entre les doigts, en attendre des émotions, du savoureux et du rêve…
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“Bright lights, big city, gone to my baby’s head”.
C’est le début de la chanson de Jimmy Reed que tu pourrais chanter sous ta douche le matin, si seulement tu avais le courage de te lever à l’aube, comme les honnêtes gens qui dorment la nuit, eux. Mais tu n’as pas exactement la tête à siffloter, tu aurais plutôt la tête à te la taper contre un mur, après avoir passé cette nuit (et toutes celles d’avant, d’ailleurs), à te cramer les sinus avec ton amie la poudre tonique bolivienne. Tu pries pour qu’une guerre nucléaire ou un tremblement de terre, peu importe, ravage New-York là, tout de suite, pourvu que ça t’évite de devoir te pointer au bureau, au service de vérification des faits du Magazine, ton job alimentaire à toi, le futur nouveau Scott Fitzgerald. Mais pour le moment, tes rêves sont en berne : ton top-model en vogue de femme vient de te larguer, par téléphone, et à 6000km de distance, depuis les bras d’un photographe de mode français. Y a pas à dire, c’est super-élégant comme façon de faire, mais tu n’as même pas le courage de protester. C’est que la perspective des lumières étincelantes de la Grande Ville lui est montée à la tête, à ton Amanda. Voilà que tu piges enfin qu’elle t’a épousé non pas pour tes beaux yeux, mais pour ta capacité à l’extirper de son bled du Kansas et à lui procurer un ticket d’entrée pour New-York, toi le futur grand écrivain. Et d’ailleurs, au fait, tu vas pouvoir t’y consacrer à temps plein, à ta vocation : tu es seul, et tu viens de te faire virer de ton boulot. Mais au lieu de te retirer dans une cellule de moine et d’aligner les mots sur les pages blanches, tu te déconnectes le cerveau et alignes les rails de coke, blanche elle aussi. A toi l’étourdissement dans l’alcool-le sexe-la drogue, cocktail branché de ces années ’80, pour oublier le vide et le désenchantement de ce monde de brutes.
Tu n’es pas fier de toi, tu es déprimé. Tu t’enfonces dans une nuit sans fin, de décadence et de superficialité. Tu ne te demandes même pas comment ça va finir, avec ta façon de te tutoyer, de te mettre à distance de toi-même, de t’analyser de l’extérieur. Tu trouves ça original, et tu as raison. Ton sens de l’autodérision, tes histoires de famille, ta déglingue, ça m’écœure, m’amuse et même me touche. 200 pages rapides, où on te voit toucher le fond avant de peut-être remonter à la surface.
Avec ton air de cousin post-moderne de Gatsby, ton histoire va ouvrir la voie à une nouvelle génération d’écrivains. 200 pages, c’est court, ce n’est pas grand-chose, ce n’est même pas ton autobiographie, et pourtant elles suffisent à montrer ton talent. Tu voulais la gloire ? Tu l’as. Et c’est mérité.
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Coke en stock...
J'ai adoré relire ce livre de Jay McInerney que j'avais un peu oublié. Alors on est donc à New York à la fin des années 1980 et Alison et ses amies sont riches, souvent belles et, encore bien davantage, assez largement paumées. On rencontre ses amies, elle confie ses souvenirs, parle de sa famille. Quelques soirées pleines d'excès. La cocaïne, mais aussi pas mal d'autres substances illicites sont en effet largement consommées ici. On y parle largement de sexe. Mais derrière ce côté "beigbederien" (façon de parler, car ils ne boxent pas dans la même catégorie selon moi) se cache l'essentiel, un magnifique roman d'amour, un émouvant portrait générationnel, de la part d'un auteur aussi indissociable de NY que peut l'être W. Allen au cinéma.
Comme toujours avec cet auteur, derrière une apparente superficialité se cache une troublante profondeur. le style fait mouche à chaque page. Je n'ai pas eu le courage de souligner et de citer toutes les phrases superbes du livre. La restitution du langage parlé est incroyable, comme quoi il n'y pas que Céline (chapeau au passage au traducteur !)
Et puis ce qui m'a frappé enfin c'est que ce portrait d'une belle américaine de la bourgeoisie en apparence très frivole et superficielle cache un roman profondément féministe, derrière l'affirmation de la liberté sexuelle, derrière la dénonciation du harcèlement de rue...
Incroyablement années 1980, drôle, superbe sur le plan littéraire...Bref j'ai adoré.
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On retrouve dans ce nouveau titre de Jay McInerney, Corinne et Russel Calloway dans les affres des abords de la cinquantaine : que reste t'il de l'amour, comment faire face à des aléas professionnels ? Quelle est la solidité du lien conjugal ? Le roman nous plonge au coeur de l'intime du couple en nous permettant de comprendre toutes' les ambiguïtés de leur emotions, de leurs choix. Roman très contemporain, le lecteur est plongé dans la société et la vie du New York des années 2000. Une belle lecture d'été !
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C'est à une longue déambulation dans la vie d'un jeune homme de 24 ans, paumé, entre un boulot qu'il n'aime pas et la séparation d'avec sa femme qu'il n'arrive pas à surmonter, que nous convie Jay McInerney. Avec l'usage du "tu" par le narrateur, c'est dans l'intimité de cet anti-héros que nous pénétrons, au plus près de ses pensées, témoins effarés de cette lente dégringolade. Dans le New York des années quatre-vingt, entre drogue, soirées alcoolisées, fréquentations délétères et amitiés toxiques et tentatrices, toujours promptes à vous tirer un peu plus vers le bas, le narrateur s'enfonce un peu plus dans la déprime et perd ses illusions......
Paradoxalement, cette perte devient salutaire et nécessaire lui permettant, d'entrevoir une possible rédemption...une lente remontée du gouffre grâce à une femme protectrice et un retour à la réalité, aux attaches familiales qui vont le débarrasser de ses fausses béquilles pour enfin lui permettre de reprendre un début de contrôle de sa vie.
J'ai d'abord été déstabilisée par cette dérive de ce jeune anti-héros, trouvant que le tableau était un peu trop destructeur mais j'ai entrevu, au fil du récit sombre, la lumière vers laquelle cet homme s'accroche pour enfin remonter à la surface. J'ai également apprécié la façon dont Jay McInerney catapulte les évènements et les rencontres, j'ai retrouvé un peu de l'atmosphère de Taxi driver avec la montée en puissance d'une force qui va permettre à cet anti héros de rebondir et reprendre le fil ténu de son destin...
Bright Lights, Big City est un roman générationnel court et trash qui a propulsé l'auteur sur le devant de la scène lui offrant comme à son anti-héros la possibilité d'une rédemption, c'est une lecture borderline qui mène à la lumière au bout du tunnel...alors Bright Lights, Big , un récit autobiographique ?
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Une odeur de crayon fraîchement taillé que l’on ne retrouve que dans le Laf
ite- Rothschild et le Mouton-Rothschild, me dit “Bacchus et moi”, tiens, tiens ! Je venais justement de relire le premier des 44 mangas “Des gouttes de Dieu” en regardant la série, alors ce livre venait à point nommé.
Bien sûr, Jay McInerney convoque des vins exceptionnels, un peu bling-bling, que je n’ai et n’aurai pas l’occasion de goûter.
Mes dégustations mémorables se limitent à un Léoville-Las-Cases 1985 et un Château Haut-Brion 1988 pour les Bordeaux.
Pourtant je ne me souvenais pas qu’un “Haut Brion bien mûr sent la boîte à cigares Montéchristo, une truffe noire et une brique chauffée à blanc posée en équilibre sur une vieille selle.”
Il fallait bien un Américain pour nous parler ainsi, de manière un peu iconoclaste, des vins !
L’auteur nous fait rêver quand il nous emmène en vendanges dans la coulée de Serrant avec Nicolas Joly : “Il a décidé de vendanger le lendemain de mon arrivée : il enverra ses vendangeurs au moins cinq fois dans les vignes, afin qu’ils ne sélectionnent que les grains les plus mûrs. Il aime attendre le moment où une partie des grains sont ratatinés, et rien ne le rend plus heureux que d’y voir un peu de botrytis, la pourriture noble, s’y installer.”
Je suis toujours fasciné par ceux qui parlent du vin et racontent leur expérience gustative : “le Condrieu a souvent un goût de pêche blanche, tirant parfois, il est vrai, sur l'abricot. J'aime sa mâche charnue, visqueuse et ronde en bouche. J'aime ce bouquet floral qui me rappelle parfois le chèvrefeuille. Certains dégustateurs anglais comparent son arôme à celui des fleurs d'aubépine mais, pour le piètre botaniste que je suis, il évoque tout simplement certains jardins que j'ai traversés au printemps. Je l'aime aussi parce qu'il me fait penser aux Gauguin de la période tahitienne. “
Dans ce livre, on peut picorer parmi les 65 chroniques, aller sans ordre et voyager entre les régions françaises et les vins du monde.
J’avoue avoir sauté des vins étrangers introuvables que je ne boirai pas, je garde espoir pour les français, même pour une bouteille de Romanée-Conti !
Enfin, pour des gastronomes, lisez la dernière aventure, celle de ElBulli, le meilleur restaurant du monde qui termine ce livre en apothéose.
Ferràn Adrià, le chef espagnol, servait trente-sept services à 48 personnes le soir.
Il a aujourd’hui fermé au grand dam de deux millions de personnes, dont je fais partie, qui cherchaient désespérément à réserver une table !
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Si vous cherchez un éditeur, évitez le dernier livre de Jay McInerney "les Jours Enfuis," il vous donnera des cauchemars, pour les autres lecteurs, n'hésitez pas c'est une belle réussite.
Et pour ceux qui sont accros à leur i Phone, McInerney par une brillante anecdote vous invitera à la prudence, couper le contact, quand vous êtes en prise directe avec votre petit(e) ami(e).
Comme de nombreux auteurs américains, Jay McInerney aime prolonger les débats, en 530 pages, vous avez consommé environ trois Amélie Nothomb, et de multiples ébats .
C'est un peu comme le bridge, chaque levée compte, et pour réussir le contrat, il est utile de se rappeler les premières cartes d'invitation qui sont tombées, et quel écrivain a fait le premier pli, et placé la première coupe.
La paire centrale est le couple que forment Russell et Corinne Calloway, lui est éditeur, comme une ombre de Michel Gallimard, un pilier de la littérature américaine.
Un autre couple, est formé par Luke McGavock et sa touchante et magnifique épouse, après Gisèle, lui un peu une caricature new-yorkaise. Luke est un produit de Wall Street, elle, elle a tout simplement 35 ans de moins que lui, elle souhaite avoir un bébé, lui navigue au gré des vents de la finance, Luke et sa dernière conquête un vignoble en Afrique du Sud. Luke finira-t-il par tomber sous le charme de Corinne et de ses bonnes œuvres, au service des plus démunis ?
Un troisième couple, vient troubler les jeux de séduction et surtout Casey Barnes la confidente de Corinne.
Russell Calloway a pour confident Washington Lee, son meilleur ami, dont l'épouse Veronica travaille chez Lehman Brothers.
Les Jours enfuis, c'est un peu un jeu de massacre, fini le bridge où chacun à tour de rôle faisait le mort. Entre la presse, la finance, les banques, l'auteur offre un bel échantillon de la ville de New York, et si vous ajoutiez un jeune romancier qui se drogue, un jeune peintre bourré de talent qui s'étiole, vous pouvez vous délecter, sans une pointe d'ironie, voilà le plateau d'un cocktail à faire sauter une tour jumelle.
Le 11 septembre est passé par là, mais Lehman Brothers n'est pas encore en faillite, Obama n'a pas commencé sa campagne contre Hillary, le décor reste très alléchant. En effet Jay McInerney, se livre à une description caustique et sans concession de la vie New Yorkaise au lendemain du 11 septembre.
Il ne faut pas prendre ce texte au premier degré, mais bien plutôt déceler les coups tordus de ces Newyorkais, imbus d'eux mêmes, qui se lancent dans des opérations hasardeuses. Ce sont des amoureux fantoches souvent soucieux de conserver leurs situations, qui se lancent avec maladresse dans les bras de leurs maitresses. Toutes ces situations sont souvent très drôles car les infidèles laissent traîner, soit une confidence, un mail, voir un smartphone.
Le livre devient par contre âpre et mordant, quand l'auteur touche le monde de la finance, et surtout celui de l'édition. Russell a eu le nez fin en sortant, de la coke un jeune écrivain, peut-être pensait-t-il au jeune héros de Kerouac. Jack Carson a imaginé entre deux lignes de coke qu' il n'a plus besoin de mentor. Devait-il en parler à son concurrent, le plus infect, et déballer un à un des livres annotés par Russell, démontrant que le véritable auteur était Russell lui-même?
Il se fait berner plus encore avec un certain Kohout, au nom prédestiné, qui réussit à le faire chanter, et bientôt à le mettre KO.
Si Russell apparaît bien comme un idéaliste, capable d'aider un jeune drogué à sortir de l'ombre, son compère Luke Macgavok, est autrement plus inspiré. Non content d'aider les victimes du 11 septembre, accompagné de Corinne Calloway, il crée une société pour aider dit-il les entreprises en difficulté. La réalité c'est la création d'un fonds d'investissement, avec l'utilisation effrénée des LBO.
Quelle ne fut pas ma surprise, mon étonnement et ma consternation, en parcourant page 148, cette phrase, "une fois la banque remboursée, on a triplé notre investissement original : c'est la beauté de l'effet de levier on utilise l'argent de quelqu'un d'autre."
Cette même technique, vient de permettre à un Costard Hongrois endetté de 6 milliards d'euros, de racheter le magazine Elle. Cette même technique, a conduit à la catastrophe de Vivarte ou 17000 salariés ont été licenciés.
le journal des échos a lancé ce constat :
Vivarte ou l'échec programmé des méga-LBO sur les echos.fr
Qui est responsable du naufrage de Vivarte et ses 17.000 salariés ?
Anne Drif / Journaliste Le 23/02/17 à 06:00 Mis à jour à 16:34
En savoir plus sur https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0211753441116-vivarte-ou-lechec-programme-des-mega-lbo-2067070.php#wDldxTf7FvuWymvX.99
Mais quand l'auteur écrit ; "nous on considère qu'on contribue à la bonne santé de notre économie en remettant sur pied des entreprises déficitaires."
Nous sommes en pleine faillite de Lehman Brothers, et Luke a senti le vent venir, il a vendu ses parts et quitté la finance.
Les techniques des LBO est ainsi évoquée avec cynisme, un cynisme sans doute chargé de rancœur, et de noirceur.
Je me sens proche de cette synthèse écrite par la Presse ; "La plume de McInerney est à la fois lucide et romantique: son Manhattan a parfois un côté exécrable, mais l'écrivain est nostalgique lorsqu'il se souvient des grands noms de la littérature américaine."
Et pour terminer ce roman sur l'art qui a fait la richesse intellectuelle de la place de New York, l'auteur écrit page 460," un peintre mauvais garçon et un écrivain prodige meurent dans les flammes dans un accident de voiture."
dans le Wall Street journal juste au-dessus, un titre " Lehman Vacille. "
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Le roman débute la veille des attentats du 11 Septembre, les Calloway ont organisé un diner avec plusieurs amis. Ils possèdent un magnifique loft, sont parents de deux enfants et une situation bien établie.
Tout ce décor parfait va s'écrouler avec la déflagration des attentats du lendemain. Toutes leurs certitudes vont se trouvées ébranlées. Mais petit à petit, une fois le chaos et la compassion passée, ces golden boys vont tenter de reprendre leurs habitudes. Mais peut' on reprendre la vie comme avant ? l' amour est aussi au centre du questionnement. L'enfant terrible de la littérature américaine s'est drôlement assagit la cinquantaine venue, il choisit de raconter ce terrible choc par le prisme d'une famille aisée. C'est bien vu, le ton doux-amer, drôle et léger nous charme avec beaucoup sensibilité et la douleur de la population américaine est plûtot bien décrite. Mc Inerney mets aussi en avant le cynisme de certains et la prise de conscience d'autres., Une belle surprise, moi qui n'avait pas aimé " La fin de tout" un de ces précédents romans.
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Lire Trente ans et des poussières c'est se plonger pendant les années 80 dans le New York des nouveaux riches , c'est parler du dernier Woody Allen sur une musique de Benny Goodman, écouter la musique de Phil Collins ou de The Cure sur une chaine stéréo, c'est aussi évoquer le miracle économique, les OPA hostiles et déjà de crack boursier, assister aux réussites et aux échecs les plus retentissants
Un couple de jeunes trentenaires Russell et Corrine Calloway , elle courtière en Bourse et lui dans le domaine de l'édition vont être immergés dans ce tourbillon Nous allons suivre leur vie sentimentale, familiale, professionnelle, sociale. Brillants, beaux ils sont sympathiques mais leurs comportements sont parfois erratiques. Peu à peu les déconvenues vont survenir.
Autour de ce couple un petit monde hétéroclite représentant leurs deux milieux professionnels new yorkais se croise dans les sorties, vacances, weekends, dîners… C'est précisément par un dîner que s'ouvre le livre avec la présentation des protagonistes. le ton des conversations est décalé et déstabilisant pour le nouveau lecteur qui débarque au beau milieu ; Il faut s'accrocher quelques pages pour s'intéresser à ce délire burlesque avant d'entrer dans l'histoire. Puis chacun trouve sa place et l'on acquiert vite des repères.
Le reste est plutôt addictif. On prend grand plaisir à observer la vie new-yorkaise de ces années-là. On suit au jour le jour sans ennui les rebondissements de leur vie, leurs états d'âme, leurs regrets et leur malaise grandissant. On sait qu'il y a une suite, deux en fait , et sans hésitation je vais poursuivre cette petite musique nostalgique avec Russell et Corrine.
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Il était une fois...
Il y eu un moment dans les années 1990 où l'optimisme régna assez largement. On était avant le 11 septembre avant tout un tas d'événement qui correspondent à une forme de retour du tragique (mais on m'objectera face raison que c'est une vision largement occidentale des choses...). En ce temps là un auteur comme Jay McInerney pourrait sortir des romans branchouilles, brillants, dans l'air du temps comme celui-ci. Quintessence du roman urbain contemporain d'alors, et qui me parait aujourd'hui délicieusement daté !
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Après avoir lu la trilogie de Jay McInerney que j'avais adoré (Trente ans et des poussières) et la suite, j'avais hâte de relire un nouveau livre de cet auteur.
Je n'ai pas été déçue du tout et je pense même pouvoir dire qu'il fait partie de mes auteurs préférés.
Bright lights, big city, qui est son premier roman et celui qui l'a fait rentrer sur le devant de la scène littéraire, se déroule à New York.
Court roman où l'on assiste ici aux désillusions de la vie d'un new-yorkais d'une vingtaine d'années dans les années 1980 qui vient de divorcer et qui est en pleine crise existentielle.
J'aime beaucoup cet auteur qui trouve toujours les mots justes pour décrire des situations de la vie de "tous les jours" avec une exactitude impressionnante. Bref, vous l'aurez compris, j'ai dévoré ce roman rapidement et ne peux que vous le recommander.
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