Jayne Anne Phillips - Tous les vivants .
Jayne Anne Phillips vous présente son ouvrage "
Tous les vivants, le crime de Quiet Dell" aux éditions de l'Olivier. Traduit de l'américain par
Marc Amfreville. Rentrée littéraire janvier 2016. Retrouvez le livre : http://www.mollat.com/livres/phillips-jayne-anne-tous-les-vivants-crime-quiet-dell-9782823603514.html Notes de Musique : Where Childrens Have a Place by huron. Free Music Archive. Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Dailymotion : http://www.dailymotion.com/user/Librairie_Mollat/1 Vimeo : https://vimeo.com/mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Tumblr : http://mollat-bordeaux.tumblr.com/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Blogs : http://blogs.mollat.com/
+ Lire la suite
Grand-Mère m'expliquait toujours que nos rêves sont des désirs ou des souhaits, des cadeaux des fées qui nous guident et veillent sur nous durant notre sommeil. Elle me disait que les poèmes et les histoires sont les murmures d'anges invisibles, des êtres autrefois pareils à vous et moi, qui en savent plus que nous ne pouvons en savoir tant que nous sommes encore de ce monde. "Parle-moi dans ta tête quand je serai partie, disait Grand-Mère. Je t'entendrai toujours, et je t'enverrai ma réponse dans le bruissement de l'herbe et du vent et à l'aide d'autres petits signes, parce que nous ne nous exprimons plus par des mots quand nous avons disparu."
[...] Le fait est que, dès qu'ils ont compris qu'il n'est pas le cas d'urgence qu'il peut avoir l'air d'être, ils trouvent toutes les excuses pour l'approcher. Il ne réclame rien et il ne communique pas de façon habituelle, mais à sa manière, dans son silence, il les prend en compte. Cela ressemble beaucoup à l'impression qu'on a en regardant une étendue d'eau assez vaste pour vous apaiser, un étang, un lac ou une rivière. Ou l'océan bien sûr. La première fois que j'ai collé l'oreille à un coquillage, c'était un peu comme si j'avais finalement entendu le son dans lequel vit Termite.
Il mémorise les cadences des chansons et des comptines, comme s'il ne reconnaissait que les sons, pas les mots. Les mots lui sont complètement inutiles. Il a besoin de son ruban de bleu et de l'espace sous le pont du chemin de fer près de la rivière. Il a besoin de voir la rivière au moment où les fracas du train se fait entendre là-haut sur les rails. Il a besoin des voies ferrées.
Lark dit le nom des fleurs, il redit les sons, mais les sons ne sont pas les fleurs. La fleur c’est la silhouette toute proche, elle ne bouge pas, il la voit bleue comme ça, longue et fine (...) Ensuite la silhouette bouge et la fleur est trop près ou la fleur est trop loin. Et la silhouette se fait couleur
Les Eicher ne faisaient plus jamais référence à leurs origines d’Europe du Nord, mais assurément Andersen et Grimm avaient trouvé l’inspiration de leurs contes au Danemark et en Allemagne. Absolument sinistres, ces histoires, pensait Charles : des miroirs aux alouettes qui conduisaient invariablement des enfants innocents à l’abattoir, tels des agneaux préalablement engraissés. Un univers féerique qui vous invitait à croire que la vertu est toujours récompensée. Charles savait que c’était faux.
La naïveté de sa propre mère les avait transformés en victimes. Sans son petit héritage, ils auraient vécu dans la misère. Malgré la naissance prochaine de leur enfant, son mari l’avait quittée, s’évanouissant dans la nature tel un escroc professionnel quand il s’était rendu compte qu’il ne pourrait pas s’approprier l’argent de sa femme.
Termite arrive à tenir sa tête maintenant, sauf quand il est fatigué. Depuis toute petite, je pensais que sa tête était lourde à cause de tout ce qu'il y avait dedans qu'il ne pouvait pas dire. Je croyais que les images restaient prisonnières à l'intérieur, qu'il les reconnaisse ou non. Qu'il avait conservé tous les mots que je ne pouvais pas évoquer, les paroles de notre mère et ce qu'on disait d'elle. Des mots qui dataient d'avant notre naissance, des mots d'avant mes 3 ans, des mots que j'avais oubliés. Des mots qui disaient quelle maison, quelle route ou quelle rue, qui était là, à quoi elle ressemblait, comment elle parlait et pourquoi elle s'était débarrassée de nous. C'est dur de s'occuper de Termite, mais elle l'avait gardé pendant un an, elle avait au moins essayé. Pourquoi elle avait essayé et pourquoi elle avait arrêté. Et moi, j'étais une enfant normale qu'elle n'avait pas gardée non plus, sauf que justement je ne suis pas normale, parce que je ne me souviens pas de ma mère.
Wilko Drenth prit la parole d'un ton paisible : "c'était pas un bon garçon. Parti si longtemps, j'avais cru qu'il était mort. Ça vaudrait mieux." Il se releva et tendit le journal à Emily. "S'il a fait tout ça, tué tous ces...Pourquoi donner à manger ? Il faut le pendre."
-"Parle moi dans ta t^te quand je serais partie, disait Grand-Mère. Je t'entendrai toujours, et je t'enverrai ma réponse dans le bruissement de l'herbe et du vent et à d'autres petits signes, parce que nous ne nous exprimons plus par des mots quand nous avons disparus."
- Chez eux ? s'étonna Emily.Mais les victimes dans toute ça?
Il la regarda droit dans les yeux, comme pour reconnaître qu'elle avait marqué un point. "La catastrophe ne vient pas de chez eux, pas de chez nous, il n'y a donc pas cette part de deuil, de responsabilité ou de honte qui en ferait davantage qu'un spectacle inouï. Ce n'est pas que dans les petites bourgades ou dans les campagnes on manque de compassion. La journaliste de la grande ville que vous êtes doit trouver cela évident."
Termite ne répond pas, Termite ne dit rien. Il tourne la tête, relève le menton, et il écoute comme si la réponse était dans l'air et que personne ne soit capable de l'entendre.