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3/5 (sur 26 notes)

Nationalité : Slovaquie
Né(e) à : Prague , le 04/08/1962
Biographie :

Jáchym Topol est un écrivain, poète et musicien tchèque contemporain, appartenant à la littérature underground tchèque, et fondateur du périodique littéraire Revolver Revue.

Jáchym Topol est issu d'une famille littéraire bien connue. Son père, Josef Topol, est dramaturge, poète et traducteur de Shakespeare.
Les débuts littéraires de Jáchym sont des chansons pour le groupe de rock Psí vojáci (les soldats chiens), mené par son jeune frère, Filip, à la fin des années 70 et au début des années 80. Il écrit également pour le groupe Národní třída.
En 1982, il co-fonde la revue samizdat Violit, et en 1985 la Revue Revolver qui est spécialisée dans la littérature tchèque moderne. À cause des activités de dissident de son père, Jáchym ne peut pas entrer à l'université. Après son baccalauréat, il fit plusieurs petits métiers. Il est emprisonné plusieurs fois pour de courtes périodes. Il est également un des plus jeunes signataires de la charte 77.
Jáchym participe à la Révolution de velours en 1989, en publiant une feuille indépendante, (Informační servis), qui deviendra plus tard l'hebdomadaire Respekt. Il est le rédacteur en chef de Revolver Revue jusqu'en 1993. Il fait toujours partie de la rédaction de Respekt.
Il a aussi écrit les paroles de trois albums de la chanteuse Monika Naceva : Moznosti tu sou (Il y a une chance, 1994), Nebe je rudý (Le ciel est rouge, 1996), et Mimoid (1998).
À présent, Jáchym Topol vit à Prague avec sa femme et ses deux filles.
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Bibliographie de Jáchym Topol   (5)Voir plus

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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Eh, regarde, Gérard !
Le moinillon, la soutane retroussée, se soulage dans la clairière, il enfouit le tout et s'élance. L'acteur maintient facilement son avance. Il bondit tout nu dans les hautes herbes, s'ébroue comme un jeune taureau détaché ou même un étalon rendu fou par le parfum de son musc, il jouit du mouvement.
Gérard s'est détaché... On est lâ, lâââ ! crie la mère en agitant un bâton piqué de barbaque. Le père lance un morceau de viande cuit à point au gamin qui vient de dégringoler l'échelle, il ramasse le pain dans l'herbe.
Ils mangent. Gloutonnement. Et ils regardent autour d'eux. Le moinillon cherche Gérard qui lui échappe sans cesse. Oui, Gérard Depardieu évolue de façon juvénile et majestueuse dans la clairière, un peu à la façon des faunes mythiques. Il saute et gambade dans les hautes herbes, tantôt il se baisse et scrute la forêt, une jambe en l'air... tantôt il cueille une fleur en pleine course. Et le moinillon s'évertue en vain à le suivre. Le Maître déjoue sans mal les tentatives d'interception, la couleur sable de ses cheveux se fond harmonieusement dans les rayons du soleil déclinant lequel, tel une immense boule, roule sur la prairie. Et Gérard, déjà dans l'ombre des arbres géants, danse, danse...
Hé, regarde-moi un peu ce fessier ! Un vrai toréador !
Tu as les papiers de la bagnole ?
Ils sont dedans. Dis, les trucs dans la boîte à gants. Je les ai pris pour pas qu'ils se perdent.
Elle extrait de la poche de sa jupe des rouleaux de billets rouges, et quand le père voit les trois zéros dessus, il siffle.
Mais ensuite je les rendrai à Gérard, hein ?
Évidemment.
Dès qu'il se sera rhabillé !
C'est clair.
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Maman ? Tu aurais pas quelque chose à boire pour moi ?
Je bois plus, je viens de te le dire. Et quand je bois, je suis très raisonnable.
Tu as bien raison, marmonne le père, il sort les assiettes, les verres, fouine dans les rayons du bas, il enfile le bras jusqu'au fond du buffet parmi les toiles d'araignée, où le papier jauni se décolle des parois.
Il en sort une bouteille, le liquide sombre scintille comme de l'ambre, comme un joyau, comme un secret. Il attaque le bouchon avec les dents. Et il vide la moitié de la bouteille en trois ou quatre gorgées. Il s'adosse au buffet, les regarde, brusquement calme et redressé.
Non, mais c'est pas vrai ! Tu m'as piqué ma bouteille ! C'est pas possible, t'es pas de moi. Va savoir d'où tu sors. Ton père, elle lui servait qu'à pisser. Moi, j'avais besoin d'un homme, d'un vrai. Un jules. C'est quand même leur droit, aux nanas.
Allez, maman, je t'en prie !
Et quand tu restais là, à glander dans la cour, comme un bon à rien, combien de fois je me suis demandé, mais de qui il tient, celui-là ? Du laitier, avec sa grande gueule ? Du petit jeune des bois qui pique des bagnoles, qui pue la bagnole mais qui a un piston bien huilé ? Ou ce serait le postier qui me l'aurait fait ? De qui il tient, ce saligaud ?
Maman, arrête, au moins devant les enfants !
Et sans parler d'Ivan, ton frangin, on aurait mieux fait de l'étouffer avec une aiguille à tricoter, celui-là, tu parles d'une vermine. Il passait son temps à courir au cul de son père, les paluches pleines d'huile de moteur et d'essence, il a failli prendre feu plus d'une fois ! Finalement je les ai dégagés tous les deux dans la grange, qu'ils aillent pioncer avec leurs motos.
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Quand elles arrivent au bordel de Monika, c'est comme si c’était un club plutôt qu'une galère.
L'argent empoché sur leur animalité les comble. Évidemment c'est facile de le gâcher en picole ou en fringues, bref, de le jeter par les fenêtres, mais il y a aussi moyen d'en mettre un peu de côté. Et quand leur carrière provisoire au bordel sera terminée, elles pourront entamer une relation sérieuse sans être raides comme des passe-lacets.
En cas de pépin, Monika les laisse tranquillement passer la nuit à l'oeil. Sans avoir à fournir de services. Ici il y a toujours un petit coin pour les filles à plein temps. Avec une douche. En plus, la renommée de Monika, et aussi ses potes, décourage les connards, les débiles et les brutes les plus endurcies. Ça facilite grandement la vie. Les petites putes partagent les opinions de Monika. En cas de besoin, elle peut aussi les conseiller, entre deux portes, pépère, elle sait essuyer les mirettes éplorées.
Parce que tout de même, baiser pour du fric et de surcroît avec des personnes différentes à chaque fois, ce n'est pas tout à fait normal.
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Le vieillard remplit les gobelets à ras bord et fouille dans le divan. Il attrape une pipe, y enfourne quelques miettes terreuses et observe les yeux écarquillés du père, visiblement réjoui de ce qui se prépare.
Écoute un peu, Mour, tu as compris que c'est le diable qui deale l'alcool et la drogue ?
Ça m'a déjà traversé l'esprit.
J'en ai vu, des jeunes types, brillants, guillerets, les bras faits pour enlacer les femmes, se métamorphoser en loques larmoyantes. C'est la drogue.
Mais enfin...
Mais je suis en train d'arrêter, avec l'aide de Dieu, dit le vieux dans une quinte de toux, il referme les lèvres sur la pipe allumée et aspire la fumée tout en haletant, jusqu'à ce que sa toux se transforme en rire un peu graillonnant. Et il se lève, la couverture rouge de chef lui tombe des épaules, il tend les bras et les balance, ses mains interminables sont tachées de petites croûtes noires sèches, il râle.
Mour, ça t'est déjà arrivé qu'après avoir fait l'amour tu te retrouves dans la lumière ? Une lumière qui t'entourait, même dans les rues grises ou dans la solitude des bois et de ses souches pourries et vermoulues ? Que le monde ait embelli et que les couleurs soient plus vives et claires ?
Oh là, c'est des bobards de pédé, tout ça !
Moi, ça m'a toujours fait ça avec cette fille.
Ah oui ? Sérieux ?
Ouais, j'ai vraiment vécu la plénitude du contact humain qu'est l'amour.
Mais enfin, maître, tu arrêtes pas de parler de baise et de cul.
Mais j'ai compris qu'il y avait un amour encore plus grand ! s'écrie le vieillard.
Tout ça, c'est une réaction physiologique, la sérotonine, les ocytocines et tout ça. Et il y a aussi le cycle menstruel qui joue. On a vu ça en sciences au bahut !
Et l'homme dit à Dieu, tu m'as donné une femme pour qu'elle soit à mes côtés. Mais elle a pris la pomme de l'arbre. Et c'est comme ça que toute cette gigue a démarré, la foire, le gros pépin ! dit Lojda en se penchant très lentement jusqu'à se retrouver assis et se caler dans les coussins.
N'empêche que tu vois encore la lumière avec cette femme, sourit le père.
C'est sympa, cette petite discussion, pas vrai, Mour ! Tu sais quoi ? Je vais te resservir. Eh ouais, toi aussi, tu seras un petit vieux. Y a rien à faire !
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Cette Monika. Elle est baignée de lumière. Ses anneaux, ses clous, ses boucles d’oreilles, tous ses ornements barbares étincèlent et jettent leurs feux. Quand elle pivote en s’habillant, ils la reluquent. Pendant un instant
on n’entend plus que le grincement du ventilateur et le bourdonnement
des insectes, comme dans la salle des machines de l’éternité.
Monika a la peau écorchée de quelques petits boutons, le nez un peu retroussé, elle n’a plus vingt ans, loin de là même, mais qui voudrait des gamines ? Une déesse, c’est mieux.
Heureusement qu’elle est habillée. Les regards des deux frangins sont littéralement aimantés à elle, comme les tournesols suivent le soleil.
Elle ne s’en rend même pas compte. Normal. Elle a fait ses classes
derrière une vitrine à Amsterdam, et là-bas les filles sont nues toute la sainte journée.
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Prague-Est, ce kaléidoscope, tantôt disloqué en essaims de cabanes, tantôt lotissement de villas somptueuses venues d’une autre époque, où les terrains des bords de la Sázava proches de la capitale comblaient les goûts de luxe de riches cosmopolites. Clôture contre clôture, elles coexistent avec des immeubles ouvriers du temps des camarades*, et juste un peu plus loin s’élèvent au milieu des orties des fermes en ruine fourmillant de marmaille tsigane et dont les murs écorchés et fissurés ressemblent à la peau d’un iguane.

*(communistes)
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Ils mangent. Gloutonnement. Et ils regardent autour d’eux.
Le moinillon cherche Gérard qui lui échappe sans cesse.
Oui, Gérard Depardieu évolue de façon juvénile et majestueuse dans la clairière, un peu à la façon des faunes mythiques. Il saute et gambade dans les hautes herbes, tantôt il se baisse et scrute la forêt, une jambe en l’air… tantôt il cueille une fleur en pleine course. Et le moinillon s’évertue en vain à le suivre. Le Maître déjoue sans mal les tentatives d’interception, la couleur sable de ses cheveux se fond harmonieusement dans les rayons du soleil déclinant, lequel, tel une immense boule, roule sur la prairie.
Et Gérard, déjà dans l’ombre des arbres géants, danse, danse…
Hé, regarde-moi un peu ce fessier ! Un vrai toréador !
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D’accord, d’accord, j’ai cafouillé. Les flics, je les emmerde, le tribunal qui m’importe, c’est celui qui siège, depuis la première cellule vivante, depuis l’aube de l’humanité. Bouteille après bouteille, tu as transformé ton cerveau en éponge, ma fille, mais il est encore temps, avant l’heure, c’est pas l’heure, cher jury. Je vais sortir de là. Nom de dieu, je ne suis pas dans un asile de fous soviétique, mais dans une institution sérieuse d’Europe centrale pour mères alcooliques tueuses. J’irai les chercher, à quatre pattes s’il le faut, mes petits. Sans me poser de questions, un peu comme une louve.
(p.66-67)
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C’est Proskova qui pleure, une sale vieille qui ressemble à un morceau de beurre informe et rance, emballé dans des tissus noirs, un bout de beurre fendu de rides… elle pleure, elle pleure, Ferdinandka. Une vieille moustachue aux yeux perçants et au nez aigu comme un bec, une petite vieille futée à l’air de lutin, la soutient par le coude gauche. Sur l’autre flanc de la gigantesque Proskova se tient la vieille Skvorova : Arrête de pleurer comme ça, tu vas te rendre folle…
(p.133)
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Jáchym Topol
Plus personne ne réfléchissait à la société comme à une bête monstrueuse, il s'agissait de tenir le coup, en portant la bête en soi. Parfois en hurlant. Chez soi, il n'y avait que les murs qui attendaient, plus peut-être la personne avec qui on vivait. A tous les coups, il y aurait un film d'épouvante à la télé. Qu'on se réveille ici ou là, seul ou à côté de quelqu'un, de toute façon on serait toujours soi, et rien d'autre.
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