PETIT MATIN
LA rose s'entrouvrait entre les mains de l'aube.
Le petit jour, jusqu'à l'hélice de mon cœur,
S'insinuait et la rosée, fraîche liqueur,
Lissait chaque pétale ainsi que des plis d'aube.
La rose frissonnait dès les premiers rayons
Et les premiers parfums distillés par l'aurore
Comment tremblant devant le mystère sonore
Et lumineux que proclamaient les carillons.
Puis, plus hardi, le jour, inclinant son cratère,
Inondait de clarté les reliefs de la terre,
Dorait les pics, les champs et les dos de lézard
Tandis qu'autour des fleurs, l'orchestre des abeilles
Rythmait le bal léger des sylves et des treilles
Sur un adagio frémissant de Mozart.
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LE ZOPILOTE
POUSSIN qui dans le pré picores le gazon,
Ne crains rien quand sur toi gire le zopilote
Et ne te cache pas, tremblant comme un ilote,
Sous les fleurs dont l'éclat ceinture la maison.
Le vautour noir méprise une bête vivante.
La chair fraîche l'écœure et fait fuir les rôdeurs.
Il lui faut, au milieu d'indicibles odeurs,
Sur l'immonde fumier la charogne puante.
Ainsi, jeune qui crois aux noblesses humaines,
La vie est le vautour des sierras mexicaines.
Ne va pas lui céder ta raison, tes fiertés.
Elle ne veut que tes instincts les plus infâmes
Et ne nourrit sa faim sur le fumier des âmes
Que d'erreurs, d'élans morts et d'espoirs avortés.
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