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4.15/5 (sur 53 notes)

Nationalité : France
Né(e) le : 28/05/1957
Biographie :

Jean Christophe Gapdy est nouvelliste et romancier.

Issu d'une formation de biologiste, il a basculé dans une maîtrise d'informatique à Lyon I dans les années 1980.

Écrivant depuis toujours (ou presque), c'est l'occasion d'un concours hommage à Philip K. Dick qui permit de franchir le pas vers la publication.

Ce qui a donné "Aliens, Vaisseau et Cie" (2015) avant de songer à créer un Univers d'anticipation complet celui de SysSol, avec ses androïdes et IA surpuissantes, ses étonnants bioandroïdes et surtout l'organisation de la Spatiale.

Initialement nouvelliste, il a franchi le cap des romans avec "Les Gueules des Vers", space-opera qui se joue du temps et de l'espace, un premier roman de l'Univers de SysSol, paru en 2018 chez Rivière Blanche, suivi en coécriture des "Mondes de Quirinus", puis en 2019, sort chez Pulp Factory, un polar-spatial "La reine du Diable Rouge", premier roman du héros Gerulf, toujours dans l'Univers de SysSol.

son site : https://jc.gapdy.fr/

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Bibliographie de Jean Christophe Gapdy   (26)Voir plus

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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Depuis la frontière du connu, science et SF contemplent de concert l’abime de l’inconnu et les cimes du possible. Mais si le scientifique en conçoit hypothèses et théories, un auteur de SF les recompose en histoire. Et certaines de ces histoires – pour moi les plus passionnantes – nous offrent un merveilleux vertige, celui de vivre une situation extraordinaire, impensable, aberrante mais… plausible. Quiconque l’a ressenti un jour est pour la vie prisonnier des univers SF, en quête de cette émotion unique.
Franck Selsis, préfacier
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La réalité n’a d’existence que dans l’instant où nous la percevons. Dans le passé, ce n’est qu’une question de croyance ou d’étude, d’analyse, de déductions plus ou moins justes, plus ou moins fausses. Dans le futur, c’est une question de croyance, ou d’empathie, voire de charlatanisme savamment géré.
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Le vol et l’alunissage furent agréables. La douane lunaire beaucoup moins. On me scanna à travers les portiques d’un couloir sécurisé, me contrôla et chicana de ne rien trouver sur moi. Les robots finirent par me laisser passer avec, sans doute, une pointe de regret dans leurs algorithmes. Par bonheur, trop réduite pour appeler des humains qui, eux, m’auraient bloqué pour le plaisir.
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Coincée entre les deux collines, la rue formait un V. De chaque côté, les pentes étaient importantes et les rares immeubles encore debout devaient dater du XIXe siècle. Dispensant une lueur blafarde, les lampadaires paraissaient être des becs de gaz. Dans ce coin de Paris, le temps était resté suspendu, alors qu'appuyé dans l’encoignure d’une entrée, je voyais la mégapole briller par-delà les bâtiments, comme si l’ancien Paris, celui qui avait connu la Révolution, la Commune et tant d’autres événements, avait été remplacé par New York, avec ses tours, ses gratte-ciels et ses myriades de lumières venus s’installer ici.
Selon ma lentille numérique, j’attendais depuis deux heures. Mais je n’étais pas pressé et je n’avais qu’une seule entrée à surveiller. Fermée et mal éclairée, avec, devant elle, un jetcar de couleur sombre qui patientait lui aussi. Ses sustentateurs1 le maintenaient immobile au-dessus du sol crasseux.
Avec un brin d’humour, du moins si j’en avais eu, je me serais presque senti l’âme d’un détective privé, un de ces personnages de roman noir comme on en écrivait autrefois. Patience, surveillance, filature. Gabardine et feutre sur la tête, un sourire à la Humphrey Bogart ou à la Warren Beatty. Sans doute une cigarette au coin des lèvres.
Mais, là-bas, la porte qui glissait face au véhicule m’arracha à mes réflexions. Sur ma lentille, l’heure clignota alors qu’un trait de lumière frappait le trottoir. Deux hommes sortirent et bondirent dans le véhicule. Un frémissement de l’air quand le moteur cracha à pleine puissance, puis l’engin fila. Sur mon phonecuff, le signal s’alluma. Mes traceurs collés sous sa caisse arrière s’étaient activés ; si j’en avais besoin, je pourrais retrouver le véhicule dans un rayon de cinq ou six cents kilomètres, grâce aux équipements de communication atmosphérique dont la mégapole et sa région étaient équipées.
J’ai attendu de nouveau. Dix minutes. La lumière est revenue ; une silhouette s’est avancée. Une femme, cette fois. J’ai zoomé sur elle. Inconnue.
Un second jetcar jailli d’une ruelle vint se planter devant elle. J’avais commis une erreur. Grossière en ne scannant pas les rues à la recherche d’autres véhicules. L’équipe était donc plus importante que je ne l’avais calculé. Un peu tard pour réagir. Mes traceurs n’auraient pas le temps de rejoindre les lieux et de se plaquer sur l’appareil ; je compensais ma bévue par une vidéo lorsque la femme monta à bord. Déjà, l’engin s’élevait et filait dans les airs. J’ai patienté une fois de plus, toujours par précaution. Puis je suis descendu. Lentement. Sans me cacher. Ce qui n’aurait servi à rien. Il aurait fallu raser les murs, bondir d’ombre en ombre, bref attirer immanquablement l’attention de quelqu’un resté là pour surveiller les lieux. Il me suffisait d’avancer dans la pénombre, sans mouvements brusques, tout en vérifiant les signaux de mes drones. Pour l’instant immobiles mais attentifs, plaqués contre les murs alentour, telles de grosses araignées.
À quoi devais-je m’attendre ? Je manque un peu d’imagination et de fantaisie. « Trop pragmatique, me disait Thomas. Trop sérieux, trop doué avec les réseaux et les micromachines quantiques », avant d’ajouter que je ressemblais à un pitbull, incapable de lâcher prise.
– T’es vraiment trop têtu. À croire que t’es borné, m’avait-il lancé un jour. En plus, t’as vraiment aucun humour.
Avec mille précautions, j’ai franchi l’entrée. La bâtisse était abandonnée depuis longtemps. Les portes des appartements étaient ouvertes, brisées pour la plupart. J’ai lancé quelques cafards qui ont fouillé les lieux, sans rien trouver, pendant que je montais dans les étages.
Mais tout était désert. Même les combles.
Depuis ma lentille numérique, j’ai vérifié les plans du vieil immeuble. La cave ! Porte bancale, mais j’ai pu la pousser et descendre quelques marches. Je découvrais des traces de pas, nettes et précises, au contraire de celles du couloir qui étaient marquées de trainées et trop nombreuses pour m’être utiles. Par précaution, j’ai basculé ma lentille en amplificateur de lumière puis en infrarouge. L’escalier tournait sur lui-même. Une porte me barra le passage au second tournant. Solide, en carbonate-métal. Verrou commandé par deux scanners et une caméra. Soigneusement cachés pour qui ne savait les trouver. J’ai dépêché un nouveau lot de cafards, un peu plus sophistiqués, et j’ai attendu. Il leur fallut presque cinq minutes pour désactiver les protections et me permettre de parcourir, en toute tranquillité, un couloir bétonné de neuf.
Les deux loubards étaient sans doute venus pour un dernier tour de piste, car la plupart des salles étaient vides, débarrassées de ce qui aurait permis de remonter jusqu’à eux ou à leurs chefs. En toute logique, je n’aurais rien dû trouver. Pourtant, dans une pièce tout au bout d’un couloir, j’ai découvert de quoi être intrigué : un lit de bois vissé au mur, des draps froissés, une couverture, un plateau de nourriture avec quelques déchets, une cuvette de toilette. Une analyse densométrique n’a rien révélé ; la piste était froide. Dans les draps, les cellules épithéliales étaient mortes depuis une semaine. Il avait bien été retenu ici, mais déplacé depuis. Je m’approchais un peu. Pas assez encore.
Un de mes cafards m’a apporté une série de nanocartes. De celles que j’avais obligé Thomas à recevoir. Il avait détesté se voir injecter ces nano-organismes, parce que ces saletés de bestioles, comme il les nommait, pouvaient lui faire n’importe quoi. Il savait qu’il ne risquait rien, mais était resté perturbé plusieurs jours après que les premières aient commencé à se balader en lui. Aussi grosses que des bactéries pour certaines, elles s’accrochaient à son système nerveux sans le gêner ni être perceptibles. Se rassemblant surtout vers les doigts, les nerfs oculaires, la langue et les oreilles.
– Tu vas me contrôler à distance ? Je vais être ton robot ?
– Thomas, ne dis pas de bêtises. C’est toi qui les contrôles. Elles sont liées à ton esprit et à ton corps. Elles n’émettent rien, ne peuvent rien recevoir, hormis les influx nerveux que tu leur injecteras. Ce sont tes mémoires de secours, comme des scrap-memorys, mais qui peuvent être autonomes.
– Ouais ! C’est ça. Elles m’espionnent quoi…
Pourtant, dès qu’il a su les manipuler et s’en amuser, il les a acceptées sans regret. Il est dommage qu’il ait dû s’en servir. Car cela signifiait que j’avais eu raison de croire aux risques d’un kidnapping. Proie de choix à cause de son père qui possède l’une des plus grosses fortunes du système solaire. Propriétaire des plus grands laboratoires de communications spatiales et interplanétaires. Ainsi que de toutes les usines qui assemblent ces produits, depuis les satellites jusqu’aux principaux composants des phonecuffs individuels.
Pour ce qui me concerne, je n’étais, officiellement, que son éducateur et accompagnateur et non son garde du corps. Ces derniers étaient assez nombreux sur la propriété. Hommes, femmes et androïdes armés pour l’escorter et le protéger dans ses moindres déplacements. Des dispositifs dignes d’une des plus grandes stars planétaires. Mais, de mon point de vue, tous marqués de défauts et de lacunes
– Quel oiseau de mauvais augure tu es, Gerulf. Toujours à imaginer le pire, m’assenait parfois son père, monsieur Hervé de Lansy. Thomas ne risque rien.
Il n’empêche… la CESA, la Corp Earth Security Agency, la police terrestre qui a succédé au vieil Interpol, est sur les dents. Depuis deux semaines. Depuis que Thomas a disparu. Ce qui, bien sûr, s’est produit le jour où je n’étais pas disponible. Lors de mes rares absences, monsieur de Lansy, qui me reconnait quand même quelque importance, préfère renforcer sa protection. Ce qui ne sert à rien, car le garçon n’accorde aucune confiance à ces barbouzes qui, de toute façon, ne le connaissent que de manière superficielle. S’ils avaient été moins bornés et plus aux aguets, ils n’auraient pas laissé le gamin accéder au parc de loisirs. Surtout, ils n’auraient pas cédé à son caprice de dernière minute. Caprice qui ne visait qu’à leur damer le pion, les mettre sur les dents et allait à l’encontre de tout ce que je lui ai appris à respecter.
Si j'avais été à ses côtés, il n’aurait rien demandé. Il n’y aurait même pas songé…
Quelle importance maintenant ? Rien ne serait arrivé avec moi. C’est tout. Il est trop tard pour revenir sur le passé.
Délicatement, j’ai saisi le cafard et l’ai déposé sur mon phonecuff. Il a laissé choir de minuscules particules, que j’ai eu bien du mal à positionner sur le capteur. L’hologramme s’est élevé et a présenté des flashs de scènes que l’œil de Thomas avait enregistrées. Rien de très passionnant hormis les visages. Deux hommes d’abord. Ceux qui avaient franchi la porte de l’immeuble tout à l’heure. Puis j’ai vu celui de la femme. Type eurasien, belle, vêtue de noir de la tête au pied, dans une longue robe asiatique moulante. Des gants noirs montant au-delà des coudes. Des bottes fines. Un mince fume-cigarette en ivoire et ébène, à la main. La femme que j’avais vue sortir du bâtiment. Le suivant était masculin. Un cyborg avec une démarche trop fluide, un visage trop lisse, des membres de métal aux plaques lustrées et brillantes faits pour le combat. Un type qui avait dû être sous-officier dans une quelconque armée terrestre, à moins que ce ne soit à la Spatiale. Le reste ne m’apprit rien. D’un signal de mon phonecuff, j’ai rappelé mes cafards ; aucun ne m’apporta quoi que ce soit d’utile.
– Dommage, aurait dit Thomas. C’aurait été chouette d’en savoir plus.
Je suis reparti, cherchant et fouinant dans Paris puis au-delà, sans rien trouver d’intéressant. Hormis le jetcar, abandonné sur un parking du spatioport lunaire. Ce n’est qu’en soirée que j’ai rejoint le domaine des Lansy. Un ancien château avec un parc immense, des écuries, des dépendances, des bois, une rivière. Tout ça sur presque douze hectares ; un lieu comme je les appréciais, digne de l’époque des
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les humains cultivaient toujours leur inhumanité
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Si vous êtes déjà sorti dans le vide où tout est si lointain et intouchable, si vous avez déambulé autour de votre vaisseau, soigneusement protégé par votre scaphandre, vous savez ce que l’on peut ressentir. Un mélange d’émerveillement et de peur. Mais imaginez maintenant que vous vous trouviez dans ce vide sans aucune protection, sans lien perceptible avec votre navire, alors que, sous vos pieds, l’holographique vous montre l’espace. Et plus encore, imaginez que vous fonciez à une allure démentielle vers un trou sombre, duquel jaillissent des flagelles d’éclairs gigantesques, que votre cerveau et votre imagination vous représentent comme des tentacules cherchant à vous happer et à vous attirer vers eux. Il n’y a rien de la beauté des étoiles, des amas stellaires et galaxies. Juste le néant, celui d’un monstre indescriptible auprès duquel Rhan-Tegoth ou les Shoggoths feraient pâle figure.
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– Ta vérité n’est jamais celle des autres. Ta vérité n’est qu’une infime partie de toute la vérité. Et, souvent, ta vérité sera fausse, ne sera qu’un leurre, qu’une apparence de la vérité. La vérité n’existe pas. Pas plus que le mensonge. L’un comme l’autre ne sont que des facettes déformées de la réalité. Des choses que le prisme de nos pensées, de nos cultures, de nos éducations ou de nos absences d’éducation, transforme à l’infini pour nous faire croire à la justesse de ce que nous pensons ou croyons savoir. Ce qui importe de la vérité ou du mensonge est ce qu’ils nous font faire, ce qu’ils nous font croire et nous amènent à devenir.
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LA PREFACE d'Arnauld Pontier

Vineta… Curieux nom, curieux titre. Je n’ai pu m’empêcher de chercher à en savoir plus.

Une ville de Madagascar, une autre, en Namibie, portent ce nom. Vineta a également été l’une des plus grandes cités européennes aux XIe et XIIe siècles, située aux confins de la Baltique. Son « envoûtant appel » et ses brumes sont évoquées dans deux œuvres réputées de la littérature symboliste scandinave : "Les Liens invisibles" (1895) et "Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède" (1906/1907) . Atlantide nordique, sa richesse, selon sa légende, d’origine poméranienne, était si grande que : « ses cloches étaient en argent et les mères y frottaient le derrière de leurs enfants avec des brioches » !

Vineta apparaît également, de façon plus anecdotique, dans le titre d’un court-métrage letton, signé Robert Kulenko (2017), "Laura et Vineta" : un film dans lequel un éleveur de patates est expulsé manu militari de sa ferme par des men in black, parce qu’un OVNI vient d’atterrir dans son champ… et de foutre en l’air sa récolte. Un divertissement à ne manquer sous aucun prétexte ! Dans lequel il est question d’une opération « Wormhole », en français « trou de ver ». Tiens, tiens… Où donc l’inspiration de JCG va-t-elle se nicher ?

Dans "Lost In Space" , peut-être, car Vineta, ville-conglomérat de vaisseaux spatiaux capturés par la Gueule de vers de Mirus est bel et bien égarée. Mais plus sûrement dans "D.A.R.Y.L.". JCG consacre d’ailleurs une page de son site internet à ses bioandroïdes et aux incohérences de ce long-métrage qui a si mal vieilli. Je ne vais donc pas m’y arrêter. L’auteur explique mieux que quiconque cette inspiration-là.
Il ne nous cache guère non plus ses autres sources : l’indépendance curieuse, la combativité des héroïnes de Vineta et des autres volumes de la saga syssolienne, comme Yessica, Ananké, Anaïs… rappellent d’autres protagonistes de papier, comme Yoko Tsuno, de Roger Leloup ou encore Jirel de Joiry, de Catherine L. Moore. On pourrait y ajouter des égéries du grand écran et du jeu vidéo : Tali Zorah ("Mass Effect"), Samus Aran ("Metroid"), Sarah Kerrigan ("StarCraft"), Trinity ("Matrix"), Jaylah ("Star Trek"), Selene ("Underworld")… Des héroïnes bien éloignées des clichés pulp dans lesquels le genre les a un temps cantonnées.

"2001, l’odyssée de l’espace", de Stanley Kubrick, il l’avoue bien volontiers, lui a par ailleurs inspiré ses IA : Colorado, qui deviendra C7, et sa cohorte de sous-IA empathes. Des clones bienveillants de HAL. Les multiples duplications de Dick, de Jens, de Yessica…, elles, ne sont pas sans rappeler le personnage d’Henri Vernes, l’Ombre Jaune, du « Cycle du temps », ennemi juré de Bob Morane, qui possède ce don de duplication…

Les S’zrefx, sans révéler leur nature, me font, eux, penser aux Meyres… des entités que j’ai mis en scène dans l’un de mes propres ouvrages. Des entités présentes depuis la naissance de l’univers. Des créatures qui ne sont pas de simples living ships, bio ships ou autres Jabitha , comme on peut en trouver dans le jeu vidéo "No Man’s Sky", dans l’œuvre de Kameron Hurley ou dans celle de bien d’autres auteurs de SF, mais de véritables êtres vivants, pensants. Me voilà donc soudain en terrain frère, dans une illustration de l’univers qui rejoint ma propre vision. Un univers-cerveau, fait de milliards de galaxies, arrangées en filaments et en nœuds, comme autant de synapses. « La distribution des fluctuations au sein d’un réseau neuronal suit la même progression que la distribution de la matière dans la toile cosmique », fait remarquer l’astrophysicien Franco Vazza. Est-ce donc par narcissisme que l’œuvre de JCG me parle, me plaît ? Allez savoir…

Mais ne comptez pas sur moi pour vous en dire plus, pour vous résumer le cycle syssolien, qui comprend déjà quatre ouvrages et devrait, à l’avenir, en compter six de plus ! Je vous laisse faire la connaissance de Dick Hanson, ado martien ; d’Audrey, sa garde du corps ; de son navire sans équipage, le Piet Hein et son IA pilote, Colorado ; de Michaël Es-Den, le scientifique ; de Yessica, l’espionne de la spatiale et amante ; de Damienzo, le jeune prodige… Leur quête les conduit de monde en monde, de SysSol en SysSol… Je vous laisse ainsi découvrir d’autres terreaux à cette imagination débridée et pourtant si maîtrisée qui est celle de l’auteur.

« A la base, il n’existe aucune forme. L’homme produit ses gestalts et se crée des images à partir du néant », écrivait Robert Sheckley dans une formidable nouvelle : "La Mission du Quedak". Je me demande si, par un renversement du temps, il n'écrivit pas cela à JCG. Car JCG fait sien ces mots, à chaque page ; il nous captive, non pas seulement parce qu’il sait écrire et raconter, mais parce que ses histoires nous projettent dans une réalité connexe, au gré d’événements imprévisibles, engendré par ces Gueules de vers qui disloquent le temps, le distordent, empilent personnage sur personnage, en une sorte de maelstrom temporel : d’abord Dick, le premier d’entre eux, puis Rick et de ses autres doubles, avatars, « idios » (Jens, Anaïs, Yessica...). Des êtres à part, mais qui appartiennent encore à leur modèle, au golem initial qui leur a donné forme et vie. Un invisible cordon ombilical les relie, une réelle syngéneia. Nous sommes tous issus de quelque chose, de quelque part, de quelqu’un ; ce sont nos racines qui nous créent. Ensuite, c’est à nous de jouer, de nous détacher de ce berceau, de prendre notre indépendance. Ici, dans l’univers de JCG, c’est le temps qui crée et lui seul. Jusqu’à Castalie… un nouveau personnage qui apparaît à la fin de Vineta, comme un nouvel espoir.

Robert Sheckley écrivait encore : « L’espace d’un instant, l’univers ordonné est démantelé et le tissu de notre confiance en nous se déchire ». JCG applique à profusion ce concept : il déstructure au fil des pages ce qu’il a patiemment bâti, réussi à vous faire finalement gober dès ses premières lignes. Et c’est le tissu de vos certitudes qui se déchire : lequel des Dick, des Xhosa, des Essanna… est l’original ? Et cela a-t-il vraiment de l’importance ? Le jeune Jens retrouvé dans Vineta est-il celui qui expira/expirera dans les bras de Dick, au début/à la fin du cycle ; ou n’a-t-il jamais vécu/ne vivra-t-il jamais cet épisode ? Ainsi, l’univers syssolien bâti par JCG avec une rigueur de moine cistercien ouvre des failles de questionnements, des bifurcations, des potentialités. Le propos allie d’ailleurs explications scientifiques et intrigue, afin de vous offrir des histoires rigoureusement agencées, des rebondissements crédibles, mais dans un environnement qui produit d’incessants surgeons et autres télescopages : les flux et les reflux des Gueules.

Dans Vineta, des vaisseaux sont piégés dans la nasse, Changuu, ils s’y trouvent dupliqués, agglomérés (condition sine qua non de la survie de leur équipage), mais sans que l’ordre de leur arrivée et/ou de leur duplication constitue une quelconque priorité : la flèche du temps place parfois en premier une copie, voire la copie de cette copie. Avant l’original. Comme si l’effet précédait la cause. Effet gigogne inversé. Et toutes ces vies de spaciens, de scientifiques, de techniciens, d’hommes et de femmes, se croisent, entre passé et futur sans laisser au présent la moindre chance d’être le référent. Sauf pour quelques instants de répit, le temps pour l’auteur d’installer de nouveaux épisodes, de les imbriquer dans la trame de sa saga. Le monde de JCG se situe ainsi – presque – dans un instant non déterminé, au-delà de nos certitudes. Il pose la question, prométhéenne, de ce que l’humanité peut s’octroyer et du prix qu’il faudra payer ; il interroge la nature même de l’avenir, âge d’or qui pourrait tout aussi bien nous (re)conduire au chaos.

La Terre, pendant ce temps, vieillit à son rythme, déconnectée des aventures de nos héros. Et quelle importance ? Au fil des pages, son sort ne nous intéresse plus. On n’y songe plus. Seul ce qui arrive à nos « perdus dans l’espace » vaut la peine d’être suivi. Vineta et au-delà, le cycle syssolien, est un huis clos, une nouvelle Scythie, située « juste derrière le monde connu », sans autre frontière que le temps et donc l’espace. Sans d’autre intrigue, finalement, que la mémoire désordonnée, morcelée, dupliquée de ceux qui s’y confrontent. Pour notre plus grand bonheur.

Le cycle syssolien n’est pas achevé, je l’ai dit, mais une vaste trame existe déjà, un organigramme logique, précis, une sorte de carte de Tendre, que ce grand horloger d’auteur déroule d’une main de maitre, afin de nous indiquer le chemin de l’immortalité. Une immortalité que nos descendants pourraient bien connaître un jour et qui passera par la maîtrise des Gueules.

Et ce n’est pas pour rien que Vineta débute à Vienne : JCG aime nous faire valser…

Arnauld Pontier
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Iel parle de choses impossibles, mais si merveilleuses qu’iel a réussi à me les faire croire et espérer.
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Une IA ne se mesure pas à l’aune de sa conception, mais bien de son évolution. Pas plus qu’on ne peut connaître un humain en n’étudiant que sa petite enfance. Il serait sans doute intéressant qu’un jour quelqu’un se penche sur l’évolution psychoquantique des IA.
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