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Citation de Charybde2


Il y a aussi du vrai dans cette image d’Épinal 2.0. Courageux, très efficaces, à la pointe, les hommes des forces spéciales le sont. Mais ils sont beaucoup plus. Rares en réalité sont les populations correspondant si peu à la représentation que l’on s’en fait. Et c’est même sans doute ce qui surprend le plus lorsqu’on les rencontre pour la première fois. En la matière, les forces spéciales rejoignent les clandestins de la DGSE dont l’espérance de vie serait bien rabotée s’ils ressemblaient vraiment à James Bond ou Jason Bourne. Parce que la résistance et l’endurance sont essentielles à leurs missions, les forces spéciales sont certes d’allure sportive, mais ils ne sont pas tels ces boxeurs dont on se demande si un geste malencontreux ne va pas vous casser le bras. Ils n’avalent pas dix blancs d’œuf au déjeuner et ne tapissent pas non plus leurs bureaux de posters sur les armes ou la survie. Le décalage avec les clichés est encore plus évident dans leur discours. Je précise que mon postulat initial fut de ne pas profiter des portes qui m’étaient ouvertes pour essayer d’arracher à l’improviste quelque information secrète. Tout d’abord parce que la confidentialité a un but, la protection de la vie des opérateurs et le succès de leurs actions. Mais aussi, et surtout, parce que le « scoop », le vrai, l’utile, le difficile d’accès, est ailleurs. Quiconque en effet parvient à fréquenter ces milieux peut toujours espérer, au détour d’une discussion habile, grappiller un détail sensible sur la portée d’une arme, les limites d’un système de transmissions ou les conditions de l’élimination d’un chef djihadiste. Or le trésor des forces spéciales n’est pas là. Le plus captivant chez eux, ce fameux « scoop », ce n’est pas le raffinement de leur armement, mais la pondération avec laquelle ils l’utilisent. Ce n’est pas qui ou comment ils tuent, mais tout ce qu’ils mettent en œuvre pour ne pas avoir à le faire, et ce que cela implique chez eux de devoir s’y résoudre finalement. Au fond, ce n’est pas ce qu’ils font, mais qui ils sont.
La gageure était donc de faire parler les hommes des forces spéciales sur les contingences de leur métier, sur les joies et les peines qu’ils en retirent, en fait sur leur intimité. Comme ce fut le cas avec les clandestins de la DGSE, j’ai en effet le privilège de connaître de longue date ces guerriers « sans nom » – puisqu’ils emploient eux aussi des pseudonymes. Mais il est une chose de questionner un ami, ou une personne que l’on estime, sur le déroulement d’opérations à peines terminées, et il en est une autre de lui demander de mettre des mots sur ce qui constitue les fondements de sa vie : pourquoi l’armée ? Pourquoi les forces spéciales ? Quid de la confrontation avec la mort, la peur, avec les succès et les échecs d’un parcours si dense ? Quelles conséquences sur la vie privée ?
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