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Citation de missmolko1


Bilbao
Une semaine de marche n'est encore qu'une promenade. Longue, pénible, inhabituelle, certes, mais huit jours correspondent à une séquence de vacances. Au-delà, on entre dans un espace tout à fait nouveau. L'enchaînement des jours, la constance de l'effort, l'accumulation de la fatigue font du chemin une expérience incomparable. A Bilbao, au moment de franchir cette limite des huits jours, je me sentis pris d'un vertige. La tentation de tout arrêter était forte. Après tout, j'en avais assez vu : il me semblait avoir compris ce qu'etait le pèlerinage. Le prolonger ne me servirait de rien, sinon à accumuler des jours et des jours identiques. La pensée tentatrice me venait de tout ce que je pourrais faire d'autre, pour occuper ce temps libre. Mes pieds n'etaient pas encore cicatrisés : Ils pouvaient servir de prétexte à un retour anticipé; J'avais toujours la possibilité de revenir une autre année pour effectuer, mieux préparé, les troncons ultérieurs du Chemin et boucler ainsi par morceaux, en trois ou quatre ans, le parcours en entier.
Je pris une chambre minuscule dans une petite pension au coeur de Bilbao, histoire de disposer d'une douche et d'un lit. Dans la ruelle, au-dessous, la foule du dimanche riait et criait jusqu'à ce qu'une averse chasse tout le monde. Je somnolais en caressant la penséé consolatrice de mon retour. Dès le lendemain, j'irais me renseigner sur les trains pour la France. Je me voyais déjà confortablement installé dans un wagon qui filait vers la frontière. Je m'assoupis.
Mais le Chemin est plus fort que ces démons tentateurs. Il est habile, il est retors : il les laisse s'exprimer, se dévoiler, croire à leur triomphe et puis, d'un coup, il éveille le dormeur qui se dresse en sueurs dans son lit. Telle la statue du Commandeur, le Chemin est là, qui pointe sur vous un doigt accusateur. "Comment? Tu vas te dérober, connaître la honte du retour prématuré! La vérité est que tu es un lâche. Tu as peur. Et sais-tu de quoi? De toi-même. Tu es ton pire ennemi, celui qui fait obstacle à l'effort, depuis toujours. Tu n'as pas confiance en toi. Et mpi, Saint-Jacques, je te donne une occasion unique de te délivrer de ces entraves, de t'affronter toi-même et de te vaincre."
Alors, on va jusqu'à la salle de bains, on asperge son visage d'eau fraîche et, une fois de plus, on se soumet à la volonté du Chemin.
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