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Citation de VALENTYNE


Le 25 octobre 1784, le vaisseau l’Intrépide, monté de vingt canons et de douze porte-mousquetons, quitta le port de Baltimore.
Auguste Benjowski était à bord, avec Aphanasie et leur fils. Le navire avait été affrété par une compagnie commerciale américaine. L’intervention de [Benjamin] Franklin avait été déterminante pour obtenir son soutien. Il avait su persuader ces marchands que l’Indépendance allait les priver de leurs privilèges de colonie et désorganiser leurs échanges avec l’ancienne métropole ; ils devaient donc trouver de nouveaux partenaires.
La mission dévolue à l’Intrépide était de créer un établissement sur la côte est de Madagascar et de mettre en place un circuit d’échanges avec l’Amérique.
Auguste, à son grand regret, n’avait pas réussi à recruter en Amérique les charpentiers, maçons, forgerons, vignerons, sur lesquels il comptait pour enrichir Madagascar et la développer. Il avait du se contenter de personnes sans aveu, auxquelles il avait de surcroît fait miroiter l’acquisition de grands domaines et une prospérité qu’ils seraient sûrement déçus de ne pas trouver. Il aurait toujours le temps de voir sur place ce qu’il en ferait.
Il avait par ailleurs assemblé une poignée de compagnons très sincères et plein d’idéal. Certains avaient fui du Kamtchatka avec lui. D’autres étaient des Polonais qui avaient combattu pour l’Indépendance américaine. Tous partageaient son idéal de créer, à l’image des États-Unis, une colonie libre en Afrique.
Ils allaient quitter le climat changeant et souvent rude de la Nouvelle-Angleterre pour la terre ensoleillée et douce de Madagascar.
L’ambiance à bord de l’Intrépide était à la nonchalance. Chacun savait que le voyage serait long. Le mouvement lent du navire, sous les immenses toiles gonflées de vent, berçait les esprits et faisait rêver certains ce qu’ils allaient découvrir, d’autres à ce qu’ils allaient perdre.
Même les marins étaient saisis par le vague à l’âme. Sitôt entrés dans la Caraïbe, la brise douce, l’air tiède, le soleil cuisant amollirent les cœurs et laissèrent chacun dériver au gré de ses fantasmagories intérieures.
Est-ce ce relâchement qui fit commettre au capitaine une erreur d’estime ? Nul ne le sait mais le fait est que le navire, parti pour traverser l’Atlantique, se retrouva au Brésil où il échoua sur l’île de Juan Gonsalvez, près de l’embouchure de la rivière Armagosa. Cette escale forcée à l’équateur dura plusieurs mois.
Le temps passait lentement. Les seules promenades que les naufragés pouvaient faire les menaient le long des mêmes interminables plages sur le sable desquelles la mer jetait des fibres et des cailloux polis. Le petit Charles était en âge d’apprendre et Auguste lui faisait la leçon à bord du bateau. La sueur de l’élève avec celle du maître coulaient sur les pages imprimées et troublaient la prose de Descartes comme celle de Rousseau. En fin d’après-midi et avant que la nuit équinoxiale ne tombe d’un coup, le père et le fils s’affrontaient sur la plage à l’aide de bambous qu’ils maniaient comme des épées. On avait débarqué les chevaux que le navire transportait dans ses soutes. Charles appris à monter et il y prit un si vif plaisir qu’il disparaissait des journées entières sur sa jument alezane.
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