La langue d'une véritable politique démocratique, qui autorise la participation de tous les citoyens et toutes les citoyennes ne peut être unique, il lui faut être un idiome pluriel (une pluralité de langues, variable selon les situations), ce qui écarte la facilité instrumentale de l'usage unique de l'anglais international, autrement que comme code de communication fonctionnelle [...] les voix dissonantes sur cette question sont celles qui émanent de non spécialistes des langues, au premier plan desquels on trouve certains économistes.
Relancer l'Europe sociale, aller dans le sens de ce qui apparaît aujourd'hui comme l'utopie d'une communauté "post-nationale", exige de s'occuper d'abord du partage des cultures et des langues. Les obstacles pour y parvenir sont immenses. Les résultats seront lents à acquérir, mais pas plus décevants que ceux de la construction de l'Europe sociale des cinquante dernières années. Il n'y a pas d'autre moyen pour renverser cette tendance.
La situation contemporaine, tant sur le plan des sciences sociales que sur celui de l'action politique, nationale et internationale, peut-être décrite comme celle d'un triomphe de l'économie [...] La tonalité générale des comparaisons entre pays est donc orientée par la question implicite ou explicite : lequel est le plus performant, du point de vue de l'économie.
Comprendre les cultures politiques diverses, c'est en passer par l'interprétation de leurs idiomes [...] sinon, on est condamné à l'utilisation de ce simili-anglais, cette "croûte superficielle" acquise par des gens totalement étrangers à la trame historique aux facettes multiples de la morale intériorisée et de la culture enfouies dans la langue.
Dans l'ensemble de la culture occidentale, l'universalisme est valorisé de façon privilégiée. Si l'on en croit F. Jullien, trois sources le portent dans notre aire culturelle : le concept (avec Kant), la citoyenneté (avec Rome) et le salut (avec le christianisme).
Une éthique de recherche est indispensable pour comprendre la variété des politiques sociales en Europe. Cette diversité n'est, en effet, pas une affaire de "mécanismes" fonctionnels à découvrir pour pouvoir éventuellement s'en servir de façon instrumentale.
L'état embryonnaire de l'Europe sociale telle qu'elle existe est explicable parce que le social appartient en propre à chaque communauté politique nationale pou des raisons pragmatiques, rationnelles mais aussi culturelles, d'identification des personnes.
Un débat politique commun, international, ne peut pas avoir lieu sans la levée d'un immense nombre de préalables qui ont à peine commencé d'être examinés dans les débats au Parlement européen et dans les forums Bruxellois.
Les élites politiques, qui sont bien obligés, pragmatiquement, de travailler ensemble, parlent entre elles l'anglais international, cette langue de service, depuis longtemps éloignées de ses racines culturelles.
Les "univers de significations" sont nationaux même au temps de l'européanisation et de la globalisation [...] D'ailleurs, les idées globalisées sont réinterprétées localement pour créer de la différenciation.