Rencontre avec Jean-Claude DupontAvec une nouvelle saison consacrée à l'identité, ce cycle de conférences explore les différentes facettes de la notion ettente d'en éclairer les enjeux psychologiques, politiques etphilosophiques. Cette séance invite Jean-Claude Dupont, docteur en pharmacie et philosophe des sciences, à décrypter les rapports entre le cerveau, l'esprit et l'identité.Conférence enregistrée le 8 mars à la BnF I François-Mitterrand.
SAINT-GREGOIRE
Une fois, mes grands parents revenaient, en voiture à cheval, d’une soirée de danse. Ils avaient veillé un peu tard et mon grand-père faisait trotter son cheval pour rattrapper le temps perdu. Ils n’étaient pas trop rassurés car à cette époque-là, les curés défendaient la danse et il arrivait parfois des incidents au retour de ces soirées. Comme de fait, en passant devant une croix de chemin située non loin de leur maison, deux gros chiens noirs sautèrent dans leur «borleau». Ces animaux-là devaient être bien lourds à transporter car le cheval avait maintenant peine à tirer la voiture.
Ce fut un long hiver sans divertissement et dès que les glaces disparurent, elle prit l’habitude de passer tout le jour sur la pointe de l'Ile, pleurant et se racontant ses peines à voix basse. Un soir de mai, Louise ne rentra point chez elle. Pendant plusieurs jours, tous les habitants se mirent à sa recherche. Un matin, enjambant de hautes touffes d’herbes de mer, son père s’arrêta longuement à regarder une grosse pierre entourée de fleurs sauvages sous laquelle s’échappait un filet d’eau. Après avoir posé sa tête sur le grand caillou, il fit signe aux hommes de regagner leur logis. Louise, transformée en pierre, pleure depuis lors en toutes saisons son fiancé perdu en mer.
La plupart des ethnographes et des folkloristes qui ont fait des recherches au Canada français ont rattaché la sorcellerie à la légende, à des croyances traditionnelles qui font partie de la littérature orale. Au début de nos recherches sur le terrain, devant l’affirmation catégorique de la part de nos informateurs qui nous disaient avoir vu tel ou tel sorcier dans l’exercice de son travail, il apparaissait évident que la sorcellerie avait existé dans la Beauce.
Jusqu’aux années 1950, le jeune homme qui se rendait passer son premier hiver dans un chantier forestier franchissait une étape importante dans les rites de passage de la vie : il abandonnait le groupe des adolescents pour accéder à celui des adultes. Cette entrée dans la catégorie des hommes était aussi marquée par la rencontre des étrangers. Ces camps forestiers regroupaient des Canadiens anglais, des Américains, des Acadiens, des Gaspésiens, etc.; et il suffisait souvent d’un seul hiver passé parmi eux pour que le jeune homme parle ensuite, toute sa vie, de tel homme qui ne pouvait pas parler français, de tel homme fort de Caraquet, Nouveau-Brunswick, de tel sacreur qui s’était estropié, de tel conteur, etc.
ODANAK
Il y a de cela longtemps, un père, sa femme et leur petit garçon abandonnèrent leur village et partirent en canot pour se rendre au Canada. Sur leur route, pour franchir une série de rapides, ils durent portager leur canot sur leur dos. Sans qu’ils s’en rendent compte, le petit garçon s’éloigna d’eux et il se perdit en forêt. Les parents parvenus au village, tous les habitants se mirent de la partie pour le retrouver. On le chercha tout l’hiver mais il demeurait introuvable. Au printemps, ils découvrirent finalement des pistes d’ours autour de petites flèches de bois destinées à attraper des poissons; ils conclurent alors que l’enfant avait été adopté par des ours.
Des chasseurs de canards qui s’étaient attardés le soir dans les terrains bas ont vu passer, «à la fine épouvante», des chevaux montés par des lutins. Ces petits êtres, qui aimaient beaucoup les chevaux, entraient dans les étables la nuit et passaient de longues heures à lustrer le poil des bêtes et à leur donner des plats d’avoine chaude. Comme il était difficile pour eux de monter sur les chevaux, ils commençaient par tresser la queue de l’animal; ensuite, ils n’avaient plus qu’à se cramponner les orteils dans les mailles du tressage pour parvenir sur le dos du cheval.
SAINT PIERRE-DE SOREL
Il n’y a pas toujours eu une église à Saint-Pierre de Sorel; les gens se rendaient ailleurs pour faire baptiser les enfants, se marier ou se faire enterrer. Un jour cependant, ils décidèrent d’en bâtir une, mais ils se demandaient bien comment charroyer la pierre, car les chevaux étaient rares dans ce temps-là. Un matin, de bonne heure, le curé vit sur la grève un beau cheval flambant noir. Comme il lui avait passé la main sur la croupe et que le cheval n’avait pas bougé d’un poil, il l’amena au village.
LONGUE-POINTE (LAC SAINT-PIERRE)
Depuis des années, le bruit courait qu’il y avait un trésor caché à la Longue-Pointe, au bord du lac Saint-Pierre, mais que le diable en avait la garde. On prétendait que c’était un riche célibataire anglais qui l’avait enterré là en attendant que sa parenté vienne le récupérer. Un soir, trois grands amis qui avaient consommé un peu trop de vin décidèrent de s’y rendre avec une hart de coudrier qui, selon la tradition, se mettait à bouger lorsqu’elle était placée au-dessus d’un trésor.
Les légendes amérindiennes, par leur contenu mythique, tentent d’apporter des réponses à des phénomènes comme la création des êtres et des choses, ou de décrire des événements anciens à la source de réalités contemporaines. C'est ainsi que la formation des tribus et leur désignation, de même que les noms de famille, y trouvent leur explication. D’autres récits décrivent aussi les comportements qui doivent présider à la vie
harmonieuse au sein des humains et de la nature.
On ne peut manquer de faire des liens entre le contenu des légendes relevées et le genre de vie et les préoccupations économiques de ces différents milieux humains. Les travailleurs en forêt et les artisans du fer tout comme les premiers défricheurs, sont à la source de nombreux récits. De même, les légendes amérindiennes, attikamcques et abénaquiscs, sont très liées aux préoccupations matérielles et spirituelles des groupes où elles se sont transmises.