Je vais à la rencontre des gens qui me ressemblent, et le miroir que mes images leur tendent est le même que celui où moi-même je me regarde.
Les difficultés subsistent cependant, dues aux restrictions toujours d'actualité, au manque de matériel qui le contraint [contraint Willy Ronis] à utiliser des films militaires aéronautiques larges périmés, découpés et recollés dans des bandes de papier récupérées sur des bobines 6x9 déjà utilisées !
Du livre "Willy Ronis : Instants dérobés"
« Et puis les anges prennent parfois l’aimable aspect de nus féminins. Là, cher Willy, tu te découvres, en nous offrant tes images pudiques qui sont autant de câlineries visuelles. » (Robert Doisneau)
Lisez les encouragements généreux de Willy Ronis aux photographes naissants, aventureux, inexpérimentés et étourdis ! Je les cite ici en vrac :
« La photographie, c’est le regard. On l’a ou on ne l’a pas. Cela peut s’affiner, la vie aidant, mais cela se manifeste au départ avec l’appareil me meilleur marché.[…] L’aventure ne se mesure pas au nombre de kilomètres. Les grandes émotions ne naissent pas seulement devant le Parthénon, la baie de Rio où les chutes de Zambèze. […]
Dans le strict domaine de la chasse aux images sans idée définie, loin de la stimulation d’aucune commande, domaine funambulesque où le présent s’invente à chaque pas, où la motivation de naît que dans la pulsion naïve et primaire du chasseur, où donc se place le projet artistique ? […]
La belle image, c’est une géométrie modulée par le cœur. […]
Lorsque je sors avec mon appareil, je ne pars pas à la conquête du Graal. Je ne me sens investi d’aucun message à délivrer à quiconque, ni ne perçois le frémissement d’aucune transcendance. […] Je n’ai jamais poursuivi l’insolite, le jamais vu, l’extraordinaire, mais bien ce qu’il y a de plus typique dans notre vie de tous les jours. »
C'est un peu le but de cet ouvrage : mêler l'hier et l'aujourdhui, le monumental et le quotidien, les choses et les gens pour raconter par l'image, l'histoire d'une ville qui a eu la grande chance de voir naître la photographie.
Willy Ronis nous invite ici à feuilleter en sa compagnie notre propre album de famille à la recherche d'émotions passées. A la découverte egalement des autres que, par le biais de son objectif, nous avons l'impression de reconnaître. C'est que ces images , si sensibles et si intemporelles, témoignent tant de son attachement au côté social qu'elles en deviennent une parfaite illustration de la condition humaine.
Alors qu'Aragon avait jugé ces images populistes, Cendrars, lui, adhère immédiatement à ces photographies anti-académiques qui ne ressemblent pas à celles des autres.
Le monde qu'il entend montrer est finalement "un monde ... où les gens seraient aimables, où je trouverai la tendresse que je souhaite recevoir. Mes photos étaient comme une preuve que ce monde peut exister ... Au fond il n'y a rien de plus subjectif que l'objectif, nous ne montrons pas le monde tel qu'il existe vraiment".