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Critiques de Jean-Claude Leroy (4)
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Comédie du suicide

C’est sur une saisissante citation d’Antonin Artaud que s’ouvre le livre de Jean-Claude Leroy, recueil de trois textes en prose. "Ce pont qui me traverse", "Comédie du suicide" et "L’Enfer du décor" titillent à la fois la tentation de la mort volontaire, comme ont pu le faire, à leur façon, Nietzsche ou Malcolm de Chazal (également cité ici), cette attirance vers un «état d’apesanteur», et la quadrature d’aimer – l’amour étant présenté comme une hygiène risible qui ne fait guère rire. Sans pathos, sans complaisance, sans coquetteries, sans facilités, sans poncifs ni jérémiades, échappant magistralement à tous ces pièges, l’auteur, personnage(s), narrateur ou locuteur, se place à distance, en spectateur plutôt passif, voire accablé, de cette vie qu’il ne parvient à ressentir que comme une fiction ; et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne se donne pas le beau rôle (parenthèse pour rappeler, au passage, que c’est là le titre du troublant roman-récit de Louis Gardel, bien injustement méconnu, et peut-être le meilleur…).

Chroniquer (critiquer?), c’est bien ; citer, c’est parfois mieux, et sans doute plus juste, ou moins risqué, ici, pour ce livre dont le style souverain fait gagner l’alchimie permettant à toute littérature digne de ce nom de transmuer en or le plomb noir de ce que l’on appellera, pour dire vite, la mélancolie :

«… ma couardise se croyait changée en courage… j’ai toujours tort… je ne réalisai jamais rien de bon… je suis effectivement une épave… chien bâtard… elle souffrait de mon égoïsme et de ma grossièreté… de peur d’être reconnu en tant que monstre… au fond j’ai toujours été détesté… j’ai été un homme superficiel… j’avale chaque jour des cachets qui m’aident à ne pas crever d’angoisse… le désordre règne en moi… nous partagions des lectures, des amis, des perversités… éternel masculin étant surtout opportunisme et fatuité »

Un mot pour résumer ce livre ? "Honnêteté", à coup sûr : éthique, littéraire, intellectuelle. Est-ce si commun ?

Lsant le deuxième texte, de forme épistolaire, "Comédie du suicide", on l’imagine, avec une évidence non attendue, adapté au théâtre, porté, adressé publiquement par deux comédiens. Les metteurs en scène et autres culturo-théâtreux continuent-ils de dédaigner les prosateurs, romanciers et autres poètes n’appartenant point à leur dramatique sérail ? Non, certes pas tous, mais un petit effort supplémentaire de curiosité pour les livres nouveaux, même si non estampillés "théâtre", hé, hein, non?...





Critique partiellement parue dans "Encres de Loire" n° 58, page 19, hiver 2011-2012
Lien : http://www.paysdelaloire.fr/..
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La vie brûle

En 2011, Jean-Claude LEROY décide de partir s’isoler à Alexandrie en Égypte pour écrire dans le silence. Mais peu après son arrivée, les rues sont envahies de manifestants venus défier le régime du dictateur Hosni MOUBARAK à partir du 25 janvier. Le peuple crie son ras-le-bol envers le pouvoir dictatorial corrompu. C’est de sa fenêtre que Jean-Claude LEROY voit les premiers défilés.



Ce mouvement exceptionnel s’est créé sur deux bases principales : les élections législatives égyptiennes truquées de novembre et décembre 2010, ainsi que la révolte (la Révolution du Jasmin) déclenchée en Tunisie à partir du 17 décembre 2010 contre la dictature et la corruption du président BEN ALI. Objectif pour les égyptiens : faire dégager MOUBARAK.



En face des manifestants, l’armée égyptienne munie de boucliers d’osier d’un autre temps. Le mécontentement gagne rapidement la plupart des principales villes du pays. Le peuple, hier encore à genoux devant cette politique mortifère, se dresse. Enfin, pas tout le monde, de nombreux suicides surviennent, immédiatement condamnés par les autorités car interdits par la loi islamique.



« Si la pression de la rue se maintient les jours qui viennent, si Obama (nddlr alors président des États-Unis) veut bien dire son mot, peut-être que quelque chose d’historique va se passer. Même si Sadate avait pu déclarer en son temps : « Je suis le président musulman d’un État islamique », le gouvernement égyptien est avant tout, pour les grands de ce monde, un allié contre l’islam politique (à distinguer) tout autant qu’un élément essentiel de la paix avec Israël. C’est pourquoi la partie est assurément délicate ».



Le régime de MOUBARAK coupe les connexions à Internet, les villes égyptiennes se retrouvent coupées du monde, tout comme l’auteur de ce livre, qui sait par ailleurs s’effacer pour évoquer des rencontres, parfois furtives, toujours marquantes. Celles qu’il fait en pleine révolution avec les autochtones en colère, mais aussi d’autres du temps passé, remémoration de ses échanges avec Albert COSSERY.



Le contrôle des médias, la désinformation sont absolus. Les images que propose la télévision d’État sont celles des rassemblements pro-MOUBARAK pourtant largement minoritaires. Quant aux nations occidentales, même une fois informées de l’étendue de la grogne (Internet vient d’être rétabli), elles pratiquent la politique de l’autruche.



LEROY descend dans la rue et, au milieu de la foule, converse, consigne. Il veut connaître les revendications, celle d’un peuple pris à la gorge par un pouvoir absolutiste. Il entreprend la rédaction d’un carnet de bord, au jour le jour, afin de coller au plus près des événements. Il sait que les moments qu’il vit en direct sont inédits et vont marquer l’Histoire.



« Bientôt des tireurs sur les toits, qui font feu. Qui tuent les mécontents trop voyants. La police toutefois débordée, il semblerait que la peur ne prend plus. Elle ne prend plus ! Les gens le clament : on n’a plus peur. Et maintenant qu’il y a des morts, comme on a dit à Suez dès la première victime, ce n’est plus une émeute, c’est la révolution. Des centaines de commissariats en flammes. Des voitures de police calcinées. Des immeubles administratifs emblématiques du régime corrompu, en feu, ça brûle ! La police tire dans la foule, se défend comme elle sait trop bien le faire, en attaquant, mais elle doit quand même céder le terrain. Des jeunes tombent sous les balles, leurs camarades continuent d’avancer vers les armes et ceux qui les tiennent ».



Pressé par la foule, sa révolte et sa détermination, MOUBARAK démissionne. Enfin. Nous sommes le 11 février 2011. Les échauffourées ont duré trois semaines. L’espoir renaît, mais les coptes ont peur. C’est alors que Jean-Claude LEROY apprend le décès de son ami Patrice, écrasé par une auto alors qu’il pilotait une motocyclette. Habituellement dans un livre historique, c’est la Grande Histoire qui vient succéder à la petite, ici c’est exactement le contraire.



2011 année singulière, avec l’accident nucléaire de Fukushima au Japon. Et cette question : l’Égypte peut-elle devenir à moyen terme une puissance nucléaire ? L’exaspération de l’auteur se ressent dans ses réflexions sur le sujet : « Il y a au moins une chose qui n’existerait pas sans le génie des physiciens : le plutonium. Une saloperie extrêmement dangereuse et durable. Avec une demi-vie de vingt-quatre mille ans pour le plutonium 239, quand même ! La France en a fabriqué et en fabrique en grande quantité, ce qui, à l’évidence, l’avantage moins qu’elle ne la rend vulnérable, à la merci du moindre accident ou attentat. Surtout, il ne faut pas le dire : nos ennemis nous écoutent ! ». C’est aussi l’occasion pour l’auteur de revenir sur les magouilles politiques internationales du président français Nicolas SARKOZY.



En Égypte, après la chute de MOUBARAK, les ordinateurs portables apparaissent un peu partout, provoquant une « décommunication » en direct, un dialogue de face à face tronqué. Mais la révolution arabe s’étend à d’autres pays comme une traînée de poudre.



L’intime est une autre ramification du texte : évocation du pote Pierre, ses bizarreries, sa folie, au cœur d’une année 2011 riche en émotions. Mais déjà le procès de MOUBARAK se dessine… Ce petit joyau, entre roman historique et récit de vie, est à lire urgemment. Près de dix ans après les faits, LEROY réussit à faire revivre avec passion un épisode crucial du printemps arabe, il fait partager ses émotions dans un style parfois journalistique qui colle parfaitement à son sujet. Sorti en 2020 aux éditions Lunatique, ce livre est l’un de ces moments privilégiés qui nous racontent l’Histoire, en détails, sans fanatisme, mais sans dégagement non plus. Récit militant, combatif et chronologique, il dépeint une société malade dans un pays à l’agonie, son remède pourrait bien s’appeler le Peuple.



« L’Égypte est un serpent, tout le venin se tient dans la tête ».



https://deslivresrances.blogspot.fr/


Lien : https://deslivresrances.blog..
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Annkrist

Fantômes du XXe siècle. Cet ouvrage, coordonné par Jean-Claude Leroy, constitue d'abord un guide pour l'exploration d'une galerie souterraine, creusée dans les années 70-80 en marge de ce que, dans mon enfance, on appelait « la chanson française » (dont, à vrai dire, je n'apprécie pas grand-chose, à part quelques albums plus tardifs de Murat et de Bashung - et les réminiscences d'une cassette, depuis longtemps égarée, d'Édith Piaf). Marge forcée ou choisie, difficile à dire. Mais cheminement singulier dont la singularité elle-même semble avoir garanti le tracé jusqu'à un XXIe siècle déjà bien entamé, jusqu'à nous. De ce cheminement (destin diraient d'autres), photos et articles de presse réunis ici balisent l'itinéraire, tout comme les textes-témoignages recueillis aujourd'hui et appelant hier. Les fantômes ont la vie dure. Annkrist underground, donc.

Cet ouvrage, en proposant à la lecture les paroles des chansons d'Annkrist, complète également à merveille la réédition récente des cinq albums réunis dans un coffret 3 CD, Enchantée, sur le label Cristal Iroise. Contrairement aux réserves émises par Bayon dans un article de Libé datant de 1979 (article par ailleurs positif), je ne pense pas que la qualité « littéraire » des paroles, des textes de l'artiste (réunis dans ce livre) soit un « problème » (on confrontait alors « chansons à texte » et « littérature », mais tout cela est finalement assez lourdingue, vieux débats à la française). C'est justement la qualité littéraire - poétique et prosodique - de ces textes, de ces paroles de chansons, qui a sans doute garanti leur survie, leur insistance, par-delà une époque et un public peu préparés, semble-t-il, à les entendre. Avec la découverte de ces chansons, de la voix d'Annkrist et du très bel accompagnement musical, nous avons ainsi l'impression d'écouter quelque chose de neuf, comme surgissant de nulle part.

Du vernis réaliste s'évèle un brouillard fantastique, où chacun projettera ses propres lumières et obsessions - magie de la chanson populaire... Figure du double, ici et là (« La préférée du harem », « Futurs ») ; brumes oniriques obsédantes dans « La nuit tout est permis » ; étrange appel à la pâle clarté dans « Le rendez-vous », spleen et colère rentrée que soulignent et relancent les lignes de basse et les nappes/ritournelles du clavier ; « Bizarre Pierrot » aussi troublant que certains souvenirs du mangeur d'opium ou que les pages les plus poétiques du Grand Meaulnes (et toujours ce clavier)...

Ceux qui aiment la musique de Nick Drake et de Linda Perhacs (Parallelograms), Nico période Hanging Gardens ou encore Bashung tendance Fantaisie Militaire devraient apprécier les rééditions en CD des albums d'Annkrist. Et ce livre, que l'on ne se lasse pas de parcourir.
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Rien seul

Cédric un jeune homme à peine sorti de l’adolescence décide de s’enfuir du quotidien sordide de la petite ville de province où il habite pour aller vivre l’aventure à Marseille. A partir de là va commencer pour lui un enchaînement étourdissant d’emplois précaires ou au black, de petites amies successives, de cuites et défonces…Une angoisse sourde et croissante va l’envahir petit à petit le renfermant toujours plus sur lui-même, le détachant petit à petit du monde social et de la norme.

« Rien » « seul » voir même « vide » des mots qui résument bien l’atmosphère particulière qui se dégage de ce livre plutôt sombres. Des mots qui trouvent une caisse de résonance dans les questionnements existentiels du personnage principal, élément central du récit dans un monde à la violence sourde qui ne pardonne rien. L’auteur l’a voulu éthéré et anonyme puis de plus en plus consistant , au fur et à mesure des péripétie du récit et de son affirmation de soi. Solitude de la non -conformité, grand vide d’une existence aux labeurs imposés, peur du vide, peur de ne pas réussir, d’être un raté : de nombreuses questions que se posent Cédric et qui diffusent à travers le récit une sensation de malaise dépressif contagieux, finement décrit par une écriture claire et sans pesanteur. …. Après Invasions, Les années flétries un autre très bon roman des éditions Cénomanes
Lien : http://au-chat-pitre.izibook..
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