Jean Claude Pautot "L'art de s'évader"
Il n'y a pas pire prison que celle nichée à l'intérieur de votre tête.
On voulait brûler vite, tout faire partir en flammes. Pour nous, c'était déjà trop tard. Impossible de changer la trajectoire. Même s'il fallait payer le prix fort. Aucun de nous ne voulait ressembler à ces ombres grises qui partent travailler avant l'aube et qui reviennent harassées le soir pour s'affaler sur des matelas sans âge, ou ces autres qui errent toute la journée dans les ruelles ou dans les troquets alentours. À la fleur de l'âge, j'étais déjà mon propre ennemi. Je ne savais pas qu'un jour, je deviendrais un ennemi public.
La vie a besoin de beauté et de perfection pour mériter d'être vécue.
Car en prison, dès qu'on rentre, il y a ce parfum qui vous saute à la gueule, ce mélange de détergent bon marché et de sueur d'hommes.
Et ces longs couloirs qui résonnent des cris des autres gars comme vous, des chaussures des gardiens, des clefs dans les serrures, des bips sonores...
Le bruit et l'odeur comme dirait l'autre.
Une fois que vous les avez connus, ils restent à vie incrustés dans le crâne.
Et pourtant la prison, elle va vous couper en morceaux, vous tronçonner, vous désintégrer.
Puis elle va vous mâcher lentement. Elle va prendre son temps. Elle n'a que ça pour elle, d'ailleurs, la prison. Le temps.
Elle ne veut pas vous mettre debout. Elle n'essaiera même pas d'ailleurs...
Tout ce qu'elle veut, c'est vous dresser.
Comme on fait avec les chiens fous.
J'avais pris le pouvoir à la force de mes poings. Il n'y avait donc que la loi du plus fort qui faisait marcher droit, garder la tête haute. Je ne voulais pas être victime, j'étais devenu bourreau. Et personne ne m'avait dit que ce n'était pas bien. J'avais découvert la voie de la violence. J'allais mettre presque toute une vie à me ranger.
Aucun de nous ne voulait ressembler à ces ombres grises qui partent travailler avant l'aube et qui reviennent harassées le soir pour s'affaler sur des matelas sans âge, ou ces autres qui errent toute la journée dans les ruelles ou dans les troquets alentours.
À la fleur de l'âge, j'étais déjà mon propre ennemi. Je ne savais pas qu'un jour, je deviendrais un ennemi public.
Aujourd'hui, on regarde les favelas de Rio, les bidonvilles de Delhi à la télé. À cette époque (1972), il suffisait de sortir de Paris et de sauter le périphérique pour trouver la misère.
Dans ce fatras de planches et de tôles, il y avait des Algériens venus reconstruire la France, des Espagnols, des Portugais fuyant la dictature et la misère, des Gitans rejetés de partout.
[...]
Bientôt, il y aurait des Africains, des Asiatiques venus par bateaux.
[...]
Le nouveau visage de la France...
Celui que personne ne veut voir.
Pourquoi mettre des noms de grands auteurs dans ces cités où la culture n'entre jamais? Personne ne les a lus. Personne ne les lira jamais.
[...] les promesses ne sont bonnes que pour ceux qui les entendent.