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Citations de Jean-Claude Rogliano (28)


Seul me chagrinait un peu le procédé employé par le voisin pour réaliser une bonne affaire. On ne peut pas dire qu'il était du village, même s'il y était né, car il n'y avait jamais vécu. Il vivait quelque part en Provence et faisait de rares apparitions. Je l'avais croisé quelques fois et, refusant de reconnaître, le délit de sale gueule, je m'étais efforcé d'oublier son air de faux dur et la pesante quincaillerie que constituaient sa chaîne et sa gourmette en or pour entretenir des relations aussi chaleureuses qu'avec les autres villageois. Mais la voix traînante de beauf méridional, les propos racistes qu'il lui arrivait de tenir et qui s'accordaient si bien avec un quotient intellectuel de rhinocéros n'avaient pas tardé à réduire la durée de nos rencontres.
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Deniers et amitiés tordent le nez de la justice - Vieux proverbe corse
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La foudre s'était abattue auprès d'eux, les projetant parmi les pierres du torrent qu'ils s'apprêtaient à franchir. Mon père me retira vivant de sous le cadavre de ma mère. Mais, si ma vie fut épargnée, on dit qu'avec l'esprit de ma mère un peu de mon esprit a été emporté dans le roulement du tonnerre, et que, depuis ce moment, s'est ouvert cet abîme qui me sépare à jamais de tous.
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Aux alentours de 1530, rien ne semble bouleverser le cours de notre histoire. Pourtant, quelque chose est en train de changer dans la conception que les corses commencent à se faire de leur terre. Paradoxalement, c'est par un de ces hommes qui mettent leur vaillance au service de puissances étrangères que se produit ce changement. Il s'appelle Sampiero Corso et la guerre est son métier.
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Autrefois, une chèvre fugueuse décortiquait de jeunes plants de châtaigniers, un chien égorgeait une brebis et ça pouvait être le prélude de tragédies dont parfois héritaient les générations suivantes. Il arrive encore que, excédé par les dégâts causés par des animaux errants, un villageois abatte quelque cochon dévastateur ou quelque vache à prime que leurs propriétaires laissent divaguer en toute impunité. Ce genre d'incident crée un climat tel que le pire est toujours à craindre, quand il ne se produit pas. Si ce climat n'entraîne pas autant de tragédies que sous l'occupation génoise, il est le produit de causes identiques : une justice aussi bafouée par les juges génois d'hier que par les juges d'aujourd'hui.
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Dans la salle d'audience où se déroulait l'abattage des plaidoiries, je me revois perdu au milieu des justiciables qui attendaient que fût traitée leur affaire. Je revois, émergeant de la longue table derrière laquelle siègent les deux autres magistrats, un petit homme replet qui, enfoncé dans son fauteuil de cuir, somnole paisiblement. A quoi bon écouter les avocats débrider leurs arguments? Pour lui, nous sommes déjà des dossiers et, quel que soit le contenu du mien, mon sort est fixé. Mais cela, je ne le sais pas encore.
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L'épisode des Giovannali demeure un des mystères les plus profonds de l'histoire de l'île dont il est ardu de séparer la réalité du fantasme.
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Nous ne pouvions détacher nos regards de ces hommes qui s'engouffraient dans le tunnel.
- Ils sont mûrs pour toutes les manipulations et tous les gros coups! me glissa Cignalone.
Nous avions abordé un singulier territoire, dont les créatures témoignaient de ce qu'avait fait d'elles un pouvoir frappé de folie. Dans l'accomplissement de leur besogne, l'apathie de leurs traits et leur allure machinale ne laissaient rien transparaître de l'influence que pouvaient avoir exercé sur eux les bouleversements des derniers jours. De ces hommes noirs et hagards, repliés sur eux-mêmes entre résignation et révolte, on découvrait seulement qu'ils étaient multitude. Qu'en serait-il de ce moment où, vivants revenant aux vivants, ils surgiraient tous ensemble de leur nuit?
Et sous la terre gelée de cette contrée où l'enfer lui même était froid, le gosier sans fond les absorbait sans cesse, les emportant vers des escales désolées, comme vers autant d'expiations de fautes à venir.
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Le fusil à mes pieds, j'étais là, les bras ballants, encore étourdi.

Etait-ce bien elle qui avait paru devant moi? Elle, Lésia, si belle, si délicate au milieu du maquis... Et elle serait venue pour moi, pour me parler... Toute la nuit, elle avait hanté Torrémorta comme une vision fugitive... Et c'était ce matin, alors qu'elle avait été si près de moi, si réelle, que je doutais de l'avoir vue.

Je me mis à marcher sans but, au hasard des sentes.
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Une nuit boulimique a tout effacé. Nos phares talonnent l'ombre, s'épuisent à entamer le brouillard. La route est déserte, prête à disparaître elle aussi.
Soudain se met à poindre une constellation frileuse.
Je pousse Toni du coude.
- La frontière!
Mon compagnon de route émerge d'un sommeil chaotique. Il s'étire en jetant des regards interrogatifs, autour de lui. Après un dernier bâillement, il se redresse d'un coup.
C'était non sans surprise que, sur le quai, au moment où se formaient les équipes de chauffeurs, je l'avais entendu hurler mon nom de ce camion vert olive que l'on finissait de charger. Pour prendre part à une action de ce genre, quelle grâce pouvait l'avoir piqué? Après de tonitruantes effusions, il était allé vers Paul-Antoine, le chef de mission, pour me désigner d'autorité comme son coéquipier.
Avec son nez de travers et ses yeux en pointe de stylet, il n'a pas beaucoup changé, depuis notre dernière rencontre. Ses joues se sont seulement un peu creusées et, de sa tempe gauche à la base du cou, sa cicatrice en forme d'apostrophe s'est à peine estompée.
La dernière fois que je l'avais vu, c'était sept ans plus tôt, avant qu'il entre en prison.
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Avec ces murs qui s'écroulaient, avec ces hommes et ces femmes qui s'en allaient, je ressentais que quelque chose de moi était en train de disparaître aussi. Ma décision était prise. Si insensée que fût l'entreprise, il fallait inverser un processus que l'on disait irréversible : il fallait relever ces vieux murs, chasser les ronces et les orties, faire la guerre au silence, le remplacer par des éclats de voix et des rires d'enfants.
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- C'est de la dynamite qu'on leur a apportée! murmurait Cignalone, entre ses dents.
L'émerveillement d'une fillette devant une poupée, la ruée des enfants sur une poignée de bonbons, cette cohue forcenée pour des bocaux de confiture témoignaient de l'état de dénuement dans lequel se trouvait la population et du parti que certains pourraient tirer de ce que nous entassions dans cette salle.
De cette détresse, le prix d'une tablette de chocolat vendue sous le manteau révélait soudain sa véritable dimension. A présent qu'était revenu le calme, elle nous apparaissait dans sa démesure et c'est elle qui faisait peur : dans une vallée démunie de tout au-delà de tout ce que nous avions pu imaginer, nous arrivions avec des tonnes et des tonnes d'une manne dont nous venions seulement de mesurer l'ampleur des tentations, des convoitises et des débordements qu'elle déchaînerait.
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L'étranger qui s'égarait dans les sinuosités soûles de grisaille et d'odeurs de friture à l'oignon de ces ruelles avares de ciel n'était pas peu surpris, entre deux vociférations de viragos s'interpellant d'une fenêtre à l'autre, d'entendre une voix splendide s'envoler d'un bistrot ou d'une mansarde pour y promener un air de la Tosca, ou de croiser quelque poissonnière ventripotente qui, sa corbeille de marée en équilibre sur la tête, entremêlait ses appels aux chalands de morceaux de Puccini ou de Verdi.
La cause de ce prodige était l'opéra où, jusqu'avant la guerre, les familles de la bourgeoisie comme les plus pauvres se rendaient pour voir se produire les plus prestigieuses troupes d'Italie.
Elles venaient passer l'épreuve de notre ville dont les exigences étaient redoutées. En cette cité, l'égalité était réalisée par le bel canto. Dans ce domaine, cela conférait à ses habitants une autorité peu ordinaire qui s'étendait jusque dans les quartiers les plus populaires, où l'on chantait Mazzeppa ou Nabucco avec la même aisance que l'on poussait la chansonnette.
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La femme va et vient entre les uniformes et les kalachnikovs prêtent à se déchaîner à la moindre alerte. Elle passe sans les voir, comme à travers eux. Les manches retroussées, ignorant le froid, de sa démarche de paysanne, elle va d'un camion à l'autre, part se réapprovisionner, se hâte de revenir, sans se douter que ce pays dont nous n'avons pas encore foulé le sol, grâce à elle, nous sommes déjà en train de l'aimer.
A deux mille kilomètres de ma terre, à un poste frontière enserré dans la gangue d'un ciel sans étoiles, à deux pas d'un pays ensanglanté qui vient de triompher d'un tyran, je bois, offert par une vieille femme surgie de la nuit exprès pour nous, un gobelet de thé...
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Je te raconterai l'histoire de ce roi mort de n'avoir pas pu te rencontrer. Jacques Brel
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Avec lui, au moins, le coupable d'un crime, quel qu'il soit, reçoit le châtiment qu'il mérite.
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Fin de l'an mille. Entre feudataires belliqueux et soldats de fortune dont on sait peu de choses des révoltes, des luttes fratricides et des trahisons, surgi d'un passé nébuleux, on peut mettre un nom et même un surnom sur celui qui, le premier, a laissé dans l'Histoire insulaire l'empreinte de son passage.
C'était le comte Arrigo. Il régnait sur la Cinarca et on l'appelait Bel Messere (Le Beau Messire) pour sa prestance, sa générosité, sa rigueur dans les jugements qu'il rendait.
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Nos deux doigts suivaient les lignes et parfois, quand nos mains se frôlaient, un frisson me parcourait et les phrases du livre se brouillaient. Une fois même, elle s'était tellement penchée vers moi que je sentis ses cheveux caresser mon cou...
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Mais, en 1445, un seigneur de la Cinarca, Raffé de Leca, assisté de ses vingt-deux frères et de ses partisans, met les troupes pontificales en déroute.
Impuissante à surmonter le chaos, Gênes vend alors la Corse à l'Office de Saint-Georges, une banque si puissante qu'elle est un Etat dans l'Etat. Elle possède son sénat, ses juges, son armée.
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A notre table, Cignalone et Toni commentaient les dernières informations recueillies sur le transistor d'Angelo.
Celui qui répondait à ce prénom suave était un grand diable aux épaules de catcheur, avec des mains calleuses et une mâchoire faite pour soulever les poids dans les foires. La répartition des équipages l'avait désigné, avec François, comme le conducteur du fourgon de carburant.
Chauffeur-manutentionnaire dans une entreprise de construction, il n'avait jamais franchi la mer et la traversée était déjà pour lui une aventure.
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