Roméo, qui avait déjà remporté une manche contre Célestine Meyer, osait aborder le sujet épineux du fils Pervanche. Allégé des scrupules qui accablent les âmes sensibles, il connaissait les errements de l'amour maternel, la vulnérabilité du dévouement, de l'abnégation, de la naïve croyance que le bien contient sa propre récompense et que la vérité triomphe toujours du mensonge. Il avait tant de fois joué sur ces registres pour mettre en péril ses adversaires que cette routine éprouvée, une fois encore, porta ses fruits.
p. 165
Une nuit je rêvai d'une enfant qui attendait sur une plage déserte quelqu'un qui ne venait pas. Le jour déclinait, et elle finissait par s'en aller lentement, comme à regret, tristement. Il ne restait que la mer houleuse dans la nuit derrière elle. Cette enfant, c'était moi, qui avais passé ma vie à attendre, à espérer des choses merveilleuses. Finalement, les confidences des vieillards malades ou mourants m'apprirent que peu de gens ont rencontré l'être qu'ils désiraient, et que la plupart, comme moi, ont passé leur temps à le chercher. Certains l'ont manqué de peu. D'autres l'ont trouvé et perdu, ou ont été quittés. D'autres l'ont détruit, innocemment, cruellement, comme un jouet devenu inutile. P. 304
Jacques Brondi, chef du service de Gestion du personnel à la Direction départementale des Lycées du rectorat, était indéniablement un homme efficace. D'humbles origines, il avait vaillamment gravi les degrés de la fonction publique qui, d'obscurs emplois de fonctionnaire, l'avait promu à d'importantes responsabilités après maints concours et stages. Il avait rencontré, à diverses étapes de son parcours, des appuis sûrs de membres du part, auquel il avait adhéré très tôt dans sa carrière. En dehors des ses indéniables qualifications, l'un des atouts qui avaient à la fois favorisé et compromis son ascension, était son intransigeante probité et sa foncière intégrité. Il avait su résoudre d'inextricables conflits dans lesquels d'autres occupants de postes plus élevés s'étaient empêtrés. En outre, on le disait fidèle en amitié. p. 168
Ceux qui ont eu un père digne de ce nom ne s'inventent pas un roman, ne chantent pas des hymnes héroïques, ne répètent pas "no passaran" pour imposer leur arbitraire, ne flirtent pas avec des gamines, ils ne délaissent pas leur femme pour courir après l'ombre de Mitterrand ou son héritière en jupon. Un père, un vrai, c'est tout dans la vie, et cela vous dispense de tant d'erreurs, de tant de souffrance, surtout si l'on a eu la chance d'avoir une mère aussi. Cela vous évite bien des déboires. Voilà la source la plus profonde de l'inégalité entre les hommes. p. 308
- Comment trouvez-vous leur niveau en anglais ?
- Très faible, à part ceux qui ont séjourné dans un pays anglo-saxon.
Et je n'ose ajouter combien c'est déprimant. Entendre votre langue malmenée, dénigrée, ravalée, détruite, caricaturée, ridiculisée, déformée jusqu'à être méconnaissable, par des dizaines de potaches dont vous dépendez pour votre subsistance, est assez pénible en soi quand il s'agit d'une langue apprise au cours de longues études. Quand c'est votre langue maternelle, l'insulte s'ajoute à la blessure, comme on dit chez nous.