AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Jean Clottes (59)


Pendant plus de 20 000 ans, des hommes – et peut-être des femmes – ont peint, gravé, sculpté sur les parois des grottes ou dans des abris avec une constance inédite dans l’histoire de l’humanité. Preuve de la force de leurs croyances. A titre de comparaison, la civilisation de l’Égypte antique a duré un peu plus de 3000 ans.
Pourquoi l’art préhistorique ? interroge Jean Clottes, expert international de l’art rupestre, c’est-à-dire quelqu’un qui maîtrise quelque peu son sujet ! Pouvons-nous un instant croire que cet acte était gratuit ? L’Art pour l’Art à cette époque était-il concevable ? A moins de s’armer d’une mauvaise foi blindée, on ne peut adhérer à cette idée. Si l’Art était essentiellement signifiant au Moyen Âge – tourné vers Dieu –, il ne pouvait en être autrement à l’ère préhistorique.
Cet art répondait forcément à des considérations religieuses. Et Clottes, qui a rencontré nombre de peuples traditionnels – à savoir des peuples qui ne transpirent pas d’extase à l’arrivée des soldes ! –, émet une hypothèse qu’il défend avec ardeur : le chamanisme, qui vouait un culte à la nature et aux esprits. Chamanisme qui a essaimé dans le monde, depuis la Sibérie jusqu’à l’Amérique.
De nature il est justement question dans cette histoire, où la bête est surreprésentée par rapport à l’Homme. Ces peuples lointains faisaient corps avec cette nature qui les entourait de sa toute-puissance. Elle était leur divinité. Nous, qui vivons d’artifices, l’avons oublié, mais c’est la Terre qui nous accueille et non le contraire. Ces œuvres, vieilles de plusieurs milliers d’années, en sont la manifestation la plus fervente.
L’intérêt de ce texte est précisément là : ne pas énumérer des faits et se projeter, avec une rigueur toutefois scientifique, dans un passé trop souvent caricaturé. Évidemment, rien ne peut être prouvé avec une totale exactitude, mais l’on est forcé de reconnaître que l’image du primitif poilu tirant sa femme par les cheveux pour s’accoupler avec elle est un peu désuète !
L’essai de Jean Clottes, par son approche ouverte, désépaissit la brume entourant ces humains du paléolithique supérieur, comme il conclut si finement, et nous fait entrevoir une société complexe, avec ses rites non moins complexes, dont les traces qui nous sont parvenues sont chargées d’une indéniable intensité émotionnelle, excitant volontiers notre imaginaire.
Commenter  J’apprécie          80
Quand les premiers colons européens sont arrivés en Australie, ils ont demandé aux Aborigènes: "A qui appartient cette terre?" Ces derniers sont restés sans réponse. Un tel concept leur était étranger: pour eux, la terre n'avait pas de propriétaire. Dans cette culture-là, les hommes appartiennent à la terre et en sont partie intégrante, comme les animaux, comme les arbres. Ni plus, ni moins.
Commenter  J’apprécie          61
Tout art est message. Il peut s'adresser à une collectivité plus ou moins étendue, dont les connaissances varient en fonction de l'appartenance à un même groupe ou à un groupe différent, en fonction aussi de l'âge, du sexe, des degrés d'initiation, du statut social de chacun et de bien d'autres paramètres.
Commenter  J’apprécie          60
L'hypothèse selon laquelle les hommes du paléolithique auraient eu une religion de type chamanique et créé leur art dans le cadre de telles croyances est actuellement celle qui rend le mieux compte des faits connus. [...]
Cette religion a pour fondement la croyance selon laquelle certaines personnes, les chamanes, peuvent voyager en esprit entre les mondes et entrer ainsi en contact direct avec les forces surnaturelles puissantes qui gouvernent les choses de la vie dans le monde où nous nous trouvons (chasse, maladie, relations humaines). [...]
Aller sous terre, c'était donc changer de monde, et le faire tout aussi délibérément que le chamane lorsqu'il entrait en transe lors des cérémonies de guérison habituelles. Il allait, ce faisant, à la rencontre des esprits qui peuplaient ces lieux mystérieux et effrayants et résidaient dans la roche. Il entrait en contact avec eux grâce à la peinture ou à la gravure.
Commenter  J’apprécie          40
L'art pariétal des temps glaciaires et les croyances qui ont occasionné sa réalisation telle que nous la connaissons ne sauraient se réduire à une explication simple, quelle qu'elle soit. Nous avons affaire à des sociétés pleinement humaines, c'est-à-dire forcément complexes, qui s'efforçaient de comprendre le monde à leur manière et d'en tirer parti au mieux.
Commenter  J’apprécie          40
A Chauvet-Pont d'Arc, comme dans la majorité des grottes ornées, ils ont utilisé les reliefs naturels plus ou moins suggestifs, creux, bosses, fissures, pour réaliser leurs œuvres, soit que des accidents de la paroi complètent le dessin, soit que l'animal semble surgir d'un creux.
Commenter  J’apprécie          30
j'étais ravi qu'il y eût un aborigène parmi nous, car je comptais lui poser d'innombrables questions sur la signification de l'art. Je fus bien déçu à cet égard, comme nous le verrons. Il en alla différemment pour mon collègue et vieil ami Antonio Beltrán, lorsque, à l'occasion du congrès de Darwin, en 1988, il fit une expédition dans le bush avec un aborigène appelé Murru Murru. Son expérience est édifiante sur les conclusions trop hâtives que l'on peut tirer d'œuvres d'art rupestre lorsque leur contexte est inconnu. Beltrán avait d'abord vu certains sites avec Murru Murru, qui lui avait donné quelques explications, avant d'y revenir peu après avec un groupe de congressistes. Parmi eux, une collègue féministe s'arrêta devant deux mains négatives peintes sur la paroi d'un abri. L'une, plus grande et de facture plus grossière, était située au-dessus de l'autre. Elle commença à les interpréter : « Il est évident que la main du haut, masculine, placée comme elle l'est au-dessus d'une main féminine, symbolise la domination de l'homme sur la femme ! » Beltrán lui dit gentiment que peut-être il serait mieux d'interroger l'aborigène, car il savait. On fit venir Murru Murru et on lui posa des questions sur ces mains. Il se mit en colère : « Oui, je sais ! Celle du haut est ratée. J'avais placé ma main trop haut. Si vous croyez que c'est facile ! Mais l'autre, que j'ai faite après, au-dessous, est bien mieux. » Une telle aventure enseigne la modestie en matière d’interprétations.
Commenter  J’apprécie          30
La meilleure explication, c'est que l'on croyait que les grottes étaient des passages qui conduisaient à l'étage inférieur du cosmos chamanique.
Commenter  J’apprécie          30
Les représentations humaines existent mais en bien plus petit nombre. On en a dénombré environ une centaine. [...] Cela signifie que c'étaient les animaux, du moins certains, qui jouaient un rôle majeur dans leurs croyances. C'étaient eux qui représentaient les forces surnaturelles de l'au-delà.
Commenter  J’apprécie          30
L'art des origines , du moins l'art figuratif,qu'il soit en deux ou trois dimensions , est bien le propre des Aurignaciens , nos ancêtres directs.
Commenter  J’apprécie          20
La matérialisation des visions pouvait donc avoir des justifications multiples et complémentaires : les concrétiser par nécessité vitale ; ajouter à leur puissance ; induire de nouvelles visions ; ouvrir une porte dans le monde des esprits avec lesquels on désire entrer en contact ; avoir une utilité mnémonique, comparable à celle de l'iconographie dans la tradition judéo-chrétienne.
Nous avons lu et écouté attentivement les critiques qui nous ont été faites. Certaines nous ont étonnés par leur ton et leur contenu. Elles eurent du moins le mérite de nous obliger à approfondir notre réflexion, à préciser certaines de nos positions, à aller plus loin, à la fois dans notre entreprise de meilleure compréhension de l'art paléolithique, mais aussi sur le plan épistémologique. La recherche scientifique n'est jamais neutre et éthérée. Les passions, les préjugés, les conservatismes, jouent un rôle non négligeable, encore que rarement mis en évidence, dans les prises de position. C'était l'occasion d'analyser ce phénomène à partir de faits concrets, puisqu'il s'est manifesté avec un éclat tout particulier à propos de notre ouvrage. Quatre années écoulées nous donnent un recul suffisant. L'avancée de la recherche en matière d'art pariétal et dans d'autres domaines (ethnologie, par exemple), les découvertes effectuées, à la grotte Chauvet et ailleurs, les éléments que nous ignorions qui ont été portés à notre connaissance ne sont pas allés à l'encontre des hypothèses avancées dans notre livre : ils les ont plutôt renforcées.
p. 220
Commenter  J’apprécie          20
Le danger principal procède d'une attitude d'esprit : qu'il s'agisse de spéléologues, de préhistoriens ou de tout autre spécialiste du milieu souterrain, la plupart d'entre eux ont une tendance naturelle à considérer que les grottes sont leurs grottes, sur lesquelles ils veillent jalousement. Les « autres » peuvent être dangereux, mais pas eux. À partir de là, il est facile de rationaliser les actions que l'on désire mener et de commettre des imprudences en toute bonne foi.
Commenter  J’apprécie          20
On sait que tous les hommes contemporains, qu'ils soient tutsis ou esquimaux, en dépit de leurs nombreuses différences, sont interféconds. Il y a une extrême variété des êtres humains aujourd'hui. Et pourtant, ils composent une seule et même espèce.
Commenter  J’apprécie          10
note 22. « L'étude de 488 sociétés ethniques a montré que, dans 90 % d'entre elles, existait une forme d'institutionnalisation, culturellement structurée, des états de conscience altérée (Bourguignon, 1973, p. 11; 1977, p. 10) et que, en Amérique du Nord, ce pourcentage passait à 97 % des sociétés aborigènes connues ethnologiquement » (Turpin, 1994, p. 79).
p. 224
-------------
«  Les chamanes de la préhistoire  » “Texte intégral, polémiques et réponses”, Jean Clottes – David Lewis-Williams, La maison des roches éditeur © janvier 2001
Commenter  J’apprécie          10
La résistance irraisonnée aux idées neuves, ou du moins à celles qui sont en contradiction avec celles du temps, est un phénomène bien connu. Il tire certainement sa source dans les impératifs de la survie à des époques très reculées, où tout ce qui était nouveau était potentiellement dangereux. « L'esprit n'aime pas les idées inconnues, pas plus que le corps les protéines inconnues, et il y résiste avec la même énergie. Il ne serait sans doute pas exagéré de dire qu'une idée neuve est l'antigène le plus actif que connaisse la science. Si nous nous observons honnêtement, nous verrons souvent que nous nous mettons à argumenter contre une nouvelle idée avant même qu'elle ait été énoncée » (Trotter, cité par Lemaire, 1993, p. 122). Cette attitude défensive vis-à-vis de tout changement d'importance explique pourquoi certaines découvertes sont rejetées a priori (cf la polémique sur l'authenticité de Lascaux, sur celle de Rouffignac, et plus récemment de la grotte Cosquer, Clottes & Courtin, 1994, p. 21-26) ou certains résultats d'analyses contestés, comme les dates de la grotte Chauvet (Clottes, 1999).
p. 172
Commenter  J’apprécie          10
Devant ces questions — il en est bien d'autres —, il serait naïf de s'attendre à une explication unitaire pour l'art pariétal. Les systèmes explicatifs globaux, dont nous allons parler, ont fait faillite. En revanche, l'unité intrinsèque de l'art, malgré les changements et les variations régionales ou chronologiques, témoigne d'une attitude d'esprit commune, qui s'est maintenue intacte jusqu'à la fin de la glaciation.
p. 67
Commenter  J’apprécie          10
En effet, l'art pariétal paléolithique couvre toute l'Europe, de l'Andalousie à l'Oural, et il s'est développé pendant vingt-cinq mille ans, soit plus de douze fois la durée du christianisme. Les maillons de cette chaîne, qui couvre des distances et des périodes aussi gigantesques, sont relativement peu nombreux. On connaît actuellement environ trois cent cinquante sites. Cela correspond à un seul site pour trois ou quatre générations à l' échelle de l'Europe. Il est évident que, pour que les traditions puissent se transmettre, le nombre réel devait être largement supérieur : il a dû y avoir des milliers de sites, qui ne se sont pas conservés ou n'ont pas été découverts. Ces vides considérables expliquent que chaque grande découverte (Cosquer, Chauvet) apporte des éclairages nouveaux qui changent nos conceptions sur tel ou tel aspect de l'art. Nous sommes loin de tout savoir, même après un siècle de découvertes et d'études !
p. 65/66
Commenter  J’apprécie          10
L'ART DES CAVERNES ET DES ABRIS
Dans les galeries lointaines, ils n'ont pas laissé les figures n'importe où. Les lieux ont été choisis en fonction d'accidents naturels, comme des pendants rocheux, des fissures dans les parois, des reliefs apparents, ou les contours mentionnés.
Parfois, on peut supposer que ces figures n'étaient pas destinées à être vues par de nombreuses personnes, et que ce qui comptait c'était l'action de les créer, non le résultat en fonction de spectateurs éventuels. Cela paraît plausible lorsque les emplacements choisis sont difficiles d'accès, hors des zones de circulation, ou lorsqu'une ou deux personnes à peine peuvent les voir en même temps, à cause de l'étroitesse du lieu. C'est le cas pour le Camarin du Portel ou, dans la même grotte, pour l'extrémité de la galerie des Chevaux, ou encore pour le Cabinet des Petits Rennes des Trois-Frères. En revanche, le Sorcier des Trois-Frères (fig. 14) a été peint et gravé à l'endroit le plus visible. Il était fait pour être vu, comme l'est le superbe cheval de Labastide, peint en rouge et noir et gravé sur un rocher au milieu du passage. La logique qui sous-tend la réalisation de ces figures spectaculaires est à l'opposé de la précédente.
p. 64
Commenter  J’apprécie          10
Leur perception aiguë du milieu souterrain et leur façon de le concevoir se trahissent dans la manière dont ils ont si souvent mis à profit contours et reliefs naturels. Cette utilisation systématique va à l'encontre des théories structuralistes d'Annette Laming-Emperaire et d'André Leroi-Gourhan, qui pensaient que les artistes portaient en eux un schéma idéal du sanctuaire qu'ils calquaient sur les grottes où ils se rendaient, dessinant animaux et signes en fonction de lui. La recherche constante et minutieuse de contours naturels évocateurs d'animaux témoigne d'un état d'esprit différent, puisque c'est la grotte qui impose la représentation d'un animal particulier, par exemple un oiseau à Altxerri, un bison vertical et la tête d'un cerf vu de face à Niaux. Ces sujets sont exceptionnels et donc d'autant plus significatifs. Les chances sont nulles qu'ils aient pu tenir un rôle dans une structure préétablie. Les techniques d'éclairage utilisées — torches ou lampes à graisse qui jetaient des lueurs fluctuantes sur les parois — permettent de mieux comprendre le processus. Lors d'une expérience dans les mêmes conditions, ou quand on utilise une bougie, les parois semblent vivre avec les ombres mouvantes jetées par la flamme qui vacille. Il devient alors facile de voir des animaux dans les formes de la roche.
p. 63
Commenter  J’apprécie          10
Quant aux animaux eux-mêmes, ils sont dessinés sans souci d'échelle. Sur les mêmes panneaux voisinent les mêmes espèces avec des figures toutes petites et d'autres beaucoup plus grandes, que ce soit dans l'Aurignacien de Chauvet ou le Magdalénien de Niaux. Les rapports de taille entre animaux d'espèces différentes ne sont pas plus respectés. Généralement, ils sont de dimensions plus faibles que dans la réalité, avec quelques exceptions, comme la belette du réseau Clastres ou les taureaux de Lascaux.
Autre constante : la représentation de profil. Là encore, il aurait pu en aller autrement. A Lascaux, un cheval est vu de face. Il en est de même d'un certain nombre d'animaux (cerfs, bouquetins) dans l'art mobilier du Magdalénien final. Dans l'art pariétal, les vues de face ou de dos (Niaux) sont exceptionnelles, quelle que soit l'époque. Les animaux paraissent flotter en l'air, sans point d'appui, car les lignes de sol ne sont jamais figurées. Parfois, le contour de la roche peut en tenir lieu. En dehors des cadrages par rapport au relief naturel, l'absence générale d'implantation sur un sol ferme, le manque d'ancrage, donne une curieuse impression d'irréalité ou plutôt celle de morceaux de réalité arrachés à leur contexte et juxtaposés sans liaison entre eux. Ce sentiment est accentué par les animaux verticaux ou obliques, qui constituent une minorité non négligeable. Nous verrons au chapitre « Art des cavernes et chamanisme » ce que l'on peut en penser.
Les animaux sont indifféremment entiers ou réduits à leur tête ou à leur avant-train, ce qui suffit pour les identifier.
p. 57
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Jean Clottes (249)Voir plus

Quiz Voir plus

Un polar, une capitale d'Europe

"Les nouveaux mystères de Paris" de Léo Malet, série avec Nestor Burma, l'enquêteur.

Allemagne
Autriche
Espagne
France
Royaume Uni
Suède

19 questions
493 lecteurs ont répondu
Thèmes : romans policiers et polars , europe , capitale , humourCréer un quiz sur cet auteur

{* *} .._..