Que l'artiste le veuille ou non, qu'il le confesse ou le nie, tout art, quel qu'il soit, correspond à une philosophie. Instinctivement ou consciemment, ses procédés sont dirigés par une certaine manière de voir la nature et de comprendre l'homme.
Dans le domaine des beaux-arts contemporains, en général, l'abrutissement intellectuel est indéniable. C'est à cause de lui que l'on est arrivé à trouver superflu le Style, la Proportion, l'Idée, tout ce qui tend à la recherche de l'idéale beauté. Quand on songe à ces artistes grecs passant par une véritable initiation, avant de réaliser leurs oeuvres, si impérissablement belles, l'on est en droit de croire la théorie susceptible d'une épuration esthétique. Que l'on compare les artistes à théories de jadis à ceux sans théories d'aujourd'hui!
Entendons nous. Ni le poète, ni l'artiste ne doivent être des philosophes de profession, mais ils ont besoin, pour exercer leur fonction dans sa plénitude, de vivre dans l'atmosphère d'une philosophie organique et d'une religion vivante — à moins — qu'ils n'aient la force de se créer eux-mêmes une philosophie et une religion, en pétrissant les enfants de leur rêve, dans la révolte et la douleur, — ce qui est le propre des rares Titans, Lucifers et Prométhées de l'Art.
Ce n'est pas la première fois qu'on essaye, en notre temps, de déduire les
lois du Beau de la doctrine ésotérique, c'est-à-dire de la philosophie éternelle de l'âme profonde, pour en tirer l'horoscope de l'art contemporain. Mais c'est la première fois qu'un peintre le fait, et cela en dehors de tout parti, de toute église, de toute école, avec l'ingénuité charmante d'une âme vierge, d'un mâle esprit et d'une haute conscience.