Il est un endroit secret où la mer n’appartient qu’à moi.
Je la sais marée basse quand ses mots me dessèchent,
je la sais étale en recherche de sens,
je la sais marée haute quand ses deux bras me serrent au fort,
au chaud,
en me tenant la tête pour ne pas me noyer.
Je sais le temps complet du tout de ses mystères,
celui des mains de lune jusqu’au mitan du jour.
D’aucuns racontent que la mer se déverse en rythmes plus communs près de tout un chacun,
tantôt basse, étale ou haute,
mais jamais sur le cycle dans son entièreté.
Et chacun se contente de ces cartes postales,
escales d’un moment,
instants tendres ou passion.
Ceux qui croient que la mer se réduit à ses vagues
n’en savent que l’écume.
J’appartiens à la mer de tout ce que je suis.
Et j'en parle de toi.
Comme une envie de me poser
là
sur le rebord d'un feu
chaise à chaise
main à main
à ne parler de rien
de nous
à rire sur l'envers
juste à laisser ma tête glisser sur ton épaule.
Simplement être bien
ne plus penser à rien.
La vague,
tout à l’heure,
comme aux temps de l’enfance.
Violente et superbe.
Les mêmes roches
m’asseoir
retenir le vent.
Mon cycle, ma marée.
Plus l’écume frappait,
plus le calme venait.
Loin de tout.
Des autres.
En mer.
En toi.
Là-bas
Il y a le point précis où l'on ne parle plus
La mer a ses secrets
Intransmissibles
Ces bouteilles messages fracassées sur la roche
Ces oiseaux en latence
Effrayés par le large ou par quelque blessure
Je ne dirai plus rien
Regarde
Tu sais, je les connais ces nuits où les mots vont et viennent à en taper les tempes comme un sang noir pressé à tant tourner à vide.
On refait les histoires, on recherche les voix, on se demande bien ce que l'on pourrait dire, faire pour concilier le soi avec le temps de l'autre.
On somnole un moment en rêvant le chemin qu'on prenait en enfance où quelqu'un attendait sur le seuil de la porte et vous ouvrait les bras. Un réveil en sursaut, la route n'est plus même et il n'y a personne.
On se dit qu'on pourrait oser des mots à l'autre et on ne le fait pas.
On relit une lettre et l'on s'en tient à flots voguer au gré d'un livre sur des pays nouveaux où l'on s'en va de soi en y restant si près.
Et quand le temps du monde se met à être tard, que la pluie ne bat plus, on finit par dormir à l'heure du lever. Sans même que des bras vous posent où s'apaiser.
Tu sais, je les connais ces nuits...
C’est un soir de gribouille. Tout le ciel est sinistre. D’autres, ailleurs, parlent de la mort imminente ou du désespoir d’être. Et j’entends tout cela du fond de mon histoire, du près de ma mémoire et de mes à peu près où j’ai mis tant de temps à me trouver entier sans dépendre de l’autre. Où je peux bien mourir puisque je sais où vivre et que je l’accomplis. Rien jamais idéal mais toujours au plus haut. Et je ne peux rien dire que la fureur de vivre, pour une heure ou un jour, rien qu’à aimer la vie et essayer encore. J’ai fait tant de chemins que je croyais superbes et qui n’étaient qu’impasses. Maintenant que je sais, que je me sais, je ne dis que de vivre, en fureur et en beau. Il est des temps superbes qui ne viennent qu’à soi et qu’on peut partager. Je le fais aujourd’hui, je le ferai demain, tant qu’il restera souffle. Vivre bordel vivre, nous sommes nés pour ça, nous sommes faits pour ça. Et il fera soleil. Et même à son coucher, il ne sait qu’être beau.
’automne tarde
Guillaume
et je ne suis pas mort
il s’en fut de si peu
je laisserai le temps faire ses galipettes
quelques guerres
ici
ailleurs
au rebord d’autres mers
une femme bruyère m’ôtera le bandeau
tout autour de la tête
Guillaume
je ne saigne de rien
juste cassé mon rêve
nul ne passe en ce chemin
je ne cueillerai pas
j’irai un peu plus loin