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Citations de Jean Echenoz (740)


Jean Echenoz
J’écris pour moi en tant que lecteur. J'écris ce que je souhaiterais lire.
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- L'amour, tu vois, lui a-t-il expliqué,c'est vraiment comme la neige à Paris. C'est bien joli quand ça vous tombe dessus mais ça ne tient pas. Et ensuite c'est foutu.soit que ça vire à la boue, soit que ça vire à la glace, très vite c'est plus d'ennuis que d'émois.
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Personne ne se repose jamais vraiment, on imagine qu’on se repose ou qu’on va se reposer mais c’est juste une petite espérance qu’on a, on sait bien que ça n’existe pas, ce n’est qu’une chose qu’on dit quand on est fatigué
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Tout cela ayant été décrit mille fois, peut-être n'est-il pas la peine de s'attarder encore sur cet opéra sordide et puant. Peut-être n'est-il d'ailleurs pas bien utile non plus, ni très pertinent, de comparer la guerre à un opéra, d'autant moins quand on n'aime pas l'opéra, même si, comme lui, c'est grandiose, emphatique, excessif, plein de longueurs pénibles, comme lui ça fait beaucoup de bruit et souvent, à la longue, c'est assez ennuyeux.
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... non contents d’essuyer les tirs venus de l’ennemi, ils ont commencé de recevoir aussi dans le dos des balles imprudemment tirées par leurs propres forces, après quoi le désordre s’est vite installé dans les rangs. C’est qu’on était sans expérience, les accrochages commençaient à peine : ce ne serait que plus tard, pour pallier de tels impairs et se faire mieux repérer par les officiers observateurs, qu’on recevrait l’ordre de coudre un grand rectangle blanc dans le dos de sa capote. 
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... Un casque censé protéger l'homme plus sérieusement, mais dont les modèles initiaux étaient peints en bleu brillant. Quand on les a coiffés, on s'est d'abord bien amusés de ne plus se reconnaître tant ils étaient couvrants. Quand ça n'a plus fait rire personne et qu'il est apparu que les reflets du soleil produisaient d'attrayantes cibles, on les a enduits de boue comme on l'avait fait l'an passé pour les gamelles.
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On ne s'expose pas sans risque aux confidences comme à certaines radiations.
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Au sommet de chacun des clochers, ensemble et d'un seul coup, un mouvement venait de se mettre en marche, mouvement minuscule mais régulier : l'alternance régulière d'un carré noir et d'un carré blanc, se succédant toutes les deux ou trois secondes, avait commencé de se déclencher comme une lumière alternative, un clignotement binaire rappelant le clapet automatique de certains appareils à l'usine : Anthime a considéré sans les comprendre ces impulsions mécaniques aux allures de déclics ou de clins d'œil, adressés au loin par autant d'inconnus.
Puis s'arrêtant aussi net qu'il avait surgi, le grondement enveloppant du vent a soudain laissé place au bruit qu'il avait jusqu'ici couvert : c'étaient en vérité les cloches qui, venant de se mettre en branle du haut de ces beffrois, sonnaient à l'unisson dans un désordre grave, menaçant, lourd et dans lequel, bien qu'il n'en eût que peu d'expérience car trop jeune pour avoir jusque-là suivi beaucoup d'enterrements, Anthime a reconnu d'instinct le timbre du tocsin - que l'on n'actionne que rarement et duquel seule l'image venait de lui parvenir avant le son.
Le tocsin, vu l'état présent du monde, signifiait à coup sûr la mobilisation.


pages 10/11
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Anthime avait commencé ... par tailler des lacets dans les courroies abandonnées. Puis, l’idée lui étant venue d’utiliser ces mêmes courroies comme bracelets qui, noués puis munis d’un fermoir, permettaient de fixer au poignet les montres à gousset par soudures d’anses à midi et six heures, il avait ainsi cru inventer le bracelet-montre. Il caressait ensuite le magnifique projet de faire breveter cette invention à son retour – avant d’apprendre alors que cette idée avait été conçue dix ans plus tôt par Louis Cartier pour aider son ami Santos-Dumont, cet aviateur s’étant plaint de ne pouvoir extraire sa montre de sa poche en pilotant.
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Rien n'est ennuyeux comme les récits de rêve. Même s'ils ont l'air à premiere vue drôles, inventifs ou prémonitoires, leur prétention de film à grand spectacle est illusoire, leurs scénarios ne tiennent pas debout.
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Au bout de ces six années, la sœur aînée du socialisme et ses fondés de pouvoir pragois, qui ont fait d'Alexander Dubcek un jardinier, décident de rappeler Emile dans la capitale avec l'idée de le promouvoir en faisant de lui un éboueur. Cela semble une vraiment bonne idée, histoire de l'humilier, mais il apparaît vite que ce n'est pas une si bonne idée que ça. D'abord, quand il parcourt les rues de la ville derrière sa benne avec son balai, la population reconnaît aussitôt Emile, tout le monde se met aux fenêtres pour l’ovationner. Puis, ses camarades de travail refusant qu'il ramasse lui-même les ordures, il se contente de courir à petites foulées derrière le camion, sous les encouragements comme avant. Tous les matins, sur son passage, les habitants du quartier où son équipe est affectée descendent sur le trottoir pour l'applaudir, vidant eux-mêmes leur poubelle dans la benne. Jamais aucun éboueur au monde n’aura été autant acclamé. Du point de vue des fondés de pouvoir, cette opération est un échec.
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Or, on ne quitte pas cette guerre comme ça. La situation est simple, on est coincés ; les ennemis devant vous, les rats et les poux avec vous et, derrière vous, les gendarmes. La seule solution consistant à n'être plus apte, c'est évidemment la bonne blessure qu'on attend faute de mieux, celle qu'on en vient à désirer, celle qui (voir Anthime) vous garantit le départ mais le problème réside en ce qu'elle ne dépend pas de vous. Cette bienfaisante blessure, certains ont donc tenté de se l'administrer eux-mêmes sans trop se faire remarquer, en se tirant une balle dans la main par exemple, mais en général ils ont échoué ; on les a confondus , jugés puis fusillés pour trahison. Fusillé par les siens plutôt qu'asphyxié, carbonisé, déchiqueté par les gaz, les lance-flammes ou les obus des autres, ce pouvait être un choix. Mais on a aussi pu se fusiller soi-même, orteil sur la détente et canon dans la bouche, une façon de s'en aller comme une autre, ce pouvait être un deuxième choix.

page 94
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Vous reviendrez tous à la maison, a notamment promis le capitaine Vayssière en gonflant sa voix de toutes ses forces. Oui, nous reviendrons tous en Vendée. Un point essentiel, cependant. Si quelques hommes meurent à la guerre, c'est faute d'hygiène. car ce ne sont pas les balles qui tuent, c'est la malpropreté qui est fatale et qu'il vous faut d'abord combattre. Donc lavez-vous, rasez-vous, peignez-vous et vous n'avez rien à craindre.
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... on ne quitte pas cette guerre comme ça. La situation est simple, on est coincés : les ennemis devant vous, les rats et les poux avec vous et, derrière vous, les gendarmes. La seule solution consistant à n’être plus apte, c’est évidemment la bonne blessure qu’on attend faute de mieux, celle qu’on en vient à désirer, celle qui ... vous garantit le départ, mais le problème réside en ce qu’elle ne dépend pas de vous. Cette bienfaisante blessure, certains ont donc tenté de se l’administrer eux-mêmes sans trop se faire remarquer, en se tirant une balle dans la main par exemple, mais en général ils ont échoué : on les a confondus, jugés puis fusillés pour trahison. Fusillé par les siens plutôt qu’asphyxié, carbonisé, déchiqueté par les gaz, les lance-flammes ou les obus des autres, ce pouvait être un choix. 
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En attendant, il est devenu l’homme à abattre, la référence absolue, l’étalon-or de la course de fond. On peut même se demander, s’interrogent gravement les chroniqueurs, s’il ne commet pas une grosse erreur psychologique en battant les records du monde à une cadence inlassable. Car enfin, maugréent-ils, il va bien arriver un jour où l’étonnement fera place à la curiosité polie, puis la curiosité à l’indifférence et, le jour où l’extraordinaire deviendra quotidien, il ne sera plus extraordinaire du tout. On ne recommencera de s’étonner que lorsque Émile perdra.
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On a repassé la parole aux experts qui ont commencé à se disputer entre eux, leurs échanges étant rythmiquement coupés par des séquences à vif : interviews de témoins - j'ai reconnu l'une des filles qui tiennent l’accueil au centre commercial -, réaction du ministère de l'Intérieur, souvenirs d'astronautes, premiers pronostics des sondeurs d'opinion. Point sur la situation à Auteuil effectué tous les quarts d'heure par un stagiaire sur fond de ruines fumantes, pendant qu'un autre battait la semelle devant le seuil de l'ambassade de Russie. Puis le plateau s'est renouvelé : on a fait venir, tant qu'on y était, des philosophes, des hommes d'Eglise et des tenants du millénium, il y a même eu un druide évhémériste en tenue vociférant que c'était toujours pareil, qu'il s'était tué à prédire un désastre et qu'on n'avait pas voulu l’écouter.

Le tout se trouvait évidemment scandé par des spots marchands de toute espèce - croisières de rêve, détergent phénoménal, monte-escalier mirobolant -, les annonceurs ayant triplé leur prix à l'occasion de cette affaire et, comme cela traînait, je suis passé de chaîne en chaîne jusqu'à tomber sur un documentaire à ma convenance. Or celui-ci, d'abord innocemment animalier, mais qui évoquait l'extinction à moyenne échéance des éléphants d'Asie comme d'Afrique, anticipait ensuite celle de l'ensemble des animaux, de moins en moins grosse taille et à plus ou moins long terme. Comme il tendait à se conclure encore sur le thème général des catastrophes, devant celles-ci je me suis lassé puis rassoupi.
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La situation est simple, on est coincés : les ennemis devant vous, les rats et les poux avec vous et, derrière vous, les gendarmes.
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Jean Echenoz
Le corps se transforme en passant une frontière, on le sait aussi, le regard change de focale et d'objectif, la densité de l'air s'altère et les parfums, les bruits se découpent singulièrement jusqu'au soleil lui-même qui a une autre tête.
(Je m'en vais)
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Comme il marchait tout en blaguant à mi-voix avec les autres, tâchant cependant de mesurer fièrement son pas, Anthime a cru distinguer Blanche sur le trottoir gauche de l’avenue. Il a d’abord pensé que c’était une ressemblance et puis non, c’était elle, Blanche, habillée comme pour un jour de fête, jupe rose légère et corsage mauve de saison. Pour s’armer contre le soleil, elle avait déployé sur son corps un large parapluie noir pendant qu’on exsudait en cadence sous le képi neuf qui serrait dur les tempes, sous le sac sanglé selon les consignes et qui, ce premier jour, ne pesait pas encore trop sur les clavicules.
Comme il s’y attendait, Anthime a d’abord vu Blanche porter vers Charles un sourire fier de son maintien martial puis, comme il arrivait à sa hauteur, cette fois non sans surprise il a reçu d’elle une autre variété de sourire, plus grave et même, lui a-t-il semblé, un peu plus ému, soutenu, prononcé, va savoir au juste. Il n’a pas vu ni tenté de voir comment Charles, de toute façon de dos, répondait à ce sourire mais lui, Anthime, n’y a réagi que par un regard, le plus court et le plus long possible, se forçant à le charger du moins d’expression disponible tout en en suggérant le maximum – nouvel exercice cette fois doublement antinomique et qui, tout en se contraignant à tenir le pas, n’était pas une petite affaire.
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Un point essentiel, cependant. Si quelques hommes meurent à la guerre, c'est faute d'hygiène. Car ce ne sont pas les balles qui tuent, c'est la malpropreté qui est fatale et qu'il vous faut d'abord combattre. Donc lavez-vous, rasez-vous, peignez-vous et vous n'avez rien à craindre.
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