Citations de Jean Fourastié (10)
Nos contemporains se séparent en deux camps : les inconditionnels des bienfaits apportés à l'homme par les techniques modernes et les nostalgiques d'un passé plus ou moins vague et idéalisé.
Mais comment vivaient en réalité notre ancêtre "François", l'homme des ville et l'homme des champs ?
"Suivons Arthur Young dans son voyage à cheval à travers la France, Francinet tournant sa meule dans une cave, Martin Nadau maçon de la Creuse, montant à pieds vers Paris..."
Et bien d'autres héros des "romans vérité" du Moyen-âge à l'aube de notre ère industrielle.
Oubliez toutes vos idées reçues et...bon voyage !
(quatrième de couverture de l'édition de poche parue en 1986)
La « vacuité » à court terme qui tend à envahir ainsi nos cerveaux est accentuée par les multiples attentes qu'impose le milieu technique : l'efficacité même de nos techniques résulte du groupement, de la concentration de nos actions en séquences très denses, mais par conséquent coupées de temps morts absolument dépressifs : ainsi l'homme moyen doit sans cesse attendre, l'autobus, le train, l'avion, le feu vert, l'heure fixée, le visa, la douane, la communication téléphonique... au point que l'on a parlé de la civilisation de l'attente.
Or, ces attentes, où, par définition, la personnalité est sans pouvoir sur les choses qui lui importent, et qui contrastent à la fois avec les désirs d'action et avec les actions ultérieures, développent l'irritation, l'inquiétude, et, par réaction, la passivité.
L'on pense communément aujourd'hui [En 1965] que dans un avenir assez proche, l'homme moyen des nations économiquement avancées pourra satisfaire à ses besoins avec un travail professionnel d'une durée de trente heures par semaine.
« Pendant nos cinq premières années, sans parent et sans maître, nous avons à peine pu nous distinguer d'autres mammifères ; puis nous avons trouvé l'art, la morale, le droit, la religion. »
« Nous savons lire et écrire depuis moins d'un an. Nous avons construit le Parthénon voici moins de trois mois ; il y a deux mois, le Christ est né. Il y a moins de quinze jours, nous avons commencé d'identifier clairement la méthode scientifique expérimentale, qui nous permet de connaître quelques réalités de l'Univers ; il y a deux jours que nous savons utiliser l'électricité et construire des avions.»
« Nos meilleures expériences politiques, économiques et sociales datent de moins d'une semaine ; les premiers vagissements des sciences humaines de quelques jours. »
« Voici quelques minutes, Gaston Berger montrait la nécessité de la recherche prospective, c'est-à-dire de la prévision en vue de la décision. »
« Nous sommes en pleine croissance, après avoir franchi lentement les étapes d'une enfance difficile : notre corps se développe à la vitesse hallucinante de 3 % par heure, notre faculté de production à peu près aussi vite, notre faculté de connaissance plus vite encore. Nous ne savons pas encore quels seront dans l'avenir la taille et le poids de notre corps et de notre cerveau, s'ils ont un optimum. »
« Nous sommes un petit garçon de dix ans, courageux, fort et plein de promesses ; nous saurons dès l'an prochain faire beaucoup de dictées sans fautes et calculer correctement les règles de trois. Dans deux ans, nous entrerons en classe de sixième et nous ferons notre première communion solennelle. »
« Dans 100 000 ans, nous atteindrons notre majorité… »
Dans la pratique, les Français -comme l'ensemble des autres peuples d'ailleurs- sont très favorables à l'égalité... avec ceux qui sont mieux placés qu'eux, et très attachés à maintenir l'écart les séparant de ceux qui sont moins bien lotis. Autrement dit, ils sont pour l'égalité mais ils n'y consentent que par le haut (page 48).
L'époque traditionnelle ne connaissait pas le prolétariat, parce que les prolétaires ne pouvaient pas subsister, ne survivaient pas aux famines. De sorte que nous sommes tous les fils, non de générations de misérables, mais de privilégiés (détenteurs de terres, de moyens de production, métayers), quoique très pauvres.
Si j'ai pu qualifier de « glorieuses » les trente années séparant les recensements de 1945 et de 1975, c'est parce que je les considérais quant à la promotion du niveau de vie et du genre de vie des Français ; je dois dire qu'elles ne me paraissent telles — et de loin — en aucun autre domaine, ni quant à la réflexion philosophique, ni quant à l'art, ni quant aux lettres, ni quant à la vie spirituelle, ni quant à la démographie, à la vitalité, à la vertu...
Ainsi commence à se dessiner la physionomie mentale d'un homme riche, sans foi et sans Dieu. Il n'est plus occupé que quelques dizaines de milliers d'heures sur sept cent mille, aux tâches traditionnelles de la prière et du travail. Au-delà de la frénésie quotidienne, du bricolage, de la pelouse à tondre et des voyages organisés, il est seul, en face de lui-même, n'ayant (presque) rien à faire, sinon penser à des choses bizarres qu'il ne comprend pas.
Il est plus facile de parler dans la nuit que de produire de la lumière.
Nous savons bien que la condition humaine reste tragique, et qu'elle sera peut-être même d'autant plus ressentie comme telle que l'homme disposera de plus de temps pour s'informer, pour comprendre (pour tenter de comprendre) et pour réfléchir.