Citations de Jean-François Marmontel (23)
Nous passons tour à tour de la crainte à l'audace,
Et toujours incertains, et toujours curieux,
De nos perplexités nous fatiguons les dieux.
La reine Elisabeth demandait à Cecill : "Que s'est-il passé au conseil ?" Quatre heures, madame, répondit le ministre.
Article "Finesse".
Nous passons tour à tour de la crainte à l'audace,
Et toujours incertains, et toujours curieux,
De nos perplexités nous fatiguons les dieux.
(Les Héraclides, acte 1, sc. 2 (Sténélus), 1752)
on traçait sur des cartes, de poste en poste, la route du Bonheur, le chemin de l'Amour : par exemple, on partait du port d'Indifférence, on s'embarquait sur le fleuve d'Espérance, on passait le détroit de la Rigueur, on s'arrêtait à Persévérance, d'où l'on découvrait l'île de Faveur, où faisait naufrage Innocence.
Combien de fois les juges ne pourraient-ils pas dire aux avocats ce que les Lacédémoniens disaient à un certain harangueur prolixe : "Nous avons oublié le commencement de ta harangue : ce qui est cause que, n'ayant pas compris le milieu, nous ne saurions répondre à la fin".
Le mérite éminent des Grecs, et une gloire qui les distingue, est d'avoir été inventeurs et de n'avoir eu pour modèles et pour objets de comparaison que la nature et leurs propres ouvrages. Les Romains, au contraire, furent imitateurs. La Grèce leur transmit les arts : ce fut sa plus riche dépouille.
Mais le propre de l'ignorance est de faire tout admirer.
Tirer les hommes de la barbarie, c'est donc commencer par les rendre à la nature en corrigeant en eux toux les vices acquis, tous ces travers de l'esprit et de l'âme ; et à mesure qu l'un et l'autre se relèvent et se rectifient, le sentiment du vrai, du bien, du beau moral, enfin tous les rapports, soit d l'homme avec l'homme, soit de l'homme avec la nature se rétablissent par degrés.
Pour commander aux éléments,
Tu m’as bien donné ta puissance,
Mais les cœurs ne sont pas sous ton obéissance,
L’amour est au-dessus de tes enchantements.
À la timide plainte il faut vous abaisser.
C'est le destin du faible: on veut qu'il s'humilie,
Et la force arrogante attend qu'on la supplie.
Numitor (1782)
Une femme à qui un homme faisait froidement une déclaration d'amour très passionnée dans les termes, et qu'il semblait réciter par coeur, lui demanda tranquillement : Qui est-ce qui disait cela ?
Article "Finesse".
Un créancier dont le débiteur déniait la dette, et venait en justice de s'en libérer par serment, cria, dans le temps que son homme avait encore la main levée : "N'y a-t-il pas encore ici quelque créancier de monsieur, pendant qu'il a la main à la bourse ?
Article "Finesse".
Paroles simples et d'un grand poids vivacité piquante, qui partait comme un trait, et qui allait droit au but : ce fut l'éloquence lacédémonienne.
Merville, évêque de Chartres, en demandant au feu roi quelque argent pour les pauvres de son diocèse dans ne grande cherté de grain lui dit : "Sire, vous vivez dans l'abondance, et vous ne connaissez pas la famine ; mais la famine amène la peste, et la peste est pour tout le monde". C'est là encore de l'éloquence sans aucune amplification.
Fernand Cortès, à son retour du Mexique, rebuté par les ministres de Philippe II, et n'ayant pu approcher de lui, se présente sur son passage, et lui dit : "Je m'appelle Fernand Cortès, j'ai conquis plus de terres à Votre Majesté qu'elle n'en a hérité de l'empereur Charles-Quint, son père ; et je meurs de faim". Voilà de l'éloquence.
La sauvegarde et en même temps le fléau du goût, c'est la critique.
"L'esprit qu'on veut avoir gâte celui qu'on a.'
Jean-Baptiste Gresset.
Environné de toutes parts de modèles inimitables, chacun veut être original. Mais l'originalité doit être dans le génie et non pas dans le "goût". C'est l'idée, le sentiment, l'image, la pensée, qui doit distinguer l'écrivain ; c'est l'invention des traits de caractère, de mouvements de l'âme, de l'accent des passions, des moyens d'instruire et de plaire, de séduire et d'intéresser, de persuader et d'émouvoir ; c'est aussi l'invention du mot piquant, du mot sensible, du mot juste ans sa nuance, du mot rare et propre à la fois, du tour élégant et précis, de l'expression vive et saillante, souvent inattendue, mais toujours naturelle ; enfin, c'est l'invention du style, mais d'un style analogue au sujet que l'on traire, et dont le ton et la couleur répondent à l'objet que l'on peint.
Voltaire a loué Bossuet d'avoir appliqué l'éloquence à l'histoire : ne peut-on pas le louer lui-même, et un grand nombre d'écrivains après lui, d'avoir associé l'éloquence avec la philosophie, et celle-ci avec l'art des vers ? Dans quel autre siècle a-t-on vu les idées morales et politiques si abondamment répandues, et éloquemment exprimées ?
Le premier des incas, fondateur de Cusco, avait institué en l'honneur du Soleil quatre fêtes qui répondaient aux quatre saisons de l'année ; mais elles rappelaient à l'homme des objets plus intéressants : la naissance, le mariage, la paternité et la mort.
La fête qu'on célébrait alors était celle de la naissance, et les cérémonies de cette fête consacraient l'autorité des lois, l'état des citoyens, l'ordre et la sûreté publique.