"Heropolis" de Jean-François Paillard, à paraître le 1er mai 2024
Au-delà, jusqu'à l'horizon que troue le halo de la lune, je vois ondoyer, en plissés noir et or, l'ombre immense et mouvante de la mer.
" C'est magnifique... je murmure.
- Ne t'y fie pas, le Parisien, me souffle Jean-No. Ce coin de paradis est l'un des plus pollués de France. De la madrague de Montredon jusqu'à l'Escalette, pas moins de dix usines traitant de la soude, l'acide tartrique et le plomb argentifère ont été bâties aux siècles derniers. On a beau être au coeur du parc des Calanques, les plages sont gorgées d'arsenic et de métaux lourds. Elles sont interdites d'accès et la cueillette des moules et des oursins est prohibée. Du moins, en principe...
- Comment ça, en principe ?
- Les panneaux ont été arrachés par les édiles pour ne pas effrayer les touristes."
- A ce propos, il y a une chose qui me titille, je l'apostrophe. Vous m'avez dit au téléphone que Drili s'était lancé dans une tentative de chantage. Il menace le maire de quoi, au juste ? Et pourquoi ?
- Pourquoi ? C'est tristement simplissime, répond Terrier en souriant d'un air bonasse. Un projet de rénovation prévoit de détruire le bâtiment G et la tour K, les deux principaux points de deals de la cité. A la place, il est question de construire des unités d'habitation à taille humaine et de faire passer une avenue qui coupera la cité en deux. Autant d'initiatives qui signeront l'arrêt de son juteux trafic.
On se retrouve à Marseille là où tout se règle par règlement de compte... et ce roman n'y échappe pas.
Ce qu'on a bien compris c'est le piège dans lequel Nicolas est tombé et dont il essaie de se venger sans aucune pitié.
Par contre, il m'a été parfois difficile de suivre l'histoire notamment à savoir qui en voulait à qui et pourquoi...
On suit avec suspens les aventures de Nicolas pour savoir s'il va pouvoir se sortir de ce guêpier dans lequel il est tombé.
Enfin, j'ai beaucoup aimé la fin où nous attend une inattendue nouvelle.
" Pourquoi ne le feriez-vous pas vous-même ou ne le faites-vous pas faire par un de vos hommes ?
- Vous rigolez ? Je n'ai aucune envie de courir le risque que moi ou un de mes gars soit vu en train de fureter autour de la villa de Dubreuil. On est à Marseille, monsieur Narval. Ici, tout le monde se connaît, tout le monde s'embrasse, tout le monde se tutoie, mais tout le monde s'épie, tout le monde galèje, tout le monde trahit. Je ne donnerais pas trois jours à Dubreuil avant qu'il soit mis au courant de la carambole.
- José n'est pas mon ami. Ça fait quarante ans que j'ai appris à ne faire ami-ami avec personne. Tiens je parie que vous croyez qu'à Marseille tout fonctionne à l'affect. Qu'on fait partie d'une grande famille. Que la ville est un joyeux bordel. Que rien n'est organisé. C'est tout le contraire. Ici, chacun sa place. Chacun ses responsabilités. Chacun ses soucis. Le système est froid et implacable. Huilé à la perfection.
Karim Drili. Vingt-sept ans, rauque Paoli en suçant son cigarillo.
- Trente-deux condamnations à son actif, enchaîne Terrier. Chaque fois pour des délits mineurs.
- Il règne sur les vingt-cinq barres et la tour K de la Castellane, complète José. La Castellane, c'est huit mille habitants, dont la moitié au chômage.
- C'est aussi l'un des commerces de stupéfiants les plus prospères de France, rebondit Paoli.
- Il règne à la Castellane un sentiment d'impunité que vous n'imaginez pas, surenchérit Paoli. Songez que le matin où le gamin a été abattu, le directeur régional de la police judiciaire s'est fait cracher dessus par un jeune qui voulait franchir le périmètre de sécurité.
- Une main noire ?
- C'est comme ça qu'on appelle ceux qui sont chargés de couper le shit dans les caves. Ils le réduisent en poudre au mixer et y ajoutent de l'huile de vidange. Ou du pneu. Kamel avait peut-être foutu le bordel.