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Citation de lanard


La pruderie dans le langage est donc reconnue par lui [Lewis Carroll] pour ce qu'elle est: une erreur, qui nous fait prendre les mots pour des idées ou des concepts, qu'ils ne sont pas. C'est au reste tout l'enseignement de Carroll le logicien - mais non pas, semble-t-il, du chrétien Carroll. Qu'en conclure donc? D'une part que se vie, et son œuvre aussi, du moins celle qu'il a écrite "consciemment", témoignent d'une constante fidélité à ces deux notions de l'existence d'une puissance divine, et de l'infinie bonté de celle-ci. D'autre part, et presque contradictoirement, qu'est grande l'insécurité que crée chez lui le maniement irréfléchi de mots qui pourraient mettre en danger un équilibre peut-être fragile: le verbe devenant le garant, et non le signe, de l'idée ou du dogme. Sa défiance à l'égard des idées (rappelons-nous ce qu'il écrit dans Logique symbolique des sophismes contenus dans bien des sermons), sans jamais se traduire par une mise en question des dogmes eux-mêmes, si ce n'est celui de l'enfer, fortement contesté par tout son temps, se révèle, se trahit même par le refus, inhabituel chez lui, de toucher l'échafaudage verbal par quoi les dogmes sont, directement ou non, soutenus. Signe de doutes religieux? Peut-être pas. Mais signe à coup sûr, et ce malgré ses dénégations, du refus de faire porter sur l'ensemble de sa foi le regard aigu du raisonnement logique, dont il était mieux placé que bien d'autres pour connaître la force. L'intuition lui demeure, et la permanence d'une attitude humaine faite avant tout de charité - mais la certitude, sur ce point du moins, semble échapper à cet instrument dont lui-même cependant soulignait dans sa Logique le caractère universel. Si le divorce entre le cœur et la raison n'est pas nécessairement le signe d'une foi mal assurée, du moins nous fait-il comprendre que, là où les facultés intellectuelles mettant en jeu le raisonnement logique ont libre cours, la foi, sans être écartée, reste absente. Si aucun syllogisme ne peut servir à démontrer l'existence de Dieu, non seulement celle-ci ne saurait être l'objet de réflexion, mais même elle ne peut que disparaître lorsque la création littéraire, dans le nonsense, est le fruit de cette même logique. L'absence de Dieu dans les deux Alice et dans le Snark est l'envers du triomphe de la logique qui caractérise ces ouvrages. Wittgenstein disait: "La philosophie commence quand le langage part en vacances." De la même façon, il semble que, pour Carroll, Dieu n'apparaisse qu'avec l'effacement ou le départ de la logique. Ce n'est pas dire que la foi soit chez lui insincère ou fragile, mais simplement qu'elle ne se confond jamais avec la logique, qu'elle se conjugue peut-être avec elle, mais peut-être aussi comme l'eau avec le feu. Pilier, certes, mais non pas unique.
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