Cette semaine, Grégor Péan était l'invité de Valérie Expert et Gérard Collard pour parler de son second roman, le ciel t'attend, et de l'incroyable histoire de Yuri Gagarine, le premier homme qui volera dans l'espace. Mais à quel prix ?
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Grégor Péan sera aussi à La Griffe Noire à #saintmaurdesfosses le samedi 6 avril pour vous rencontrer !
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Certains prétendirent qu’on avait acté de le supprimer en haut lieu. Réduit au rang de has been, de casse-cou porté sur la vodka et les femmes, il avait fini par devenir gênant. Grand étendard du communisme et de l’URSS pendant des années, son image s’était ternie. L’ouvrier communiste ne pouvait pas avoir pour modèle un trublion alcoolique, amateur de voitures de sport.
Péan imprégné d'éducation religieuse, était convaincu par la nécessité de pardon. D'ailleurs, ceux qui avaient dessiné la frontière du bien et du mal avaient laissé une place pour ceux qui s'y étaient perdus.
C'est important de savoir que notre laideur, quelle qu'elle soit, cache une certaine beauté.
Un soir, il nous raconta qu'il avait pris un verre avec un espion et que la règle numéro un pour ce genre de personnage était de toujours se mettre dos au mur. J'aimais bien ces histoires.
" On avait sûrement calomnié Joseph K..., car, sans avoir rien fait de mal, il fut arrêté un matin. "
Franz Kafka, Le Procès.
(page 7).
[...] Dans les années 1950, l’audit en est encore à ses balbutiements, et il faudra un demi-siècle pour voir fonctionner à plein régime cette machine à chasser l’amateurisme des entreprises du monde entier. Il faut aussi se remémorer que l’audit, tel qu’il est importé par Marina Socovna, n’a rien à faire dans les bâtiments qui abritent le cœur du pouvoir, toujours enclin à s’auto-protéger.
[...] - Vous ne risquez rien à dire la vérité, on veut connaître votre façon de travailler, c’est tout ! »
Au début, tout le monde croit à une blague, tant l’opacité a toujours triomphé ici. L’idée de transparence est non seulement inédite, mais surtout associée à une extrême faiblesse. Dire la vérité, être honnête, c’est l’exact opposé de ce qui fait la force de la police secrète en général, et celle de l’URSS en particulier.
Un peu comme un baby blues, ceux qui ont préparé des épreuves pendant des années se sentent désorientés quand celles-ci sont passées ou déprogrammées. Le mental, le corps ont tendu vers un même objectif, et la disparition de ce dernier laisse la personne hagarde. Comment se comporter lorsqu’on ne se prépare plus à être le meilleur ? On se sent redevenir banal, et cette banalité a un goût de médiocrité. Ceux qui ont une vie ordinaire ne connaîtront jamais ce sentiment. Mais les cosmonautes n’ont pas une vie ordinaire, on l’aura compris. Ils côtoient les extrêmes, la peur ou la joie ultime.
D’autant que Youri Gagarine croyait avec sincérité en la supériorité du communisme sur les autres systèmes. Certes, il avait subi la propagande pendant ses études, ce rabâchage à coups d’histoires de Lénine, de la révolution, et de caricature du peuple américain. Mais, à titre personnel, il voyait bien que le système l’avait plus que promu. Venu d’un village sans eau courante, né en quelque sorte au Moyen Âge, il était entré dans la machine la plus sophistiquée du monde. Dans ce système, un gosse de paysan n’avait-il pas fait des études tout à fait honorables de métallo-fondeur ? Puis de pilote d’avion, avant d’être recruté pour un programme très spécial ? Youri se souvenait avec acuité des mots de son instructeur : « Aux États-Unis, seuls les fils de pilotes deviennent pilotes. Ici, tout le monde a droit à sa chance. »
[...] Avoir ainsi été nommé, c’était la forte probabilité d’être classé parmi les plus grands explorateurs du monde, à l’instar de Christophe Colomb.
[...] Des prouesses dont aujourd’hui encore l’homme de la rue se souvient.
[...] Quand elle revit son Youra, elle sut que son heure était venue. L’appartement correspondait à ses attentes. Les meubles, l’espace, l’éclairage, tout était gris : une véritable épiphanie. Jamais couple ne fut aussi heureux dans un décor si sinistre.
[...] Ils avaient cela en commun, de penser, toujours, que la vie était belle.