Comme nous venons de le voir, à une époque où les Français et la plupart des Européens vivaient sous le joug d'un roi de droit divin, les Corses fondèrent une république démocratique et laïque, sous l'autorité de Pasquale Paoli. Ce dernier sépara fermement ordre politique et ordre religieux, quitte à être sévèrement critiqué par les "intégristes" d'alors. Il invita des juifs à venir s'installer en Corse et leur reconnut expressément le droit de vote. Paoli respectait également les musulmans et hébergeait les corsaires tunisiens lorsqu'ils connaissaient des avaries sur les côtes de Corse. Il entretenait des relations cordiales avec le bey de Tunis. Ces relations étaient fondées sur un respect réciproque. Si la laïcité corse fut une laïcité sereine, c'est que l'île baignait à l'époque dans les Lumières italiennes, lesquelles, à la différence des françaises, ne poursuivaient pas l'objectif d'éjecter le fait religieux de la société. Comme son maître Antonio Genovesi, ou Dante Alighieri dont il était le lecteur, Paoli était favorable à la séparation entre le politique et le religieux, mais sans tomber dans l'anticléricalisme violent qui caractérisa les penseurs - et bientôt les révolutionnaires - français. Cette différence de sensibilité ne sera d'ailleurs pas pour rien dans la rupture de 1793 entre la Corse de Paoli et la Convention.