Du reste, en plein cauchemar du décès de ma mère, je passais par des moments qui me choquaient davantage que l’immensité de mon chagrin, des millisecondes où j’étais soulagée qu’elle soit partie, quand je m’avouais qu’il y avait une sorte de liberté dans le fait d’être débarrassée d’une mère, d’être capable de vivre sans elle. Et à d’autres moments j’éprouvais une bouffée d’euphorie d’une telle fulgurance à l’idée d’être en vie que j’en étais consternée. Même torturée par la douleur, c’était une sensation parfois si intense que la mort de ma mère ne semblait pas un prix trop lourd à payer pour l’éprouver. J’étais atterrée par la trahison que représentaient ces pensées, par la créature sans cœur qu’elles révélaient.