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Critiques de Jean Hougron (47)
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Le Naguen

Le Naguen :

Un roman très correct ...



L'auteur a reçu un prix de l'académie française pour un autre de ses romans ( une suite de textes en fait ) : cf. : La nuit indochinoise ....

Le Nagen lui a été gratifié du prix de la SF française à sa sortie .

C'est un excellent roman , pour les plus jeunes et pour les moins jeunes .

Le thème général est celui du contact , celui de la cohabitation difficile entre espèces , celui de la guerre et de la paix ainsi que celui de l'opinion publique et de la manipulation .



C'est une réflexion que ce roman qui se trouve être d'une subtilité impressionnante .

Une réflexion qui évite les écueils du manichéisme et surtout ceux de la complaisance mièvre .

L'auteur matérialise dans son récit des espèces sur des bases sociobiologiques et depuis ce point de départ : Il se lance dans un certain nombre de constats objectifs .

C'est un roman très soigné avec des personnages très solides et une intrigue à tiroirs et pièges .

Un vrai réflexion sur l'altérité extrême .. la liberté .. la manipulation des masses et le sens des conflits armés .



Un texte où le fond qui est très solide n'étouffe ni les aspects science-fiction , ni les aspects romanesques .

Du solide à explorer et un must pour les amateurs du thème du contact .



PS : L''auteur a manifestement un rapport intime avec l'oppression politique .

Il affiche la démarche méritoire , de faire bénéficier le lecteur de son expérience , dans cette fiction avenante tout en n'étant lui-même sous l'emprise d'aucune idéologie ou simplement d'une lecture simpliste de la réalité .

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Certains amateurs du genre qui se braquent sur Starship troopers , car il n'est pas évident ( à première vue ) de saisir que l'auteur aborde le politique en créant un univers réactionnaire qui est une métaphore nuancée qui sert une réflexion de fond .

Eh bien , si vous êtes allergique ( ce que l'on peut comprendre si on prend ce texte à lettre ) à la société qui sert de base aux réflexions d' Heinlein , vous adorez le programme de ce roman : Le Nagen .

Les auteurs de science-fiction qui sont primé par l'académie française ne courent pas les rues ( sourire ) et ce sera ma conclusion .

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La chambre



De Jean Hougron (1923-2001) j’ai lu au fil des années pratiquement tous ses romans. Entre 1969 et l’année de son décès exactement 17.

C’est par hasard que je suis tombé récemment sur "La chambre" qui a été publié en 1982 et qui ne fait pas partie de son cycle romanesque de l’Indochine française.



En cherchant, j’ai découvert, par ailleurs, de lui une nouvelle d’une quarantaine de pages de 1955, intitulée "Quatrième étage", que je compte commenter ici prochainement.



C’est au cours de ses pérégrinations pendant 5 ans en l’actuel Vietnam, Cambodge et Laos, quand il n’avait que 24 ans, que Jean Hougron a commencé sa remarquable carrière littéraire, qui a débuté en 1950 avec "Tu récolteras la tempête" et qui fût tout de suite un grand succès de vente.



L’adaptation à l’écran, en 1957, par Marcel Camus, dont c’était le premier film, de son roman "Mort en fraude" avec Daniel Gélin, Anh Méchard et Jacques Chancel, a sans doute amplement contribué à la popularité de l’œuvre de Jean Hougron.



Contrairement à ces romans et d’autres romans exotiques, tels "Les portes de l’aventure", "La terre du barbare", "Rage blanche", "Soleil au ventre", etc. l’ouvrage sous rubrique est une œuvre foncièrement psychologique.



L’histoire commence par l’arrivée à Lieuvain (une ville fictive de la France profonde) du docteur Simon Gentier qui y vient remplacer le docteur Jonard qui part avec son épouse un mois en vacances.



Comme toubib, il fait très vite la connaissance des notables et personnalités de l’endroit, parmi lesquels la riche héritière Hélène Delalande, 32 ans.



Entre Simon et Hélène se développe très vite une relation amoureuse complexe et compliquée. Les 2 protagonistes trimbalent tous les deux une lourde hypothèque de leur passé, qui inhibie, voire perturbe, un rapprochement stable et durable.



Il y a bien entendu l’interférence d’autres personnes de leur environnement dans la relation du couple, mais c’est essentiellement la confrontation psychologique de 2 âmes perdues par des événements antérieurs qui provoquent le doute, la méfiance, la peur et des volte-face pénibles et douloureux.



Rendre un livre de 358 pages serrées avec un tel thème captivant, relève à mon avis de l’exploit et de l’art.



J’ai été content de retrouver Jean Hougron, même si son récit n’est pas situé dans cette atmosphère nostalgique de l’Indochine française.



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Je reviendrai à Kandara



André Barret, 37 ans, enseigne le français à l’Institution catholique Saint-Marc. C’est un homme désabusé après avoir connu un pénible échec professionnel à Kandara, ville du Kenya, où il est tombé malade et n’a pas pu y rester. Ses espoirs d’une vie féconde et aventurière ont donc lamentablement avortés. Il vit désormais un quotidien bien étriquée à Loudun , petite ville de la Vienne. Sa femme Pascale, rêvait d’une existence plus excitante, moins monotone, le ménage bat de l’aile, et la présence envahissante de la belle-mère n’est pas pour arranger les choses.

Un soir, le professeur entrevoit une ombre se déplacer sur un toit. Le lendemain, on apprend qu’un meurtre a été commis : le cafetier Cordelec, un usurier en est la victime. Dès lors, ses soupçons se portent sur Bernard Cormiere, 24 ans, qui vient prendre chez lui des cours de français en vue de passer un concours administratif. Le professeur se sent menacé. Un soir, après une réunion de conseil de classe, en traversant un parc désert, Barret voit surgir le jeune homme , il est persuadé qu’il va le tuer, et c’est lui qui blesse mortellement Cormière qui, avant de décéder, accuse Barret du meurtre du cafetier.

Barret est arrêté, tout le désigne comme le voleur meurtrier. L'enquête se complique encore car le témoignage de son épouse est ambigu.

Au fur et à mesure que le récit avance, la tension augmente, l’étau sur Barret se resserre, le malaise s’épaissit. Barret risque au pire… la peine de mort…

Un roman intéressant qui décrit avec des mots justes, sans ostentation, la vie casanière dans une petite bourgade provinciale dans les années d’après-guerre, les difficultés pour les gagnepetit , les aspirations d’accéder à plus de confort…

Par bien des côtés, Barret, étranger à sa propre existence, m’a fait penser à Meursault, l’Etranger, mais finalement, le professeur acculé, tentera quand même de prendre son destin en main.

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Les Asiates

Jouant sur deux périodes: 1907 et 1947 les asiates raconte l'histoire de l' Indochine vue de l'intérieur et au travers de plusieurs personnages typiques de l'époque. Pour avoir vécue en Asie du Sud-Est pendant cinq ans je dois admettre que Jean Hougron, aujourd'hui tombé en désuétude surtout à cause de l'image "colonialiste" de ses romans, est le seul qui colle au plus près de la réalité de l'époque. Largement inspirés de sa propre vie ses livres sont un vrai témoignage.
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La nuit indochinoise. Tome 1 : Tu récolteras ..

Un cycle qui m'a tellement plu, que je me suis lancé dans une recherche systématique de tous les livres de Jean Hougron. Malheureusement, je suis récemment arrivé à bout en dénichant le dernier.

Pour moi, les termes Indochine française et Saigon (que j'ai pourtant visité en 1989), continuent à ėvoquer cet auteur dans mon esprit, par simple association d'idées.
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Les Asiates

Jean Hougron est un auteur trop oublié alors qu'il a une oeuvre remarquable.

Ses livres se dévorent.

Grand voyage complet.

Dépaysement assuré !

Les Asiates : sans aucun doute dans le haut du classement de ses ouvrages.
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Les Asiates

Etoiles Notabénistes : ******



ISBN : 9782221101919



Le terme "Asiate" désigne toute personne originaire d'Extrême-Orient, ceci qu'elle soit de type ethniquement asiatique ou pas. A notre époque de bien-pensance, qui condamnerait comme raciste le plus minuscule cube de glace ou encore le moindre grain de sable, soit pour leur couleur, soit pour tout autre raison bien stupide , il paraîtrait que le terme, utilisé comme adjectif (ce qui varie selon les dictionnaires) aurait acquis un sens péjoratif. Nous ne nous mêlerons pas à la querelle et nous contenterons de faire observer que "Les Asiates" dont nous parle Jean Hougron sont aussi bien viêt-namiens que métis ou blancs. Ajoutons, pour une exactitude indiscutable, que seuls deux de ces Blancs, Pierre Bressan et son épouse, Françoise, ne sont pas nés en Indochine.



C'est d'ailleurs par l'arrivée de Françoise, toute jeune mariée de seize ans, à Sai-Gon (le nom de la capitale s'écrivait en effet à l'époque, en 1907, en deux mots), que tout commence. Quand j'écris "tout", je devrais plutôt parler du drame qui va mener les Bressan au déclin en l'espace de deux guerres mondiales et quarante années. Et, en me relisant, je me dis que je ferais peut-être mieux de placer le début ce drame non pas sur la terre indochinoise mais en France, lors de la nuit de noces des nouveaux époux. Viveur égoïste, Bressan s'impose sans grande douceur à une jeune fille qui, comme tant d'autres à son époque et dans la bonne société qui est la sienne, ne connaît absolument rien de l'acte sexuel. Et, malgré ses efforts (mais en fait-il tant que cela ? ), Bressan ne parvient pas à éveiller en sa femme ce plaisir qui serait pourtant légitime et lui permettrait sans aucun doute d'aborder avec plus de facilité les immenses transformations de son existence.



Transplantée, sans grandes précautions, sur un autre continent et dans un pays qui est alors une colonie, confrontée à des usages et à une culture dont elle ignore tout et dont elle ne veut absolument rien savoir, d'ailleurs (ne serait-ce pas s'abaisser ?), Mme Bressan a pour boyesse la jeune Nam. Or, lorsque Bressan - qui se lasse très vite des corps féminins, s'intéressant plus au désir qu'au sentiment, incapable peut-être, on pourrait le croire, d'éprouver un amour véritable autrement que pour lui-même et sa petite vie confortable de fonctionnaire des Douanes - s'en va voir ailleurs lors de la première grossesse de Françoise, eh ! bien, cet imbécile adepte de la facilité en toutes choses ne trouve rien de mieux à faire que de frapper à la porte de Nam . D'où nouvelle grossesse, celle-ci pour la Viêt-namienne, qui produira le premier des enfants illégitimes de Bressan que le lecteur sera appelé à voir évoluer au gré des chapitres : le petit Chu, nommé "Pierre" en secret par sa mère, et qui ne découvrira Saigon (il naît dans le village de Nam, où celle-ci est allée dissimuler plus ou moins sa grossesse) que seize ans plus tard.



Bressan Senior s'étant montré extrêmement prolifique sur le plan de la paternité physique, dressons dès maintenant une espèce de liste de ses rejetons qui, tous, auront un rôle à tenir dans le roman :



1) de son épouse Françoise, trois enfants : Gaston, né avec un pied-bot ; Suzanne, morte un an après sa naissance ; et Henri, aussi blond que son frère est brun, aussi peu aimé de sa mère que Gaston en est chéri, doté en outre d'une beauté qui ne cessera de séduire mais, au contraire de son père, également d'un sens très aigu des responsabilités ;



2) de Nam qui, même lorsqu'elle aura perdu toute espérance de remplacer Françoise en tant que Mme Bressan, restera fidèlement au service de la famille et, sur la fin, nouera même une sorte de "pacte" tacite avec celle qu'elle considère tout de même comme sa seule maîtresse : Pierre Junior, mieux connu comme Chu et qui fera carrière dans le Viêt-minh, donnant d'ailleurs toujours un coup de main à sa parenté blanche toutes les fois qu'il le pourra ;



3) de Pauline, une jeune et belle métisse que l'opinion publique nommera toujours "la deuxième Mme Bressan" bien qu'elle n'ait jamais eu que le statut de concubine, en principe quatre enfants : Solange, qui tombera amoureuse de Henri (son demi-frère aux yeux de la loi et des parents. Mais Pauline est-elle vraiment à même de garantir l'identité de son père ? On peut s'interroger) ; Maurice, mort accidentellement noyé à l'âge de deux ans et que sa mère en fureur affirmera avoir été assassiné par Mme Bressan (ce qui est faux, même si "La Mère", comme on finira par la désigner, a assisté au triste spectacle) ; Alice, qui épousera un métis bien sous tous les rapports, Alfred Papont ; et enfin Georges qui, là, ça ne fait aucun doute, n'est pas le fils de Bressan, ce qui lui permettra de fuir plus tard avec Hiem, en principe pourtant sa demi-sœur ;



4) de Sao, la plus attachante des concubines de l'incorrigible Bressan, quatre enfants aussi, dont l'aîné, Lucien, véritable tueur en série-né et les deux plus jeunes, Bao et Petit-Sapèque, bien qu'officiellement adoubés comme des Bressan, n'ont absolument aucune goutte de sang blanc dans les veines ; et enfin, Hiem, laquelle est, en fait, la fille que Henri a eue de Sao. Secret bien gardé mais qui ne s'oppose donc en rien, on le voit, à l'union finale de la jeune fille avec Georges.



Fermez maintenant les yeux et imaginez l'incroyable et douloureux foutoir que tout cela peut donner sur une quarantaine d'années, commencées dans une stabilité coloniale évidente et qui, sur leur fin, s'enfoncent droit dans l'avenir communiste. Hougron utilise tout ce monde, qui grandit, vieillit ou meurt (parfois dans l'alcoolisme ou la démence sénile), et un pays qui, lui aussi, se métamorphose lentement mais sûrement, avec des soubresauts terribles, pour brosser une fresque véritablement fascinante pas seulement sur l'Indochine mais sur l'Indochine, vue de l'intérieur, par ceux-là mêmes qui y sont nés, blancs, demi-blancs ou jaunes, selon que leurs parents ont ou non mêlé leurs sangs.



De Lucien, l'Annamite si plein de rage et de colère qu'il en vient à accomplir les pires horreurs jusqu'à Henri, le Blanc caucasien qui ne souhaite qu'une chose en épilogue, quitter le Viêt-nam pour rejoindre Solange partie au Siam, en passant par Chu, le métis qui symbolise (en tous cas, telle est notre impression) un équilibre presque parfait entre les deux cultures, et ceci bien qu'il devienne le Colonel Vo-Thanh du Viêt-minh, et tous les autres, tous restent unis par un lien qui, familial ou pas, n'en est pas moins quasi tangible : tous sont des Asiates et le resteront, où qu'ils aillent, quoi qu'ils fassent. Avec le menu peuple viêt qui piaille, rit, joue de la musique ou se fâche dans les rues de Saigon ; avec les incontournables marchands chinois et indiens ; avec les fourmis viêt-minh que Hougron nous dépeint ici dès le début de leur travail de sape ; avec, en prime, quelques Blancs et Occidentaux de passage, qui ne comprennent rien à l'Indochine et, d'ailleurs, ne s'y intéressent pas, l'impressionnante "tribu Bressan" demeure, dans cette œuvre, comme le témoignage le plus abouti que Jean Hougron nous ait rendu sur la terre indochinoise.



Il est vrai que la partie est presque terminée. Après "Les Asiates", ne nous restera plus qu'à emprunter les chemins de "La Terre du Barbare", avec, éternel et étouffant jusqu'à l'angoisse, le besoin de la Quête vers un Ailleurs qui, pour l'auteur, fut l'Indochine mais qui, après tout, peut se situer n'importe où. L'essentiel, c'est d'y croire et, même s'il n'est pas parfait, même si l'on y croise encore la Haine, l'Injustice, voire la Médiocrité toute simple, quelle importance si nous y fraternisons aussi avec l'Admiration, le Rêve, la Découverte, la Bonté ? Après tout, tous ne font-ils pas partie de l'Ailleurs que nous recherchons ? ... ;o)
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La Terre du barbare

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ISBN : 9782221101919



Dernier volume de la saga sur l'Indochine réalisée par Jean Hougron, cette "Terre du Barbare" la clôt en beauté même si, pendant un temps plus ou moins long, le lecteur a bien du mal à s'attacher à son héros, Paul Couvray, le "petit Couvray" comme le surnomme, avec une ironie non exempte de tendresse, l'ancien ingénieur de son père, Mallart. J'ai pris un peu de temps pour réfléchir à ce qui m'a si longtemps gênée et même violemment agacée en ce héros dont je comprenais pourtant fort bien le rejet de toute autorité, inspirée par la haine qu'il vouait à son père, le "grand" Antoine Couvray, mais à qui, pour une fois, je ne parvenais pas à m'identifier.



C'est que, dans "La Terre du Barbare", Hougron met son lecteur, et plus encore le lecteur fidèle, celui qui a lu l'intégrale de ses romans consacrés à l'Indochine, au pied du mur : le Viêt-minh s'apprête à envahir le Laos, le Viêt-minh s'apprête en fait à l'emporter et il nous faut choisir notre camp. Certes, à l'époque où il écrivait ses romans, Hougron ne se doutait pas que beaucoup de ses futurs lecteurs les liraient sous l'Ere Macron et après les désastreux quinquennats que l'on sait, avec, jusque sur notre propre territoire, un ennemi qui veut notre peau de Blancs, de Chrétiens et d'Athées, et que nos gouvernants-serpillières accueillent à bras ouverts. Il ne savait pas non plus que Paris serait envahi par toutes sortes de rats. Il envisageait encore moins que de pauvres extrémistes de l'Autoflagellation en arriveraient à vouloir déboulonner les statues de Robert E. Lee, qui affranchit les esclaves des domaines apportés en dot par sa femme ... et, chez nous, de Colbert, l'un de nos plus grands ministres. Pas une minute il ne songeait que la guerre civile, cette guerre civile qu'il avait connue sous l'Occupation, se réveillerait dans nos villes, dans nos villages, prête à nous faire le plus de mal possible. Non : il ne savait pas ...



Le pressentait-il ? Si oui, c'était certainement très flou. En tous cas, ce qu'il savait déjà, c'est qu'une certaine civilisation chercherait à exterminer la civilisation occidentale.



En cette année 2017, le choix posé par Hougron est-il si difficile ? J'en étonnerai peut-être quelques uns mais, en un sens, il ne m'a pas été simple - nous sommes vraiment de bien drôles d'animaux . Et puis, bien sûr, au fur et à mesure que Paul Couvray s'affirmait, qu'il révélait en fait, face au danger qui montait, la puissance de tout ce qui le rattachait à la personnalité autoritaire, parfois tyrannique, certes cynique (on ne fait pas d'affaires sans cynisme) de son géniteur, au fur et à mesure que ce faible, qui me rappelait les soixante-huitards et les attardés des campus américains qui réclamaient "la paix au Viêt-nam", revenait à son état originel, un Français fier de son identité culturelle et qui assumait aussi bien les défauts que les qualités de celle-ci, tout s'est fait plus facile : j'ai regagné le giron que j'avais choisi, pour d'autres raisons et pour me préserver d'une autre civilisation qui, aujourd'hui, menace autant, sinon plus l'Occident, que ne le faisaient, dans les années cinquante, le Viêt-minh et l'idéologie communiste qu'il véhiculait J'ajouterai d'ailleurs que le Viêt-minh, pas plus que les communistes, ne se sont jamais autorisés à se réclamer de la parole de Dieu pour massacrer ceux qui ne partageaient pas leur avis lol! .



Si je n'ai pas grand chose à voir avec le Paul Coudray première version, si obnubilé par la personnalité hypertrophiée de son père et plus encore par ses défauts qu'il s'aveugle à dessein sur ce qu'il avait de puissant et de combatif, en revanche, je suis à cent pour cent pour le Paul Coudray des derniers chapitres, celui qui comprend - on ne l'espérait plus ! - que les autorités (occidentales comme orientales) ont trop laissé pourrir la situation pour pouvoir la redresser et que, malgré toute sa bonne volonté et les idées qu'il se fait sur la liberté et les Droits de l'homme, sa qualité de Blanc et de Français ne peut le mener, en tout cas s'il veut conserver son intégrité morale, qu'à une seule issue : le retour à la civilisation qui lui a donné vie et lui a permis d'être ce qu'il est. Paul ne revient peut-être pas au Père mais il revient auprès de lui pour combattre, pour chercher "qui aimer et qui dévorer" et, le cas échéant, pour mourir.



"La Terre du Barbare" est le roman de l'Histoire en marche, le roman du Chaos qui s'installe, dans les idées, parmi les différentes peuplades (les Laotiens ne supportent pas les Annamites), celui aussi de l'Effondrement d'un monde que la mondialisation atroce de la guerre 39-45 avait déjà touché en plein coeur - le roman enfin d'un Renouveau qu'il faudra bien que, tous ensemble ou chacun de son côté, les acteurs de la Guerre d'Indochine fassent naître et fleurir. Et l'ironie de l'Histoire veut que le monde qui s'apprête à se créer dans "La Terre du Barbare", est en ce moment-même, sous l'effet d'une autre mondialisation, celle-là économique (plus que religieuse car la religion n'est ici que prétexte), en train de nous faire ses adieux. Comme nous sommes dans l'oeil du cyclone, certains affirment ne pas s'en apercevoir tandis que les autruches, éternelles, s'enfouissent la tête dans le sable. Les plus lucides, eux, ne se font pas d'illusion mais songent déjà à l'Avenir. Et c'est cela qu'il nous faut retenir.



"La Terre du Barbare" était à l'origine un simple roman, qui racontait la fin d'un monde. Lu aujourd'hui, il dérange mais remet aussi les aiguilles à l'heure. le monde qui s'éteint sous nos yeux est la continuation de celui qui agonise dans le livre de Hougron - encore n'est-ce que le début de son agonie car, sûrs et certains de leur droit, les Américains vont bientôt se pointer en Indochine (dont ils ont aidé les Viêts à nous chasser : renseignez-vous dans les livres d'Histoire dignes de ce nom, visionnez la version intégrale d'"Apocalypse Now" et vous comprendrez que je n'invente pas) . Ce n'est d'ailleurs pas par hasard que Hougron introduit dans son roman le personnage du pasteur Américain Hallings, très préoccupé des droits de la population indigène ... Droits qui seront plus tard réglés au napalm ... Mais ceci est une autre histoire ...



Une petite vue d'ensemble de l'intrigue maintenant : Paul Couvray est le fils aîné d'Antoine Couvray, grand colon venu prospecter en Indochine avec son ami Jellanet dès les années 1910. Très tôt, Paul s'est mis à rejeter tout ce que représentait son père, homme très froid et très autoritaire, dont la fuite de son épouse, retournée en France après même pas dix ans de mariage, n'a pas arrangé le caractère. Obsédé par le travail, Antoine Couvray a créé, sur une concession qui s'appelait jadis (pour certaines raisons) "la Terre du Barbare", une magnifique propriété dont la fortune repose avant tout sur les plantations de caféiers, puis sur la découverte d'un gisement d'étain et sur la production de benjoin. Homme d'affaires-né, Antoine Couvray n'a jamais rien donné sans contrepartie. Mais des routes, des hôpitaux, une amélioration certaine du niveau de vie des indigènes les plus pauvres, tout cela reste après son assassinat pour témoigner que, malgré tout, il a accompli des choses positives. Son fils passe les trente premières années de sa vie à lui reprocher les intentions, dominées par l'intérêt et le pouvoir, qui l'ont poussé à accomplir tout cela. Ce n'est qu'à la fin du livre qu'il se rend compte que peu importent les intentions si elles débouchent sur quelque chose de positif. Après tout, c'est l'Enfer qui est est pavé de bonnes intentions. L'Enfer et lui seul.



Par delà la réussite d'Antoine Couvray et la re-découverte de son père qu'accomplit Paul, à qui Antoine a d'ailleurs légué toute sa fortune (et, même après l'abandon du Domaine, elle restera des plus conséquentes), c'est sur celle de la France dans ses colonies asiatiques que nous invite à réfléchir Jean Hougron. Réussite ou échec ? Les deux peut-être. Et les intentions qui guidaient tout ça ? Bonnes ou mauvaises ? Et les pourris, les vendus, les planqués, tous ceux-là n'étaient-ils que des Blancs ? ...



A vous de lire, à vous de voir, à vous de vous faire votre opinion. La mienne l'était depuis déjà un certain temps - pour des raisons qui n'avaient pas vraiment de rapports directs avec l'Indochine française. Elle jaillit de cette lecture confortée en fierté et en détermination. En résumé, "La Nuit Indochinoise", qui n'occulte aucun des aspects de la colonisation française en Cochinchine et qui désigne très rarement à la vindicte un personnage bien précis, quelle que soit la couleur de sa peau, est une fresque flamboyante et poétique que, plus que jamais à notre époque et demain, nous devons faire connaître et apprécier. Merci de contribuer à cet effort. ;o)
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Les portes de l' aventure

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ISBN : 9782221101919



De tous les recueils qui constituent l'intégrale de "La Nuit Indochinoise", "Les Portes de l'Aventure" est le seul à se présenter sous la forme de nouvelles, trois pour être précise, intitulées respectivement : "L'Homme du Kilomètre 53", "Retour" et "Poulo-Condor." Si l'on reste sur sa première impression, on estimera l'action de la première plus faible par rapport à celle des deux autres mais, quand on prend la peine d'approfondir son jugement ...



Eh ! bien, si on le fait, on se rend compte que cette nouvelle, qui nous dépeint la morne routine de Legras, contremaître d'un chantier, bloqué depuis plusieurs mois au kilomètre 53 d'une route avec tout un régiment de coolies et sous les ordres, aussi hautains que lointains, d'un ingénieur en chef installé, lui, dans un bureau bien climatisé, au chef-lieu du coin, cherche à nous restituer l'atmosphère étouffante, poussiéreuse, désespérée et proche de l'annihilation absolue, dans laquelle se retrouvaient emprisonnés certains fonctionnaires coloniaux, expédiés en pleine forêt tropicale, zone Viêt-minh ou pas, et vaguant (ou divaguant ?) de chantier en chantier tout au long, en fait, d'une carrière qui leur promettait certes une retraite en métropole mais qui se confondait surtout avec une implacable voie de garage. Les routes d'Indochine ne se sont pas faites qu'avec le travail des coolies. Il fallait superviser, mettre aussi la main à la pâte, affronter des imprévus aussi dangereux que la crue des fleuves, la désertion de certains, l'alcoolisme des autres, l'apathie de certains supérieurs hiérarchiques, les inévitables incursions Viêt-minh ...



Tout cela, Hougron le symbolise et le dignifie par une charge d'éléphants furieux qui, en pleine nuit, prend pour cible le malheureux Legras, qui s'en revient, rageur et en sueur, une bouteille de Pernod sur son porte-bagages, du chef-lieu où son chef l'avait convoqué ... pour lui annoncer simplement que, à partir de telle date, il serait nommé au kilomètre 22 ! Toute une journée de travail perdue pour une nouvelle qui eût pu se signifier tout simplement par lettre ! Et notre pauvre héros, à l'embonpoint un peu encombrant, qui n'écoute que son devoir et obéit immédiatement à la convocation d'un supérieur qui, lui, l'a complètement oubliée et n'a donc pas reçu le petit mais dévoué contremaître du kilomètre 53 ! Et celui-ci d'effectuer l'aller-retour en une journée et une nuit sur une bicyclette brinquebalante que la rage éléphantesque piétine d'ailleurs en partie ... Non, pour certains colons, les gagne-petits, les simples, les honnêtes aussi, la vie n'était pas aussi dorée que ça en Indochine ...



La seconde nouvelle, "Retour", plus longue, se situe en France. Rédigée à la première personne, elle nous dépeint le retour, dans son village natal, qu'il a quitté sept ans plus tôt, d'Henry Lafitte. Même s'il ne le clame pas sur les toits, cet enfant d'alcooliques à qui les dames-patronesses d'avant-guerre faisaient la charité, a fait fortune à Saigon. Mais, s'il a, comme Legras, débuté comme gagne-petit, il a très tôt compris la chanson et a choisi une autre partition, celle qu'on n'avoue pas mais qui vous garantit un avenir tranquille et des plus aisés. Si Henry est revenu, c'est surtout pour retrouver son amour de jeunesse, Françoise Lacaze, la fille du notaire du cru, que le petit jeune homme pauvre qu'il était dans le temps ne pouvait évidemment pas avoir l'intention d'épouser. Maintenant, bien sûr, tout a changé. Tout. Et Henry va s'en apercevoir très rapidement ... Particulièrement cynique et amer, "Retour" vaut par la remarquable étude psychologique que l'auteur nous donne ici tant du narrateur que de ceux qui le voient revenir. C'est brillant mais ça fait mal : l'une des meilleures nouvelles que j'ai jamais lues.



Avec "Poulo-Condor", le niveau monte encore d'un cran mais nous restons dans le registre de l'aventure. Deux hommes, le vieux M. Quang, de Ben-Cong, et Frémont, le métis aventurier, de Saigon, accusé de trafics (qu'il assume) et d'un crime (qu'il n'assume en rien) par ledit Quang, donnent, chacun à son tour, au narrateur intrigué, leur version d'une étrange histoire : celle du trésor de la Grande Pagode de Ben-Cong, dont on ne sait plus qu'une chose, c'est que, entre les Français et le Viêt-minh, dans les bouleversements divers subis par Saigon et ses environs à la fin des années quarante, il a disparu. Mais où ? C'est la grande affaire. Quang accuse Frémont de s'en être emparé après avoir tué le Grand Prêtre de la secte qui en avait la garde. Frémont, lui, tient, l'on s'en doute, un tout autre discours et c'est le narrateur qui, à la toute fin, donnera au lecteur perplexe la clef de l'énigme qui renvoie à la mentalité et à l'habileté asiatiques. En dépit de la mort des coolies qui cachèrent le trésor (au bénéfice de qui, vous verrez bien), ce récit malin, plein d'astuce et de malice rend, de façon là aussi très cynique, un hommage incontestable à la subtilité indochinoise.



En somme, ces trois "Portes de l'Aventure" sont plutôt agréables à franchir et ne déparent en rien l'ensemble de "La Nuit Indochinoise" dont il ne nous reste plus que deux volumes à lire : "Les Asiates" et "La Terre du Barbare." Tel est en tous les cas notre avis et nous espérons très sincèrement que vous le partagerez. ;o)
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Mort en fraude

Etoiles Notabénistes : ******



ISBN : 9782221101919



Comment peut-on mourir en fraude ? Ma foi, tout bêtement, surtout lorsque, jeune homme encore inexpérimenté et désireux à la fois de fuir sa famille ou le peu qu'il lui en reste et d'aller faire un tour aux colonies, l'on accepte, comme le fait Paul Horcier, d'emporter lors de la traversée Marseille-Saigon, un paquet de devises qu'il est chargé de remettre à certaines personnes lorsqu'il aura débarqué. Mais, avant même que le malheureux ait posé le pied sur la passerelle de "La Marseillaise", ceux qui l'ont chargé de cette "mission", des amis de sa sœur et du compagnon de celle-ci, un certain Groslier, ont déjà prévu de lui dérober les devises un peu avant Saigon et de le laisser ensuite se débrouiller tout seul, face à ceux qui devaient légitiment les recevoir.



A l'étonnement du lecteur, on ne peut pas dire que Horcier se fasse beaucoup de souci en se voyant ainsi dépouillé lorsqu'il arrive en vue de Saigon. Le pauvre garçon est si naïf (et si intègre) qu'il s'imagine que, malgré tout, les personnes qu'il doit contacter croiront en sa bonne foi et ne feront pas d'histoires. C'est bien mal connaître les mafieux du coin qui décident tout simplement, après avoir entendu sa petite histoire, de l'exécuter.



Voilà Horcier obligé de prendre la fuite en pleine nuit pour Cholon. Là, il abandonne le cyclo-pousse qui l'y avait emmené, se précipite dans la première ruelle venue et, de fil en aiguille, à force de monter des escaliers qui lui semblent interminables, tombe sur une jeune Viêt-namienne, Ahn, dans la chambre de laquelle il trouve provisoirement refuge avant de la suivre dans son village natal. Leur communication est d'autant favorisée que la jeune fille parle un français parfait. Fille d'une Viêt-namienne et d'un Français de passage, elle avait trouvé un emploi à Cholon mais, Horcier lui proposant tout l'argent qu'il a sur lui, soit trois mille piastres, elle ne peut que saisir l'aubaine et en faire profiter un peu sa famille.



Le séjour dans le village d'Ahn se prolongera bien plus que prévu et, surtout, il fera découvrir à Horcier, tout à fait novice en la matière, ce qu'est l'Indochine rurale, surtout lorsqu'elle se trouve plus ou moins sous le contrôle du Viêt-minh, dont les membres, solidement armés et bien entraînés, contraignent les malheureux paysans, déjà peu aisés, à leur livrer la quasi totalité de leur récolte et sélectionne parmi eux les jeunes gens susceptibles de venir se battre à leurs côtés, que ceux-ci aient embrassé ou non l'idéologie communiste.



Tout le souffle, toute la beauté de ce roman au titre intrigant proviennent de ce village, tantôt rutilant sous le soleil, tantôt accablé par les pluies, où la morale est désormais "Chacun pour soi", où l'un, qui a découvert par miracle un bon coin pour pêcher, y va de nuit sans prévenir ses voisins, où l'autre abrite en secret des réserves de riz sous la terre battue de sa paillote et où tous se résignent à voir mourir un à un les plus faibles d'entre eux, privés non seulement de ce riz tant révéré, base première de leur alimentation, qu'ils ne peuvent plus cultiver faute de semences (et pourquoi, d'ailleurs, peiner dans les rizières si seuls les membres du Viêt-minh en profitent ?) mais aussi de ces médicaments, dont cette quinine bénie des dieux que les Occidentaux avaient aussi apportés dans leurs bagages.



C'est le Village qui apprend à Horcier l'Indochine, la colonisation, la lutte pour l'Indépendance mais aussi la lutte au jour le jour, pour la simple survie, des paysans que pillent et terrorisent les communistes faute de meilleur moyen pour les forcer à combattre à leurs côtés. C'est le Village qui lui apprend également l'intensité que peuvent revêtir les relations humaines et leur importance, surtout en situation de crise. C'est encore le Village qui lui enseigne - pour qu'il essaie de l'enseigner aux autres - la Révolte contre tous ceux qui les exploitent, le Viêt-minh en premier, bien sûr. Et c'est toujours le Village qui lui fait comprendre que l'espoir, lequel jamais ne meurt, se mêle inextricablement aux désillusions comme aux réussites aussi inattendues les unes que les autres.



Et c'est enfin grâce au Village et à ses habitants, tous tant qu'ils sont, les plus lâches comme les plus braves, que notre héros développe une personnalité qui, il le sait en repartant pour Cholon, restera à jamais à mille lieux du Paul Horcier de la métropole, ce jeune homme maussade, ennuyé et ennuyeux, qui ignorait tout de la Vie et des êtres humains et qui s'imaginait pourtant les bien connaître.



J'en ai assez dit. La fin, bien sûr, est prévisible et elle ne pourra que peiner le lecteur qui, de son côté, s'était attaché autant aux personnages principaux (le "petit" frère d'Ahn est inoubliable, son grand-père, si plein de bon sens, aussi, tout comme sa mère, d'ailleurs, qu'aveugle, depuis la naissance d'Ahn, la haine contre les Occidentaux) qu'à ce Village, si éloigné dans le temps et l'espace, et qu'il ne connaîtra jamais.



"Jean Hougron ou l'Indochine coloniale", ricaneront certains avec aigreur avant de tenter de se lancer dans l'habituel discours que nous serinent depuis trop d'années des bobos et des gauchistes qui, en général, ne l'ont pas connue (ils n'étaient pas nés), cette Indochine bouleversante, ou alors ne l'ont jamais envisagée que sous la seule optique communiste. Eh ! bien, que ces gens-là sachent que leur esprit borné apporte ainsi la preuve soit qu'ils n'ont pas lu Hougron, soit, s'ils l'ont fait, qu'ils déchiffraient chaque ligne avec des a priori infondés.



Plus qu'aucun écrivain jusqu'ici, Hougron m'a fait sentir quelquefois "citoyenne du monde" - et, croyez-moi, pour me faire ressentir cela, à moi qui en ai soupé de ce qu'ont fait de cette expression, cependant si belle, tant de gouvernants, aussi bien au Nord qu'au Sud, que des medias pourris jusqu'à l'os, il faut non seulement un sacré talent mais aussi une incomparable humanité.



D'ailleurs, quand nous aborderons "Les Asiates", avant-dernier tome de "La Nuit Indochinoise", que je tiens personnellement pour l'apogée de cette série qu'il faut lire, vous constaterez vous-mêmes, lecteurs, que Jean Hougron était bel et bien impartial dans sa vision de cette partie du monde qu'il aima tant : l'Indochine. :o)

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Je reviendrai à Kandara

J'ai lu ce livre il y a très longtemps, maintenant... Il m'a laissé une souvenance tenace, d'atmosphère provinciale. Une fragrance identique - pour moi - à celle que m'a donné la chanson de Jacques Brel "Je suis un soir d'été"... Oui, c'est bien ça.

Un livre que je vais relire, tiens.
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Rage blanche

Etoiles Notabénistes : ******



Préface : Jean Hougron



ISBN : 9782221101902



Un titre qui dit tout car cette histoire de vengeance lente et sagement mûrie par un homme qui a tout perdu mais qui ne veut punir que les seuls et vrais responsables de son malheur ne se situe qu'entre Blancs (Jean-Marie Legorn, la victime, et Vorlang, le commanditaire) et aussi un ou deux métis complices de ce dernier. Les hommes de main, quant à eux, sont vraisemblablement laotiens ou viêtnamiens, voire cambodgiens, mais Legorn ne cherche pas à régler son affaire à ce menu fretin, dispersé d'ailleurs dans la nature.



Comme motif de l'explosion du camion de Legorn au kilomètre 134, explosion dissimulée en principe sous la forme d'un attentat évidemment fomenté par le Viêt-minh (lequel, comme il le sera par la suite prouvé, n'a pourtant rien à y voir), l'envie, la basse et sanguine jalousie d'un Français d'origine allemande, Vorlang, qui vit d'une petite ferme et surtout de maints trafics pour lesquels il a déjà eu des problèmes avec les diverses autorités du lieu, envers Jean-Marie Legorn, fermier et éleveur de formation, qui a su, en s'appuyant sur une patience toute paysanne doublée d'une obstination résolument bretonne, développer au fil des ans une ferme qui est estimée comme la meilleure et la plus rentable du coin. Legorn est en outre heureusement mariée à Marthe et ils ont un fils.



Toute la famille se trouvait dans le fameux camion, avec une cargaison de soierie pour laquelle Legorn s'était endetté auprès de M. Kalandrajan, respecté et respectable commerçant hindou. Résultat : une cargaison et un camions en flammes, trois morts : Marthe, son fils et l'aide-chauffeur laotien, et un blessé grave, Legorn. Celui-ci finit tout de même par sortir de l'hôpital, avec une jambe désormais affligée d'une claudication qui le suivra jusqu'au cercueil, un problème aux poumons et les recommandations mi-apitoyées, mi-sévères des médecins. Autour de lui, tout le monde, y compris ses meilleurs amis, estime qu'il ne parviendra pas à redresser sa ferme et que, de toutes façons, endetté désormais tel qu'il est, sans compter les vols que, pendant sa convalescence forcée à l'Hôpital, son régisseur, Khoung le métis, grand ami de Vorlang entre parenthèses, a certainement commis avec délectation, mieux vaudrait pour lui, autant pour ses finances que pour sa santé, regagner la Métropole.



Dans le fond, Legorn, pour qui la Vallée Noire, sur laquelle il avait fondé tous ses espoirs de colon et qui l'avait si bien aidé à les réaliser, occupera à jamais une partie de son cœur, est du même avis. Mais pas question de s'en aller sans avoir tout réglé : d'abord ses dettes ... et ensuite ses comptes, invisibles mais meurtriers, avec Vorlang et ses complices.



Tranquillement, doucement, sans avoir l'air d'y toucher, sans laisser surtout à quiconque, fût-ce à ses meilleurs amis, entrevoir une seule des pensées vengeresses qu'il ne cesse de ruminer, Legorn pose ses pions, pousse Khoung à bout en lui reprenant déjà 47 000 piastres en espèces qu'il découvre dans son portefeuille et dont le métis ne peut expliquer la provenance et, bien entendu, en passant aussi au crible les livres de comptes ... et les troupeaux. Car, pour complaire à Vorlang, Khoung, qui ne devait pas croire au retour de son employeur ou, en tous cas, imaginait le voir revenir effondré et sans ressort aucun, a trouvé le moyen d'échanger certaines bêtes, en parfaite santé, bonnes laitières et excellentes reproductrices - les fameuses Australiennes que Legorn était le seul à avoir réussi à acclimater dans le pays alors que Vorlang, qui s'y était également essayé, avait subi un échec cuisant - contre des éléments faméliques, plus proches de la Mort que de l'herbe qu'ils mâchonnent sans appétit.



Khoung n'est d'ailleurs pas le seul sur qui Legorn fait planer comme une menace la fameuse question : "Va-t-il s'en aller sans faire du dégât, oui ou non ?" Le commissaire du village, autre métis ami de Khoung et de Vorlang, est l'un des premiers à être touché. Tout autour, les locaux, prudents, observent. Certains, comme Oanh, la femme de Khoung, qui a bien des raisons pour détester son époux, aide d'ailleurs Legorn du mieux qu'elle peut. Et aussi, bien sûr, nombre de ses amis français, en particulier Van Hollen et Deffand. En face, Vorlang rassemble ses troupes et se tient au courant, mais de loin car, dès qu'il a appris le retour de Legorn, il a filé à Saïgon ...



Le drame trouvera d'ailleurs son point final à Saïgon. Mais, avant d'en arriver là, le lecteur aura, un peu comme tous ceux qui veulent voyager par route ou par fleuve dans cette Indochine qui perd lentement sa cohésion coloniale, suivi Legorn et ses pensées - ce paysan "taiseux" pense énormément - dans les mille méandres que la Vie et, ici, le désir de venger ses morts et d'en finir avec un trafiquant rustre et sans panache, pour lequel, jamais, on ne ressent le moindre sentiment d'empathie (probablement parce que lui-même est incapable d'en éprouver envers autrui), imposent à une intrigue qui, en dépit de la tranquillité avec laquelle Hougron a choisi de la dérouler pour nous, se révèle bel et bien haletante, porteuse de coups de cœur et de colère, d'angoisses aussi . Cependant, l'auteur n'oublie pas son thème premier : nous faire connaître et aimer l'Indochine et ses peuples, tels qu'ils furent. Les descriptions sont toujours aussi puissantes et même, de plus en plus poétiques - on sent que Hougron a aimé cette Vallée Noire autant que son personnage ; les caractères des différentes nations représentées s'affirment en se nuançant ; plus que tout, l'éternel problème du métissage, qui semble souvent ne produire que des individus ivres de frustrations qui coulent dans leurs sangs mêlés, les poussant, semble-t-il, au-delà de leur nature individuelle, à une crise identitaire qu'ils vivent d'autant plus mal que, d'un côté comme de l'autre de leur ascendance, on n'accepte pas leur métissage dont ils ne sont pourtant pas responsables, s'impose ici dans toute sa complexité alors que, au contraire, le côté politique, auquel l'auteur nous avait habitués, s'efface tout-à-fait.



Pour résumer, un roman qui, au premier abord, ne paraît pas promettre beaucoup mais qui se découvre, au fur et à mesure des feuilles tournées, à la hauteur des deux premiers tomes de "La Nuit Indochinoise." Ne pas le lire serait passer à côté d'un excellent ouvrage. L'été approche : ne l'oubliez pas ! ;o)
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Mort en fraude

Il y a longtemps que j'ai lu ce livre et il m'a marqué. Dès le début, le personnage principal, un Français qui a obtenu un emploi en Indochine qu'on n'appelle pas encore Vietnam doit se cacher et disparaître provisoirement. Il accepte la proposition qui li est faite d'aller loin et se retrouve dans un village misérable, dans une zone de guerre, décrit de manière réaliste, authentique. Si, au début, il n'est là que pour se cacher, il s'attache peu à peu aux personnages, à la jeune femme qui l'a sauvée, voudrait apporter du bien être aux villageois. Il lui faut retourner à Saïgon et là ....
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Le Naguen

Du pur « space-opera » .Sur la Terre ,rescapée de plusieurs conflits et catastrophes ,un régime hypocritement dystopique manipule les populations.Il dirige un empire galactique agressivement impérialiste qui se heurte à un très ancien empire celui des Vors . Ceux-ci mènent une guerre défensive grâce à une technologie supérieure qui inflige de grosses pertes aux agresseurs. Or un pilote chevronné ,Dreik, fait prisonnier est renvoyé sur Terre .Seul humain ayant rencontré les ennemis , il est porteur d’une demande d’armistice .Mais n’est-il pas un cheval de Troie programmé pour déstabiliser son camps? C’est la question qui le tourmente et qui inquiète le gouvernement terrien. Scénario complexe , la description de chacun des belligérants est fouillée , cohérente , non manichéenne .Les péripéties sont nombreuses et variées, seule la fin me paraît assez floue. Beau travail tout de même avec des aperçus originaux : importance de la politique, rôle de la sexualité dans les objectifs de guerre. Une remarque , le titre porte sur un élément somme toute secondaire.
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La Terre du barbare

Avec ce titre un peu hollywoodien Jean Hougron clôt son cycle de La nuit indochinoise. Magistralement devrais-je écrire si les autres romans, que je n'ai pas encore lus sont à l'aune de celui-ci.

Nous sommes dans les années 50 (1950 bien sûr ), la France , exsangue des cinq années de guerre mondiale , a recouvré ses colonies , dont l'Indochine, agglomérat de plusieurs entités (Cochinchine, Annam, Tonkin,Cambodge, Laos...) n'ayant pas toutes le même statut.

L'histoire de La Terre du barbare se passe au Laos, un "protectorat" où les occidentaux n'ont jamais été plus de quelques centaines. Antoine Couvray, un riche planteur prospecteur, est assassiné dans une petite ville de province où il était venu se réconcilier avec son fils Philippe, fils rebelle désapprouvant les méthodes autoritaires de son père, allant jusqu'à s'allier avec les mouvements rebelles indépendantistes déjà à l'oeuvre dans les années d'après-guerre. Les soupçons de la petite population européenne se portent vite sur lui sans apporter le début d'une preuve. Mais La terre du barbare n'est pas un polar. Le lecteur, même s'il garde l'énigme du crime dans un coin de son cerveau (on saura à la fin qui a tué le père mais cela n'apporte rien au sens du roman) a vite compris que les enjeux sont autres.

Philippe Couvray accepte l'héritage (au départ il n'en voulait pas) au grand dam de sa soeur. Les cent premières pages sont d'ailleurs un peu longuettes du fait justement de la personnalité velléitaire du principal personnage. Philippe Couvray a , comme disait Jean Jacques Rousseau qui l'appliquait à lui même, l'esprit d'escalier. Il ne sait pas trancher, il ne sait pas prendre la bonne décision , ou alors une fois l'escalier descendu, et c'est trop tard . Tout le contraire de son père, parangon d'efficacité et d'autoritarisme colonial.

Au delà de la narration , du déroulement de l'histoire de la prise de possession par le fils prodigue des terres et des mines du père, on peut lire ce livre comme un passionnant documentaire sur les us et coutumes d'une colonie française d'Extrème-Orient dans les années 1950. On y retrouvera les petits blancs expatriés et aigris, minés par l'alcool et l'opium, ouvertement racistes , mais vivant maritalement avec une native, une congaï, qu'ils chérissent . On y retrouvera des personnages exotiques et déjantés, de vrais aventuriers (Jean Hougron en fut un) qui aiment ce pays passionnément. Et puis les militaires français omniprésents, dont le manque de moyens pour lutter contre le Viet-Minh était flagrant. Beau portrait du capitaine Fressange qui, bien que s'opposant à Philippe Couvray au sujet de la réquisition de ses coolies, n'en persévère pas moins dans sa mission , bien qu'il sache que la partie est déjà jouée. On est loin de ces poncifs américains qui ne voient les militaires français que bedonnants, mal rasés, la clope au bec (cf la version longue de Apocalypse now revue récemment sur Arte).

Tous ces européens se meuvent au milieu d'une population indigène qui semble indifférente à l'agitation des blancs. L'image qu'en donne Hougron est d'ailleurs contrastée : le racisme n'est pas à sens unique ; dans le roman les coolies laotiens de la plantation refusent de vendre de la nourriture aux ouvriers vietnamiens que Philippe a ramené d'une mine d'étain menacée par le Viet-Minh . Deux mondes se côtoient mais ne se mélangent pas .

Le héro, Philippe Couvray, qui a repris la direction de l'exploitation familiale, est partagé entre son idéalisme qui lui enjoint de considérer tout homme comme son égal en droit, et son appartenance à une longue histoire qui le dépasse. Par ses origines il est marqué pour toujours comme l'oppresseur. D'où cette velléité chronique et lancinante qui taraude toutes ses décisions. L'amour-haine qu'il porte à son père n'arrangeant rien.

La terre du barbare c'est la chronique d'une débâcle annoncée. La France avec ses idéaux justificatifs n'a plus sa place en 1950 dans ces pays qu'elle a conquis plus pour y assoir une puissance économique que pour l'asservir politiquement. L'Indochine n'a jamais été une colonie de peuplement au contraire de l'Algérie. D'où le moindre ressentiment des populations actuelles. Elles ont l'élégance de ne conserver de la présence française que le meilleur. ... ou le moins pire.



" Elle était là, bonne ou mauvaise ; l'injustice s'enracinait dans la justice, l'ignorance dans la sagesse, et le sourire d'une fille valait bien un empire. Bien sûr il y avait la dignité, mais est-ce-qu'une infime minorité n'était pas seule intéressée par cette fameuse dignité, ces rapports d'homme à homme, mains offertes ou armes brandies ? Et les peuples n'étaient -ils pas faits pour ceux qui les conduisaient ? Ce n'était pas vrai, bien sûr, mais dans l'enfilade des siècles cette erreur du moment possédait l'étrange fascination de ces vestiges fabuleux et inexplicables venus des premiers âges".









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Tu récolteras la tempête

Préface : Jean Hougron



ISBN : 9782221101902



Premier volume d'une série qui en comporte sept, "Tu Récolteras La Tempête" nous plonge d'un seul coup au cœur de la somptueuse et étouffante "Nuit Indochinoise" dont son auteur garda l'éternelle nostalgie, mais c'est aussi le livre qui met en vedette, pour la première fois, le Dr Georges Lastin, que l'on retrouvera dans "Soleil au Ventre." Georges Lastin, on l'apprendra au troisième et dernier tiers du roman, n'est d'ailleurs pas son identité véritable mais il est bien médecin et se fait remarquer entre autres par une habileté sans pareille pour tout ce qui regarde la gynécologie et l'obstétrique.



A ceux qui, pour suivre la mode du temps - mode honteuse de délation et d'arrogance qui repose sur du vide, on s'en apercevra vite, soit-dit en passant - qualifieraient Hougron, qui reçut entre autres le Prix du Roman Populiste 1965 pour "Histoire de Georges Guersant", de fachoantimigrantnaziantieuropéenantieuromachinchose, etc, etc ..., nous leur dirons tout d'abord de se taire et de lire avant de juger - s'ils savent lire, bien sûr et surtout s'ils sont capables de réfléchir par eux-mêmes, ce dont nous nous permettons de douter. Ce qui fait, justement, l'originalité de "La Nuit Indochinoise" tout entière, c'est l'impartialité de son auteur qui examine les qualités et les défauts des uns comme des autres tout en tenant compte du contexte politique (la IVème République) de l'époque. Quand on aime quelqu'un ou quelque chose, on l'aime aussi pour ses défauts.



L'action de "Tu Récolteras ..." se situe dans le petit village de Takvane, au Laos, où vivent une soixantaine de Blancs, tout le reste se composant d'Asiatiques mais pas forcément d'indigènes. En effet, si les Laotiens, réputés pour leur paresse et leur bonne humeur, sont bel et bien présents, ce qui est normal, il se mêle à eux des Viêt-namiens, caquetant, prompts à la dispute et qui, en général, sont plutôt actifs et assez bruyants ainsi que quelques Chinois authentiques, de l'avis de tous "les mieux nourris" nous signale l'auteur mais sans méchanceté, qui tiennent en général les plus gros commerces, tel Lau-Chau qui finira par fuir devant le retour de Blende, un Blanc qu'il avait fait capturer par les Viêts-minh afin de lui souffler sa concubine (ou congoï), la très belle Sunnath. Et puis, bien sûr, il y a les métis. Un seul sort du lot ici, Aldric, le frère de Lee, la "congai" (mais tout le monde dit l'épouse, par courtoisie) de Lastin - Paul Aldric, que les initiés surnomment aussi "King Cobra" et qui règne sur tout le trafic d'opium de la région.



L'opium ... Bien connu des Chinois, il est comme le tabac. On peut en consommer modérément ... ou alors se noyer dedans et en mourir, comme le tout jeune et fringant Dravet qui, à peine débarqué de Saigon, s'est installé dans sa paillotte avec sa pipe et sa dose, que lui apportait fidèle sa concubine. Car, pour beaucoup de femmes, laotiennes ou vietnamiennes, l'opium, c'est aussi un moyen de garder leur homme à la maison. Lee elle-même a essayé un temps avec Lastin mais celui-ci s'en est aperçu et lui a flanqué la rossée de sa vie - la seule d'ailleurs qu'il lui ait jamais donnée.



Paresseusement, à l'image du pays et de ses habitants, qu'accablent souvent une chaleur épouvantable et, à la saison des pluies, des ondées ... chaudes et un petit vent frais entre deux, Hougron nous dévoile le paysage de Takvane avec ses personnalités les plus marquantes, Blancs et Jaunes confondus : Lastin bien sûr et Lee, un beau couple et un couple uni, malgré tout, malgré le mystère qui plane parfois sur les traits durcis du médecin ; le résident Vellanet, qui a marié sa belle-fille, Hélène, au médecin-chef de l'Hôpital, le Dr Cadrol ; les "soiffards", en général des Blancs, même si, sur ce plan, les Asiatiques ne laissent pas volontiers leur place aux colons, dont Kérol, un personnage d'origine bretonne dont on apprend à aimer l'humanité profonde, Rocques, toujours de l'avis du dernier qui a parlé, quelques militaires dont les noms s'oublient vite sauf peut-être celui du commandant Brault, surnommé par tous "Nounouche" et que Fernand Raynaud aurait pu prendre comme modèle pour son célèbre adjudant , Breccini, qui tient au tout début le rôle du douanier de service mais qui, à deux mois de son retour en France, ou plutôt en Corse, sera abattu par les hommes d'Aldric, Velaine, son remplaçant, timide et doux en apparence mais homme résolu et ferme en réalité ... De l'autre côté, Aldric et Lau-Chau se détachent nettement, le métis vainqueur en toutes choses et qui repartira, avec son épouse russe, Dora, ancienne taxi-girl, se refaire une vie paisible en France, le Chinois lamentablement battu d'avance par sa lâcheté devant l'incroyable changement de caractère que son séjour chez les Viêt-minh aura suscité chez Blende, pourtant réputé faible ...



Et comment oublié le père Cressu, qui n'a jamais pu oublier son épouse Marcelline et leur fils, torturés et tués sous ses yeux par les Japonais pendant l'Occupation et qui finira par en perdre la raison ? Ou encore Soclauze, le bistrotier qui mourra de tuberculose à Takvane, après avoir fait rapatrier sa petite-fille, Françoise, sous la garde d'un soldat en permission, lui-même père d'une petite de quatre ans ?



Et les femmes là-dedans ? Blanches, métisses ou asiatiques pures, elles règnent le plus souvent en maîtresses, éminences souvent grises mais éminences tout de même. Certaines cependant, issues du couvent-orphelinat où aurait échoué la petite Françoise si Lastin n'avait pas "prêté" à un Soclauze moribond les 3 500 piastres nécessaires à son embarquement pour la France, ont, quelles que soient leurs origines, le profil des "femmes battues." Certaines, comme la mère Pétri, sont même heureuses de ce rôle qui les fait plaindre de tout le monde. Pareil qu'en métropole, on vous dit ! ...



Dans ce petit monde qui, finalement, ressemble tellement au nôtre, la guerre s'immisce par l'intermédiaire de Khône, le frère de Lee, qui, à la fin du roman, lance deux grenades dans une réunion dansante à la Résidence, ce qui cause plusieurs blessés et quatre morts - si mes souvenirs sont bons. Lastin, qui n'a jamais été pour la demi-mesure, prendra alors les choses en main ...



Lastin est plus ou moins le porte-parole de l'auteur quand il nous démontre que, entre Blancs et Asiatiques, les cultures sont différentes et que ce que les uns prennent pour de l'hypocrisie n'est finalement que très naturel chez les autres, l'hypocrisie pouvant changer de camp. Si chacun y mettait du sien, ce serait sans doute différent ... Et peut-être aurait-ce été différent pour l'Indochine française. Mais, outre les communistes du Viêt-minh, souvent armés par les Américains, il y a justement les USA, qui songent à s'emparer des colonies françaises (ce qu'ils regretteront, une fois plongés dans ce qui deviendra, dans les années soixante-soixante-dix, "la Guerre du Viêt-nam") : ce petit monde, qui avait ces qualités et ses défauts ne survivra pas à cette double pression. Hougron en conserve cependant un souvenir ébloui, nostalgique et intensément vivant, qu'il nous invite à partager. Nous espérons que vous y prendrez autant de plaisir que nous. Bonne lecture ! ;o)

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Les Asiates

Le passé éclaire le présent : cette sentence sert de fil conducteur à ce roman qui commence par la description d’une vieille carte de l’Indochine française ayant perdu ses vives couleurs d’autrefois (on va assez rapidement comprendre ce qu’il y a de terni dans ce royaume…). Le récit se poursuit par un va-et-vient incessant entre le présent du roman, 1947, et les années antérieures qui s’égrènent sur 40 ans à partir de l’installation du couple Bressan à Saigon en 1907.

Ces flash-backs qui se rapprochent progressivement du présent donnent de la profondeur aux personnages façonnés par les événements. Façonnement chaotique, à l’image de l’histoire de cette colonie française qui entre dans une zone de forte turbulence. Et comme la colonie qui s’avance à grand pas tragiques vers son dénouement, les destins se cristallisent à la fin du roman.

L’intérêt de ce livre est donc de nous présenter, de manière romancée, la société coloniale française dans cette ville de Saigon. Toutes les tares s’y retrouvent : la prostitution à bon marché grâce à la domination blanche, la noyade désespérée dans l’alcool, les tenaces préjugés racistes qui empêchent de comprendre l’effondrement inéluctable de cette société vermoulue, la gangrène des trafics en tout genre qui corrompent les mœurs, la police bien volontiers tortionnaire se sachant couverte par le sceau de l’impunité, l’idéalisation d’une métropole lointaine où tous les rêves pourront se réaliser, les atermoiements de la politique stalinienne du Vietminh ponctués par les purges (nous sommes, en 1947, au « bon vieux temps » du chef « génial »)…

Tout cela c’est du passé, me direz-vous, le temps des colonies et de toutes ses dérives ne sont plus qu’un mauvais souvenir. En êtes-vous bien si sûr ?

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Soleil au ventre

Préface : Jean Hougron



ISBN : 9782221101902



ATTENTION : SPOILERS !



Second volume de cette somptueuse saga sur l'Indochine, "Soleil au Ventre" se passe essentiellement au Viêt-nam et nous y retrouvons le Dr Georges Lastin, personnage principal de "Tu Récolteras La Tempête", qui a dû fuir Takvane après le meurtre, pourtant en légitime défense, de son beau-frère, Khône, jeune apprenti viêt-minh qui s'était rendu coupable d'un attentat contre la Résidence. Au début, rappelons-le, Lastin voulait simplement permettre de fuir au tout jeune homme mais, dûment embrigadé et cherchant à prouver sa valeur auprès de ses "supérieurs" communistes, Khône s'était retourné contre Lastin.



Après quelques aléas, Lastin s'est reconverti dans le convoyage. A l'époque, compte tenu de la situation de plus en plus tendue, les entrepreneurs des grandes villes organisent de longs convois de camions en direction des petites villes et d'encore plus petits villages qu'ils doivent approvisionner en essence, en nourriture, etc, etc ... Ces convois sont guettés par le Viêt-minh mais pas forcément de façon systématique. En d'autres termes, ceux qui s'y engagent gagnent certes un bon salaire mais ne savent jamais s'ils vont être attaqués ou non. Et encore moins s'ils seront abattus ou faits prisonniers.



Lastin, qui a pris soin de se débarrasser de ses armes quelques minutes avant l'instant fatal, est pour sa part arrêté avec d'autres Français alors qu'il prenait la fuite pendant l'attaque tout en se retournant pour tirer sur les assaillants. Si les Viêts l'avaient pris les armes à la main, il est certain qu'il aurait été abattu sur place. Mais, désarmé, il est simplement ramené au camp des attaquants. Ses qualités de médecin lui permettent bientôt d'ailleurs de se retrouver dans la journée à l'infirmerie du camp, où il soigne les blessés, ce qu'il n'accepte de faire que si on l'autorise également à soigner les Occidentaux. Ce que le commandant du camp accepte de mauvaise grâce, sous la pression du Commissaire politique dont il dépend, homme plus âgé, moins rempli de haine également et d'esprit certainement plus ouvert.



Cette partie du roman est particulièrement intéressante. Hougron nous y fait toucher une Histoire assez récente en mettant en scène des personnages à qui, à quelque camp qu'ils appartiennent, nous parvenons à nous identifier. Lâcheté, courage, empathie, haine, mépris, respect, viêt-minh communiste ou colon français, parasite ou sincère : tous nous parlent. C'est admirablement fait et presque incroyable car il était bien difficile, voire carrément périlleux, d'atteindre à ce résultat à l'époque de parution du roman.



Dès le départ du convoi, Lastin avait fait la connaissance d'un couple, elle, Viêt-namienne particulièrement jolie, du nom de My-Diem, lui, son mari, André Ronsac, Français qui, on ne le saura que plus tard, s'est vu contraint d'abandonner une situation de haut fonctionnaire pour satisfaire sa passion. Pourtant, Lastin le sent "faible" et, même s'il le soigne avec dévouement, il ne parvient pas à concevoir pour lui beaucoup d'estime.



Il faut dire que, en parallèle et de manière insensible, Lastin tombe amoureux de My-Diem en qui il voit par contre une femme "forte", une personnalité dominante, dont il ne comprendra jamais le sentiment qui la pousse vers Ronsac. Pour parvenir à recouvrer sa liberté et celle de son mari - car ils sont bel et bien mariés - My-Diem n'hésite ni à coucher avec le commandant du camp, ni à raconter, par exemple, que Lastin possédait bel et bien une mitraillette quand il a été arrêté mais que, comme il l'avait dissimulée, les Viêt-minh n'avaient eu aucune preuve pour l'abattre, et se retrouve ainsi à Saïgon pour y négocier une grosse rançon auprès des amis d'André. Lastin, lui, ne devra son salut qu'à l'intelligence du Commissaire politique et aussi au répérage du camp de combattants communistes par l'aviation française.



De retour à Saïgon lui aussi, il a vite fait de se remettre financièrement sur pied et se met en quête des Ronsac ...



Le roman se concentre alors sur la relation entre Lastin et My-Diem avec, entre eux, cette étrange figure de Ronsac que je ne suis, pour ma part, pas parvenue à comprendre et envers qui je partage, je l'avoue, le mépris de Lastin. Nous revenons donc au psychologique pur et à l'incroyable aveuglement de ceux qui aiment mais ne sont pas aimés de retour avec la même intensité. Disons-le avec franchise, c'est parfois un peu gnangnan, ce genre de choses ...



Evidemment, vous pouvez apprécier ce que, personnellement, j'ai jugé plan-plan, soit le dernier tiers du roman. Mais, je le répète, la première partie a une ampleur, un souffle qu'on n'est pas près d'oublier et les descriptions de cette Indochine que l'auteur a aimée comme s'il y était né sont luxuriantes, étouffantes, incroyablement vraies et elles vous enveloppent comme si vous y étiez, vous donnent même l'envie de partir voir tout ça.



Il y a beaucoup d'amour chez les personnages de Hougron pour cette contrée qui, si longtemps pour les cartographes, demeura à la fois fabuleuse, somptueuse et inquiétante. Mais l'auteur français nous fait voir aussi la misère qui y sévissait - et y sévit probablement encore - et tente avant tout de nous faire percevoir et comprendre ne serait-ce qu'une parcelle de la façon de voir les choses des habitants - de la même manière que certains de ses personnages occidentaux tentent d'ouvrir leur univers aux Asiatiques tandis que font de même certains des personnages laotiens, viêtnamiens, cambodgiens, etc ... envers les Français.



Une saga à lire dans son intégralité car elle recèle les âmes multiples de ces peuples qui formèrent l'Indochine et parvient à les faire dialoguer avec l'âme de la France, sinon de l'Occident. Pour saisir le phénomène dans toute sa beauté, son intensité et son indubitable humanité, il faut en lire tous les tomes, si possible dans l'ordre chronologique. Les amoureux d'Aventure ET d'Histoire - les vrais "citoyens du monde - n'y manqueront pas, j'en suis certaine. Que les "bobos", devenus aujourd'hui ce que je nomme les "vovos", passent leur chemin : l'Histoire, ils n'y connaissent rien et, qui pis est, ils s'essaient de nos jours à la falsifier. C'est tellement plus facile que de faire ce que Hougron a fait ... ;o)
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Je reviendrai à Kandara

Jean hougron tient une place de choix dans ma bibliothèque et s'il a eu un grand succés avec sa série : la nuit indochinoise, il ne faut pas le limiter à ces seuls ouvrages.

Il a écrit bien d'autres romans pour notre plus grand plaisir.

Il a exploré tous les genres, du roman de mœurs au roman d'aventure, en passant par le roman policier et la science fiction !

Il n'a pas son pareil (Simenon peut-être..) pour mettre dans ses livres les émotions de l'individu et dépeindre les êtres, dans leur complexité, mis dans tel ou tel environnement.

Je reviendrai à Kandara parle d'un crime nocturne, d'un professeur de province raté, désabusé et médiocre (j'ai pensé parfois à Emmanuel Bove ).

Pour le reste je vous laisse découvrir ce style chirurgical, sans un mot de trop.

Dieu que nous sommes loin de ces auteurs qui n'ont rien à dire et qui nous gave de liste de courses et autres attrapes nigauds !
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Les Asiates

"ux premières pages, je me suis dis "oula il y a pas mal de mots que je ne connais pas" mais après quelques petites recherches des termes spécifiques à ce pays (boyesse, annamite...) la lecture a été plus facile.

Le récit suit un enchainement précis : le premier chapitre nous sommes dans le passé en 1907 puis le second en 1947, dans le "présent" de l'histoire. Et toute l'histoire est construite ainsi : un chapitre sur deux nous revenons dans le passé qui nous permets de comprendre pourquoi chacun est comme il est. J'ai beaucoup aimé découvrir le passé des personnages au fur et à mesure.

Ce livre nous peins donc le portrait d'une famille atypique avec un père ..."



http://bookslene.over-blog.com/article-19904439.html
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