Je m'assieds en face de lui, je remonte une des armes, je la charge et me sens tout à coup pris d'une envie sadique, forcenée, de compléter la démonstration en éprouvant la pénétration à bout portant d'une balle française dans le cuir nazi.
Mais à quoi bon ? Je suis plus utile vivant que mort et je suis sûr qu'il ne perd rien pour attendre.
Je braque l'arme sur sa poitrine et je lui dis d'un ton de reproche amical: "Vous êtes fou, Kurt, vous n'êtes pas assez méfiant, supposez que je sois un terroriste."
Il éclate d'un gros rire, le doute n'effleure pas son esprit.
Ce rôle, je ne l’ai pas tenu sur les tréteaux d’un théâtre, mais dans la vie même, et quelle vie ! Je l’ai joué dans cette marge incertaine où le royaume des ombres et celui de la lumière confondent leurs limites. Je l’ai joué, à toute heure du jour et de la nuit, entre la vie et la mort. Je l’ai joué avec passion, car j’étais guidé par un idéal qui m’élevait au-dessus de moi-même, au-dessus de la médiocrité et de l’horreur.
On peut tromper quelques personnes pendant longtemps ; on peut tromper tout le monde pendant quelque temps ; mais on ne peut espérer tromper tout le monde tout le temps.
Dans mon pays, la montagne donne des jambes et le soleil de l'esprit. J'ai affaire à des Poméraniens, gens de plaine et de ciel gris.