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Critiques de Jean Lorrain (59)
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Poussières de Paris

"Poussières de Paris" rassemble des articles de Jean Lorrain parus dans "L'Écho de Paris" de 1894 à 1895 et dans le "Journal" de 1899 à 1900. le style est celui d'un esthète "Fin de siècle". Jean Lorrain aime les mots rares, les longues phrases pleines de rythme, de musicalité. Jean Lorrain reste certes un mondain et un grand amateur d'art, dans ce Paris de la Belle Époque qu'il sait si bien observer et décrire; mais il aime aussi l'atmosphère des foules, le peuple des faubourgs, des champs de courses, les fêtes du 14 juillet... Il se rend parfois dans les Pyrénées, à Bordeaux, à Marseille... Les derniers articles sont consacrés à l'exposition universelle de 1900 et à l'Extrême-Orient. Jean Lorrain jouait son personnage, d'inverti mondain, d'éthéromane, d'auteur scandaleux, ne cachait rien de ses penchants, de ses opinions. On s'attend à ce qu'il soit caustique, véhément, ce pourquoi on le redoutait souvent, et l'on découvre un admirable poète.
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Monsieur de Phocas

Il y avait quelque temps que je n'avais lu de littérature « décadente ». Avec jean Lorrain, c'est le plaisir assuré. Monsieur de Phocas est un aristocrate déchu, névrosé, et qui va s'enfoncer de plus en plus dans le délire. On pense bien évidemment à Des Esseintes de Huysmans. C'est le même propos. Si ce n'est que Lorrain à assigné à son héros un autre décadent, un peintre anglais qui va complètement le manipuler. Nous évoluons dans un Paris « fin-de siècle » avec ses garçonnières, ses prostituées, mais aussi ses aristocrates dégénéré(e)s. Une des scènes que je retiens est celle où le peintre invite toutes ses connaissances à une soirée qui se terminera en orgie et fumerie à opium. Lorrain n'a pas son pareil pour décrire ce genre de scène. C'est une écriture très choisie – souvent j'ai eu recours au dictionnaire – précise. Les notes en bas de page proposées par l'édition Flammarion sont les bienvenues ainsi que le dossier final. Il faut bien replacer cette littérature dans son contexte fin-de-siècle, où, comme il est dit dans le dossier, un monde finissant laisse la place à un monde nouveau. C'est à ce monde déclinant que nous convie Jean Lorrain.

Les amateurs du genre ne seront pas déçus.
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Deux heures du matin, Quartier Marbeuf : Pi..

"Deux heures du matin...quartier Marbeuf..." est une pièce, en deux actes, écrite à quatre mains, par Gustave Coquiot et Jean Lorrain.

Elle a été représentée, pour la première fois, à Paris, sur la scène du théâtre du Grand-Guignol, le 14 novembre 1903.

Au lever du rideau, une profonde obscurité règne sur la scène.

Une violente sonnerie électrique retentit.

Un silence.

Puis à nouveau une violente sonnerie électrique.

Une porte s'ouvre et laisse voir une chambre, un lit sur lequel, en pantalon et chemise, git un homme, mort.

Entre une femme, très élégante, en chemise et peignoir.

Mais, hagarde et échevelée, elle semble en proie à une terreur folle.

Elle, la veuve du général Vicente est menacée par le scandale.

Monsieur Bariller, son amant, est mort.

Il est mort dans son lit alors qu'il aurait si simple de se rencontrer ailleurs.

Mr Bariller a une femme, des enfants, une famille

Dans une circonstance pareille, on n'a plus d'amis, on n'a plus personne !

Mr Laclos-Larive, autrefois célibataire, lui viendra.

Il aidera à transporter le corps dans cette avenue déserte, à l'abandonner sur ce banc, à supporter cette nuit de cauchemar.

Seulement, une pierreuse, qui faisait les poches au cadavre, est accusée du meurtre....

Cette courte pièce, en deux actes, est un morceau de Théâtre, très rapide, cynique et édifiant.

Il parle de la noirceur dont peut se colorer, parfois, l'âme humaine.

Avec des dialogues efficaces, incisifs, les deux auteurs font monter la pression jusqu'à un épilogue qui pousse d'un cran supplémentaire l'odieux et l'insupportable.

Cette pièce est tout simplement indispensable.



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Souvenirs d'un buveur d'éther

Avec les souvenirs d'un buveur d'éther, je viens de découvrir Jean Lorrain, écrivain mondain du tournant du siècle.

Le livre est divisé en 4 parties. Tout d'abord ses souvenirs d'enfance en Normandie et ses chroniques parisiennes. Ensuite viennent ses tableaux très émouvants, de femmes souvent prostituées, à travers leurs déboires quotidiens, leurs regards désabusés sur le monde, sur leur vie. Pour finir, des récits fantastiques dignes d'Edgar Poe, composent la dernière partie : les contes d'un buveur d'éther.

Les textes sont très riches, avec une écriture précise, souvent précieuse (Huysmans n'est pas loin). Le vocabulaire très choisi et parfois étonnant. Il m'est souvent arrivé d'arrêter ma lecture pour apprécier telle ou telle description.

On pense souvent à Mirbeau, Baudelaire, d'Annunzio. On est en pleine décadence fin-de-siècle, en plein symbolisme. Il est d'alleurs parfois fait référence aux peintures de Gustave Moreau.

C'est une merveille !

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La Maison Philibert

« Toutes les jeunes filles doutent de leur foy. ».

Cette contrepèterie d'Estienne Tabourot (1547-1590) m'a rappelé que j'avais une critique à faire sur le roman de Jean Lorrain : La maison Philibert.

Pour éclairer cette phrase il faut expliquer que dans cette maison "spéciale", un bordel, les pensionnaires cherchent parfois des attentions plus féminines.

Jean Lorrain prend l'habit du journaliste (ce qu'il fut réellement) qui, ici reçoit les confidences d'un patron de maison close, là va assister à des festivités où le "Grand Monde" côtoie les mauvais garçons et les filles du ruisseau, sans jamais quitter ce milieu interlope de la nuit. C'est ainsi que le récit se dévoile au lecteur qui devient l'oreille indiscrète lors de toutes ces rencontres. C'est l'occasion pour Jean Lorrain de dérouler un fil narratif adroitement construit. On sent l'auteur maître de son sujet, ayant accumulé une belle documentation sur le sujet durant ses virées nocturnes sa vie durant. S'il connait Gomorrhe, Sodome n'a plus de secret pour lui non plus.

Le sujet des maisons closes a séduit de nombreux écrivains à cette époque. Mais de La Maison Tellier de Guy de Maupassant jusqu'aux romans de Francis Carco c'est toujours d'une façon folklorique, avec une ambiance bon enfant, qu'est dépeint ce milieu alors qu'il me paraît que ces femmes avaient surtout une vie détestable pour ne pas dire sordide.

Il en va de même de ce livre de Jean Lorrain paru au début de l'autre siècle.

Pour faire court je dirai que c'est Clochemerle chez les filles.

Ces réserves faites, c'est un livre d'une lecture facile, le récit est d'une fluidité remarquable, qui transporte le lecteur dans une époque pleine d'espoir et d'insouciance alors que la Première Guerre mondiale n'allait pas tarder à faire son entrée dans l'histoire.

Quatre étoiles à coup sûr.
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Monsieur de Bougrelon

Dans ce roman daté de 1897, Jean Lorrain s'inspire d'un de ses voyages en Hollande. Il fait débuter son récit à Amsterdam, au cours d'une tempête, avec une entrée en matière à la française: deux messieurs déambulent dans les rues, ignorant les musées et les lieux touristiques, car ils connaissent la ville. Ils sont intrigués par le nom d'un bar, Café Manchester, et se retrouvent ainsi dans un bordel dès la quatrième page. Les femmes y sont laides et gentilles, le paisible et familial intérieur hollandais' s'y avère haut en couleur; ces dames boivent bière et genièvre à un rythme accéléré.



Selon Marie-Françoise Melmoux-Montaubin, Lorrain, non sans humour, fait une double parodie avec le personnage de Monsieur de Bougrelon: parodie de Barbey d'Aurevilly et de Des Esseintes. Un roman très intéressant.
Lien : http://livresetmanuscrits.e-..
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Princesses d'ivoire et d'ivresse

Ecrin sombre d'argent terni... Une lecture nocturne et savoureuse, proprement ensorcelante, découverte grâce à la superbe chronique de Psyché, à propos de La princesse sous verre mais aussi (donc) du présent ouvrage, dans le lien ci-dessous :
Lien : http://psycheinhell.wordpres..
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Emblèmes, HS, tome 2 : Les Fées

J''étais très fière qu'un de mes textes fasse partie de la sélection de ce numéro d'Emblèmes consacré aux Fées, d'autant que c'est la talentueuse Léa Silhol qui s'occupait de cette collection. Ma nouvelle "Un si précieux élixir" avait déjà obtenu le Prix Jacques Moriceau mais trouvait là l'occasion d'être publiée.
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Princesses d'ivoire et d'ivresse

Citation :

"Par les ciels mouillés de décembre, tandis que les passants enlaidis par le froid se hâtent et se heurtent à l'angle des trottoirs, et que la bise tourmente avec des férocités de chatte les guenilleux attardés au pavé dur des routes, combien il serait doux de pouvoir redescendre le passé, de pouvoir redevenir enfant et, blotti près des braises rougeoyantes, dans la tiédeur des chambres closes, quel repos et quelle fraîcheur ce serait aux pauvres yeux éraillés par la vie à se reprendre au charme de vieux livres d'images, des vieux livres d'étrennes illustrés de jadis, et de pouvoir croire encore aux contes !"





Et pour retrouver ce plaisir du conte, du rêve, de l'évasion, Jean Lorrain en écrit à son tour. Des contes un peu étranges, tout de même. Des contes un peu cruels, où ses héros souffrent (ça c'est normal dans les contes) mais sans espoir d'une fin heureuse, et surtout pas de mariage, et beaucoup d'enfants à l'horizon. Des princesses décadentes, par trop ornées, promènent leur ennui, leur spleen, dans des somptueux palais-prison, et rêvent de mort et de tourments pour enfin avoir quelque chose à ressentir.



Et puis quelques réminiscences reviennent à Jean Lorrain, dans lesquelles il revisite certains contes qu'il a aimé, La reine des neige, Mélusine....Et les contes qu'il a entendu dans la cuisine racontée par sa nounou, et qui rappellent la Normandie de son enfance. Peut être les plus intéressants, les plus touchants, les plus authentiquement contes. Avant que l'âge adulte ne pervertisse la magie du conte, et en fasse une sorte de poème en prose décadent.

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Monsieur de Phocas

Jean Lorrain est né à Fécamp le 9 août 1855 (Martin Paul Alexandre Duval de son vrai nom) et décède à Paris le 30 juin 1906. Il fait partie de ces écrivains décadents à cette époque charnière entre deux siècles, comme Villiers de l’Isle-Adam, Verlaine « Je suis l’Empire à la fin de la décadence » et surtout Huysmans dont le héros d’un de ses romans Des Esseintes dans A rebours symbolise cette école littéraire.

Monsieur de Phocas, alias le comte de Fréneuse, avant de s’exiler en Orient confie son Journal à un quasi inconnu qu’il pense susceptible de le comprendre. Ce Journal est un testament, une confession intime plus précisément. Le comte de Fréneuse est connu du tout Paris, des légendes circulent à son propos, des mystères émaillent sa vie, des scandales éclatent dans son sillage. Qu’en est-il réellement, quelles sont les raisons qui ont motivé ses actes ? Le manuscrit va nous le révéler.

Dans le roman, Jean Lorrain mélange habilement des aspects de sa propre vie, c’est un journaliste mondain et dandy, amateur de plaisirs de toutes sortes, femmes et hommes, drogues et rencontres scabreuses dans les bas-fonds des grandes villes, avec des ambiances et des idées qu’on retrouve dans des livres écrits antérieurement par d’autres écrivains, le personnage de Des Esseintes de Huysmans, celui de Dorian Gray d’Oscar Wilde etc.

On y croise des célébrités de cette époque, Liane de Pougy (auteur de Idylle Saphique), Rachilde qui a écrit Monsieur Vénus, le comte Robert de Montesquiou etc. L’esthétisme et les arts sont au centre des préoccupations du comte de Fréneuse devenu obsédé par les yeux verts. Des yeux d’un certain vert bien particulier qu’il va rechercher partout, que ce soit chez les prostituées des quartiers glauques des villes ou dans les œuvres d’art des musées. C’est là qu’intervient Claudius Ethal, un personnage étrange, peut-être diabolique, qui se propose de l’aider dans sa quête, le poussant à franchir des limites qui doivent le guérir de son obsession au risque d’y laisser son âme.

J’apprécie beaucoup les livres de J.K. Huysmans, c’est donc avec plaisir que je découvre – enfin – Jean Lorrain qui écrit dans la même veine. Le style, les références culturelles évoquées, les clins d’yeux (certains parlent de plagiat) à des œuvres d’autres écrivains de qualité font de ce livre une petite merveille d’où se dégage une capiteuse odeur stupre.

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Les Noronsoff

Lorrain livre avec ces Noronsoff un festival fin-de-siècle. Derrière l'histoire haute en couleur des extravagances du prince russe Wladimir Noronsoff, établi dans un domaine quasi féerique de la Riviera de la fin du siècle, c'est le portrait de l'homme de tous les excès cher aux écrivains comme Lorrain qui se dessine. Truffé de parallèles avec les narrations antiques (Suétone notamment), brodant sur le canevas des légendes noires d'Héliogabale, Néron ou Caligula, puisant dans l'art autant que l'histoire et la littérature, ce roman nous régale par une atmosphère saturée (de maladie, de parfums, d'inventions étranges et de personnages archétypiques), et un vocabulaire sachant rester simple - on est loin des néologismes à tout va de certains écrivains décadents.

A lire donc si vous désirez goûter l'esprit fin-de-siècle et prendre un grand bol d'air vicié !
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La Maison Philibert

Dans La Maison Philibert, l'évocation de la vie d'une maison close sert de prétexte à Jean Lorrain pour dépeindre le monde marginal des cabaretiers, des mauvais garçons, des souteneurs et des prostituées, avec la gaieté et l'acuité d'un observateur bienveillant, qui se plaît à parler la même langue que ses personnages.
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Contes d'un buveur d'ether

Ces Contes d’un buveur d’éther sont un délice de perversité raffinée. Un fantastique délicatement suggéré, fruit des vices et des dépravations de leurs narrateurs respectifs, rehausse l’éclat de ces histoires servies par une élégante prose nuancée de mots rares et de néologismes. Le style de Jean Lorrain déployé dans ce recueil s’apparente à la préciosité d’un Proust mâtiné d’un attrait du bizarre à la Beaudelaire, pour s’infléchir dans les ultimes contes vers une veine argotique voisine des Mystères de Paris d’Eugène Sue.



Une heureuse découverte que cet opus, bien caractéristique d’une littérature “fin de siècle”; comme un bouquet extravagant d’orchidées vénéneuses à peine fané, abandonné dans la touffeur d’un été, sur une console, et dont les effluves capiteuses enivreraient l’imprudent visiteur...
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La dame turque

C'est un concours de circonstances qui m'a amené à lire cet ouvrage puisque, l'ayant aperçu dans la bibliothèque de ma belle-mère, j'ai d'abord été intriguée par le titre puis enfin par la couverture avec cet étrange portrait flou, celui d'une femme.



L'histoire débute sur un bateau en partance de Tripoli et en direction de Malte. Sur ce dernier, Jean, le narrateur (le lecteur apprend le prénom de ce dernier bien plus tard dans le récit), voyage avec sa mère et après avoir quittés tous deux Tripoli dont le narrateur nous offre une description alléchante, ils se retrouvent donc à bord de «l'Asia», en route vers l'Europe. Ce passage du monde oriental à celui occidental se fait par des souvenirs, des descriptions qui arrivent après avoir quitté la terre turque mais se poursuit sur le bateau à travers une étrange apparition qui envoûte le narrateur, celle d'une femme turque, voyageant avec ses trois serviteurs et son interprète. C'est donc par ce dernier, un arménien du nom de Bascia Cahuaji, que Jean apprendra que cette femme se prénomme Shiamé Esmirli et qu'elle est la seconde épouse d'un pacha de Tripoli qui a été exilé en raison de ses opinions politiques. Sans qu'il ne sache pourquoi, le narrateur est littéralement sous ce charme de cette femme qu'il sera amené à revoir dans d'étranges circonstances.



Voilà pour la trame de l'histoire. Je ne vous en dirai pas plus sans quoi je vous dévoilerai l'intégralité de celle-ci. J'ai bien aimé le style d'écriture de l'auteur, que je ne connaissais pas du tout jusqu'à présent ainsi que l'intrigue, même si elle ne dévoile rien de passionnant. Cependant, c'est tout un monde que l'on découvre en lisant ce bref ouvrage, celui des traditions turques par exemple et le fossé qui existe entre les croyances du monde oriental et du monde occidental. Cela nous offre une magnifique ouverture d'esprit sur le monde et, rein que vour cela, je vous recommande la lecture de cet ouvrage, très vite lu et magnifique !
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Les Lépillier

Paru en 1885, Les Lépillier est le premier roman de Jean Lorrain. Il scandalisa sa ville de Fécamp qui lui reprochait d'avoir pris modèle sur des personnes de la ville.

A lire absolument !
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Monsieur de Phocas

En premier lieu, cet ouvrage se présente comme une véritable marquetterie littéraire : émaillé de citations, hanté de multiples références et allusions, le manuscrit se dérobe, toujours prêt à se dissimuler derrière les mots et les images des autres. Cela est mis en oeuvre jusque dans la trame même du livre, où un narrateur éphémère et particulièrement transparent nous dit transcrire le journal du duc de Fréneuse qui, son manuscrit confié à un inconnu, disparaît aussitôt en Orient. Le narrateur s'éclipse finalement bien vite pour nous livrer, d'un bout à l'autre, le contenu des feuillets qui lui ont été confiés, avant d'apposer ces derniers mots : "Ainsi finissait le manuscrit de M. de Phocas." Rien de plus. Aucun commentaire, aucune note. Comme s'il n'existait pas. Quant au contenu du journal, il est tout aussi problématique ! Le scripteur, tout en s'épanchant irrégulièrement sur son mal-être chronique, semble lui aussi menacé d'oubli et de disparition, supplanté par un ou deux personnages qui le hantent : Claudius Ethal et Thomas Welcôme. Leurs lettres, échanges et discours envahissent littéralement le propos du duc de Fréneuse, et le manuscrit que reçoit notre narrateur inexistant semble représenter davantage une confrontation entre ces trois personnages et leur vision respective du monde, qu'un véritable journal intime ... Finalement, Monsieur de Phocas intrigue, par l'artifice de son procédé, visant tout autre chose que le vraisemblable.



[...]



J'énumère un peu, il m'est difficile de donner une structure stricte à propos d'un livre qui semble aussi volontairement décousu ... Ce qui m'a intéressé en premier lieu dans ce livre, c'est la résurgence de différents thèmes, parfois assez prisés à l'époque, et qui m'attiraient tout particulièrement. Le duc de Fréneuse est en effet caractérisé par son obcession des yeux et du regard. C'est par ailleurs le regard rêvé de la statue d'Antinoüs qui réveille ses hantises et le pousse à errer de part et d'autre du Paris 1900, dans l'espoir de dénicher quelque part ces mêmes yeux verts, si troublants qu'il avait imaginés devant le buste. Dès le départ, poussée dans cette direction par l'auteur même, j'ai pensé à L'homme au sable : c'est bien à "un personnage de conte d'Hoffman" que notre héros est apparenté, dès le début. Et à quelqu'un ayant subi une "fâcheuse anémie cérébrale", "lésion du cerveau ou dépression nerveuse." Les deux se tiennent, après tout. Revenons à ce regard : Fréneuse le cherche, désespérément, et un peu partout : dans les musées, auprès des femmes, prostituées et/ou danseuses, face à des poupées de cire au regard de mortes, dans l'Orient lointain ... Cela l'amène aussi auprès d'un peintre singulier, un peintre sans pinceau ni chevalet, à l'atelier vide : Claudius Ethal, réputé fin empoisonneur, et qui se targue de pouvoir soigner le duc de son mal. Or, une des choses que j'ai préférées dans cet étrange livre, ce sont justement ces évocations de regards dérobés, de masques aux yeux vides et à la bouche béante, ces descriptions de danseuses sur scène, pourtant si vite démythifiées, ces peurs face à des poupées de cire, cadavres immobiles figés dans leur putréfaction. L'Olympia du conte d'Hoffmann se heurte à l'image de Salomé, et à l'argot de la vulgaire danseuse que Lorrain semble se plaire à discréditer. Décalage entre un monde de rêve, de cauchemar et la réalité du monde.



[...]



Une belle curiosité littéraire.
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Monsieur de Phocas

Considérée comme une œuvre clef du mouvement décadent, "Monsieur de Phocas" est une longue confession, celle du mystérieux aristocrate, le duc de Fréneuse, en quête d'un regard, d'une lueur verte et glauque. Fâché avec son époque, il n'aura de cesse de dénoncer les "masques" horribles de la société, d'acheter les pierres les plus précieuses, de contempler les yeux des statues, de s'égarer, de s'isoler, jusqu'à croiser la route de Claudius Ethal, un peintre anglais aux penchants morbides ; une sorte de double maléfique, un monstre lubrique qui flatte les bas instincts, empoisonneur notoire. D'une cruauté sans nom, Ethal sera pour le duc un guide des enfers et de la perdition. Ils vont tous deux se repaître d'art, de perversions et de pauvretés. Ils trouvent la beauté dans le regard des agonisants, des tuberculeux, des fumeurs d'opium et de haschich, des danseuses et des prostituées affolées. Dans un style riche, macabre, symboliste, plein de références aux écrits et aux tableaux de la fin du siècle, Jean Lorrain arrive à trouver sa propre voix, distincte de celles de Huysmans, Baudelaire, Bourges, Mirbeau.
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Les Noronsoff

Voilà un traité d'esthétique du déchet dispendieux.

Belle Époque mais pas Années Folles, c'est un peu le pendant européen à Gatsby le magnifique de Francis Scott Fitzgerald (si, si, j'ose). Mais le glamour agaçant des Américains n'a pas droit de cité ici. Je m'en trouve très bien personnellement.



Les Noronsoff constituent un tourbillon narratif délicieusement fin-de-siècle, avec le cortège d'images foutraques et maladives qui vont avec, option luxe oriental grand teint, lubies d'aristocrates désœuvrés, fin de race et mépris de classe; voire à l'occasion une touche de Fragonard pour le parfum d'alcôve et l'hommage nostalgique à la licence XVIIIème. Pour ce goût de moisi je suis bon public (j'ai raté hélas l'examen de gendre idéal). Pour faire bon poids, Lorrain ajoute le vocabulaire idoine tout aussi délicieusement suranné (oaristys ou oarystis, c'est une question orthographique qui agite les foules) et les références appuyées à Suétone, aux turpitudes de Néron, à l'extravagance d'Héliogabale, aux nymphes, à Adonis. Pour cet hommage érudit à l'Antiquité j'applaudis (j'ai réussi haut la main l'examen de cuistre).



Ceci dit, dans le genre (le mauvais genre) on peut tout de même trouver plus vénéneux. Cette lecture est fort plaisante, scandaleusement charmante, avec quelques rebondissements - le pus et la malédiction bohémienne sont servis à discrétion - mais je m'attendais à un feu d'artifice légèrement plus coloré après la grosse dose d'humour du début. Movere, docere, placere: je me suis demandé si c'est consciemment ou non que Lorrain aurait gardé sur ce Néron moderne (et sa mère dédoublée) un fond de point de vue moral de Suétone et de Racine . Mais rassurez-vous, l'auteur n'écrit pas pour l'édification des rosières. On reste là dans une joyeuse série B et un sympathique concerto de l'agonie.



Alors, on ne va pas bouder son plaisir. Vous reprendrez bien un peu de décadence ?

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Monsieur de Bougrelon

J'ai adoré! Un langage très poétique. Une écriture et un personnage scandaleux, cynique. Décadent mais sans provocation. Une Amsterdam glauque et sale. Un personnage extravagant, coloré, épuisant mais triste également. La poésie de ce livre est surréaliste, la matière du livre prend une tournure fantastique grâce aux images de l'auteur. Je le recommande fortement! D'ailleurs le livre est fantastique dès l'introduction de Duchemin que je vais m'empresser de lire également car cela semble merveilleux dans le ton.
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Monsieur de Bougrelon

Voici un curieux roman ! Publié en 1897 et issu du courant ''fin-de-siècle'', c'est l'histoire de deux amis français qui visitent Amsterdam. Rapidement lassés, ils font la providentielle rencontre de Monsieur de Bougrelon qui devient le seul et unique attrait de leur voyage. Ce monsieur, ancien compagnon d'un noble de haut rang exilé dans cette ville, va les trimbaler de ci de là tout en leur servant un ininterrompu babillage constitué des élucubrations les plus inattendues qui soient. Ces monologues forment environ 100% du roman. C'est à peine si les voyageurs placent une phrase dans tout le livre, et tout comme nous lecteurs, ils sont bien en peine lorsque Monsieur de Bougrelon ne paraît pas certains jours. C'est que malgré l'étrange confection de ce livre, tout ceci se lit très bien et est hautement divertissant. le flux verbal de notre énergumène et l'originalité de ses propos installent une rapide dépendance. Que dire de plus ? Vive les ananas en pot !
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