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Citation de Woland


Woland
25 septembre 2010
[...] ... Vexé, l'abbé redressa le buste. Ses yeux lancèrent des éclairs et le ton de sa voix se fit plus sec : "Fort bien ! Donc, une relique de saint ne se trouve point sous les sabots d'un cheval et nous n'avons aucun moyen d'en acheter ..."

A mesure que l'abbé parlait, les yeux du vieux moine [frère Thomas] se plissaient davantage et ses traits exprimaient la plus vive satisfaction.

- "Certes," reprit Thomas après un instant, "on n'en trouve plus qui soient ... librement à disposition ..." Il parut hésiter et regarda ses pieds. Enfin, il leva les yeux vers l'abbé et eut un petit sourire. "Néanmoins, la cause de la Foi autorise un homme de Dieu à ... se servir ... quand il faut ... Là où il peut !"

L'abbé se figea, interloqué. Il posa les fesses contre le plateau de la table, puis il baissa les yeux et se prit à observer le carrelage sombre de la salle capitulaire qui s'étirait à ses pieds. Et il se souvint : non pas d'avoir été confronté à une affaire semblable, mais bel et bien d'avoir lu ou entendu quelques étonnants récits à ce sujet. Il existait une pratique assez courante en ces temps troublés qui précédèrent l'an Mil. Il s'agissait de volet, tout naturellement, des reliques de saints dans des églises ou des abbayes où l'on feignait de considérer qu'elles n'étaient plus assez efficaces et de les ramener en d'autres lieux plus propices à les laisser exprimer leur puissance. Les religieux de ces époques reculées désignaient de tels enlèvements sous le vocable pudique de "translations." L'abbé avait toujours subodoré que la religion en prenait à son aise en la circonstance et que la prospérité des monastères passait en priorité. Frère Thomas mettait aujourd'hui en avant la cause de la Foi. Soit ! Au fond, il avait peut-être raison, d'autant plus qu'aucun vol ne se commettait, aucune relique n'était déplacée sans que le voleur eût sollicité auprès du saint concerné un accord préalable. Le silence étant reconnu comme réponse positive, les doutes étaient aussi rares que les refus manifestes. Par ailleurs, il semblait avéré, à en croire les récits dont l'abbé avait eu connaissance, que les saints ainsi transportés d'un lieu à un autre étaient enclins à montrer plus d'efficacité dans la nouvelle demeure que dans l'ancienne. Soit encore, bien que deux siècles se fussent écoulées depuis la dernière translation connue. Avec une inquiétude qui avait du mal à se dissiper, l'abbé se demanda si quelqu'un se souviendrait encore qu'en ce temps-là, on ne punissait pas, ou rarement, ce genre de délit, et qu'il n'y avait pas de représailles, ou si peu. Il se demanda si les victimes d'un tel vol admettraient encore aujourd'hui, comme elles le faisaient paraît-il jadis, que le souci de la gloire de Dieu primait sur la fortune de leur abbaye et rendait caduque tout sens de la propriété en la matière ... Enfin, n'y avait-il aucun danger à remettre ainsi au goût du jour une coutume certes originale, mais sans doute oubliée ? ... [...]
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