Le Petit Frère - Le coup de cur de Guillaume
J'ai le sentiment que le deuil d'un enfant ne peut se partager qu'avec quelqu'un ayant vécu le même drame. On peut se projeter, imaginer et faire preuve de toute l'empathie de la terre, mais l'expérience de cette épouvantable douleur, la douleur de la perte contre-nature, l'amputation violente de la chair de sa chair... non, on ne peut pas savoir.
Plus personne avec qui partager ni les jeux ni les joies...
les petites misères et les coups de blues...
plus personne avec qui rire ou chanter... Personne pour me toucher... et personne à toucher.
Ce vide autour de moi créait un vide en moi.
Un vide terrible...
Et je n'aimais pas ça...
Mais alors, pas du tout !
J'avais besoin de quelqu'un à aimer.
Sauf que l'amour ne se décrète pas...
Et il ne vient pas non plus frapper à la porte...
« J'ai cueilli ce brin de bruyère
L'automne est morte souviens-t'en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps brin de bruyère
Et souviens-toi que je t'attends »
Guillaume Apollinaire
Moi qui pensais la plaie refermée depuis longtemps et même la cicatrice presque effacée… Pendant toutes ces années, j’avais bien vécu. J’avais beaucoup aimé, beaucoup baisé, beaucoup ri, et beaucoup dessiné. J’avais peint et sculpté aussi, et fait de beaux voyages. Je ne m’étais économisé et j’étais heureux comme ça. Mais ce jour-là, j’ai compris que tout ça, je l’avais fait avec sur le cœur, le tatouage invisible de mon frère perdu.
[ JeanLouis, 12 ans, 1970 ]
Qu'y a-t-il sous les jupes des filles ?
A quoi ressemble-t-il, cet inaccessible Graal ?
Qu'y a-t-il aussi, derrière leurs yeux noirs ? Surtout ceux de Pili Martinez..
Les dessins anatomiques que lui a montrés son papa ne le disent pas...
Ces dessins-là sont clairs, nets et froids.
Ils ne lui disent rien de ce qui se passe en lui quand il pense à Pili Martinez.
(p. 11)
Ainsi, se serrer le bout de la quique en pensant qu'il embrassait Beth avec la langue devint son activité principale pour le reste de l'été.
Serrer... et bouger un peu, donc... et à force de bouger un peu, puis un peu... quelque chose de tout à fait inattendu arriva.
Vous dire la surprise que provoqua cette... chose... chez Petit JeanLouis... c'est impossible...
C'était...
Il n'était pas préparé à ça...
Se serrer la quique, il le faisait parce que c'était agréable... mais ça !!
Que s'était-il passé ?
On était loin des dessins en coupe de l'appareil reproducteur masculin et des cours d'éducation sexuelle de son père dans lesquels Maman pond un oeuf, et où Papa met son zizi dans celui de Maman et dépose une petite graine qu'on appelle un spermatozoïde, qui est contenu dans le sperme, bon d'accord... et il comprenait bien que ce liquide sur son ventre, c'était ça le sperme en question... Dans la cour de récré, on disait 'juter'... Il avait juté, donc...
Mais son père n'avait pas dit un mot sur la secousse !!
La porte d'un chaos grandiose et inconnu...
La clef des abysses...
Des abîmes et des galaxies...
Le plaisir radical...
L'ultime vibration...
Et le calme...
Son père ne lui avait pas parlé de ça... le plaisir... un plaisir d'une nature inouïe... qui apporte le repos, l'apaisement, le calme enfin...
La vie allait changer radicalement.
(p. 23-29)
De toute façon on est seuls ! On naît seul, on meurt seul... Et entre-temps chacun porte seul son propre fardeau !
[ le narrateur a 16 ans ]
Je venais de prendre en pleine gueule (si j'ose dire) un orgasme féminin exubérant... Or l'orgasme féminin est une chose à laquelle, je dois le confesser, j'avais très peu pensé jusque là.
Mais WHAOOO !! Je pense ne m'en être jamais remis...
C'était un peu comme la découverte du feu à l'époque des âges farouches...
D'abord la fascination, puis le désir de savoir l'allumer soi-même...
Ce serait comme être un magicien, un druide, un sorcier, un... un Jedi...
Mais loin d'être un Jedi, je n'étais qu'un jeune Padawan et force m'était de constater que mon sabre laser n'avait été pour rien dans la jouissance de Caroline.
(p. 87-88)
La vie nous rend triste...
Mais la vie s'en fout.
La vie elle-même n'est pas triste. Elle continue.
Il nous appartient de savoir...
Comment nous voulons la vivre...
On dit que la nuit porte conseil...
La mienne fut agitée...
Du sommeil écartelé entre les souvenirs imaginaires d'un paradis déjà perdu...
Et des visions désolantes du purgatoire qui m'attendait...
Pour avoir ainsi, par manque de courage...
Laissé passer quelque chose d'essentiel...
On dit que la nuit porte conseil...