En partant de la phrase de Giedion -- "La matière sera l'ornement du XXe siècle" --, nous nous étions interrogés sur l'importance du béton dans l'œuvre indienne de Le Corbusier. Comment s'opérait au travers de la suprématie de la matière brute un vœu de pauvreté ?
La longue maturation des concepts de l'architecture moderne a parfois installé l'écran d'un dogmatisme irréductible entre l'architecte et ses clients. Leurs intuitions tout autant que leurs convictions, la volonté de saisir l'occasion d'une œuvre démonstrative, ont conduit alors les architectes à les malmener. Le pavillon Farnsworth en offre l'exemple le plus célèbre. Durant le procès qui l'oppose à Mies van der Rohe, Edith Farnsworth détaille l'incompatibilité de l'exercice de style minimaliste de son architecte avec ses objectifs personnels, disposer d'un refuge, intime et confortable ! Indéniable, le manque d'habitabilité du pavillon incite sa propriétaire à renoncer à son occupation.
Le projet proposé pour le premier tour suit à la lettre les principes de la charte d'Athènes :"Circuler, Habiter, Travailler, Cultiver le corps et l'esprit" enrichi de la théorie de 7 Voies et de celle des secteurs, reprise du plan de Chandigarh. Retenu au deuxième tour, le Groupement décide d'envoyer une délégation vers le célèbre architecte pour lui demander de participer avec eux. Le Corbusier accepte d'apparaître en tant que conseil tout en les mettant en garde sur le fait que son nom en France à ce moment-là, était une assurance pour perdre.
... dès1958, le constat de Pierre Sudreau [ministre de la Construction sous la IVe et au début de la Ve République] était mitigé : "Certains grands ensembles, véritables murailles de bétons, long de plusieurs centaines de mètres, hauts de plusieurs étages, annihilent le côté humain de la construction. On peut se demander si on n'a pas changé l'échelle de l'erreur en remplaçant 'la petite bicoque' par la grande caserne. Pesante uniformité, la répétition n'implique pas l'absence d'architecture..."
Nous voudrions ici tenter de définir ce qui fait que les architectes de cette période se retrouvent dans une dimension commune qui peut laisser penser à une école artistique autour de la notion de brutalisme telle que définie par Le Corbusier. La majorité d'entre eux considèrent son œuvre complète comme un stock formel publié pour servir.
Dès qu'on a eu connaissance du programme du concours (le Mirail 1961) on est allé chercher Corbu, qui nous a dit :"Ah vous aimez les coup de pieds au cul." Ça a été pratiquement son premier mot d'accueil."Si vous n'avez pas peur on peut travailler ensemble"...
Face à ce mouvement d'ampleur internationale, l'architecture toulousaine de la période se positionne d'une façon spécifique car la revendication régionaliste y prend une valeur particulière. Maître d’œuvre et maître d'ouvrage se retrouvent face à ce désir de modernité, d'ouverture sur l'avenir et d'identité. Le Toulouse des trente glorieuse mise sur l'université, l'aviation et l'informatique naissante et veut prendre le risque d'une architecture nouvelle.