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Citations de Jean-Loup Trassard (88)


Schistes lustrés, d'un vert mêlé de noir. Cassures luisantes, lisses sous la paume. Marche : pierres que je touche, plantes inconnues (une minuscule violette mauve à feuilles grasses), et tellement de ciel. Me suit l'idée d'un berger si vieux, à cape grise comme la feuille du génépi, si vieux - attente - qu'il ne garde plus que nuages, leur distribuant encore du sel sur les pierres que penche la montagne.
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"La Poignée de marmite, le rouet & les coffins"

Quand la marmite suspendue à la crémaillère est au milieu des flammes, son anse métallique devient brûlante : on ne saurait la décrocher sans protéger la main par un chiffon. Les femmes souvent préféraient une sorte de crochet en forme de poignée, ou "main de fer". (...)
Nombre d'objets usuels par quoi l'homme s'entoure (...) portent évidemment la marque, la mesure, de son corps. Ainsi parler de tels objets n'est pas, comme on a pu le croire, choisir l'inanimé, mais parfois chercher la silhouette qu'ils dessinent en creux de l'homme ou de la femme occupés à les faire mouvoir. (p. 87)
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Le Carrosse , le fer à repasser & les grelots

Maintenant je m'en aperçois : je n'ai pas le souvenir d'avoir jamais vu repasser dans une ferme, jadis. On devait se cacher plus ou moins pour une tâche considérée en pays sauvage comme luxueuse. Et peu de linge méritait ce soin, le plus gros étant aplati et plié à la main. (p. 23)
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Toujours envie de faire entendre ma campagne à Paris ou ailleurs. Vous pensez que ça ne sert à rien ? Je suis d’accord. Surtout que ce n’est pas la vie d’aujourd’hui mais une dont la campagne elle- même ne veut plus entendre parler, par honte sans doute de ce qu’ils ont été, culs- terreux, ainsi nommés dans les petites villes de la région si fières de leur esprit étroit. Ils se vêtent maintenant de modernisme, l’oreille pendue, eux aussi, au téléphone si miniature dans leur grosse main travailleuse de force.
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Tout comme la fermière seule au milieu des joncs (les vaches parfois approchent un mufle baveux des chemises tordues lancées sur le tréteau), chacune des laveuses du bourg était dans son carrosse.

C’est une forte caisse n’ayant que trois côtés et un fond (les mesures en sont variables, mettons 45 cm sur trente et 25 cm de haut). Quatre montants extérieurs forment par leur base dépassante des pattes de 5 cm qui élèvent le carrosse au-dessus de la boue et lui évite une détérioration accélérée. Il faut ajouter que le devant est surmonté d’une petite planche (8 cm de large environ) clouée horizontalement comme une amorce de couvercle, ou plutôt légèrement en pente vers l’avant, et que celle-ci est échancrée en arc de cercle pour que le corps se penchant y puisse avancer. Enfin que les deux planches latérales se terminent vers l’entrée par un arrondi très marqué. Peint à l’extérieur d’un bleu charron qui peu à peu s’efface, le carrosse doit être rempli de foin : on s’y tient à genoux, tout au bord de la planche à frotter du lavoir.
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Une belle ferme sûrement et voilà qu'elle se trouvait dedans, mais à vrai dire elle ne savait pas trop où elle était, où s'arrêtait la terre, où était le village ?
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Ma plus surprenante remarque — je m'intéressais déjà beaucoup aux fleurs des champs — fut que si les talus mayennais étaient tapissés de primevères, ceux de la Sarthe n'en nourrissaient aucune mais étaient fleuris de « coucous », plante que la botanique nomme « primevère officinale ». Elles sont parentes, mais tandis que la primevère, jaune pâle, est de faible parfum, le coucou — grappe sur une seule tige de plusieurs fleurs tombant comme clochettes — a des pétales d'un jaune très chaud et un parfum d'abricot mûr. Je regrettais que ce remplacement ne m'ait paru définitif qu'au bout de quelques kilomètres, je n'avais pu inscrire le point exact d'une ligne de partage ! Quand les charrettes se sont arrêtées, j'ai sauté le fossé pour grimper contre le talus et ramasser vite un bouquet que j'espérais offrir à ma mère, ainsi l'entrée en Sarthe eut odeur de coucou
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Du ciel bleu, on en voit, mais on ne le tient pas, la pluie, le vent vite revenus et il fait sombre dans la forge, pourtant voilà le théâtre de ce combat entre fer et feu que je vous montre, rythmé par le marteau, ébruité par l’enclume sonnante. Je me figure un combat sans savoir, peut- être une alliance plutôt entre ces éléments, scellée par l’eau qui crache et feule !
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Sous les branches d’arbres patriarches d’autres arbres. En descendaient des lianes qui se nouaient au fourré. Le sol ombreux mêlait arbustes fougères arbres chus recouverts de mousses : les huttes demi-sphériques étaient posées en cercle, couvertes de feuilles vertes sur tiges en arceaux. À travers leur paroi ils se parlaient le soir, sans élever la voix, puis s’endormaient serrés, frileux les nuits de pluie, fumée de bois mouillé.
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Oui, on est obligé aujourd'hui d'y penser : quelle chance ils avaient tous deux de voyager dans ce train champêtre avec leurs vaches, quand d'autres, chargés en hiver, n'avaient même pas trop vu, tellement entassés, la plaine blanche de l'Allemagne, puis de la Pologne…
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« Sur la Mézangerie, dès qu’il a commencé à se sentir installé, malgré la guerre, les restrictions, les prisonniers de Saint-Baudelle (ça, il le savait), les Allemands dans la ville, Victor s’est remis à chanter au labour, d’une façon naturelle, il n’avait aucunement oublié son répertoire et les couplets venaient tout seuls tandis qu’il marchait le long de l’attelée. Le soc grognait contre la terre, les chaînes – toujours nommées chapelets – cliquetaient, tous les pas des juments dans la raie faisaient un froissement continu, sur cette musique sourde Victor aimait chanter, peut-être pas pour exprimer de la joie, non, mais pour s’accorder au travail qui s’accomplissait bien, ou même pour éloigner l’ennui. »
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Le Fléau, le Coq-girouette & la lanterne.


Cette lanterne n'est pas une vessie. Notre patois l'appelle "un falot".C'est en pensant ce vieux nom que des mains autrefois tâtonnèrent dans la nuit pour allumer une lueur et courir à l'étable surveiller la vache prête à vêler.
(...) J'y peux fermer la porte sur mes pas, m'asseoir dans l'odeur de cire, regarder le monde à travers les carreaux de la lanterne. Depuis l'intérieur de l'objet dont je n'ai su décrire toute l'infime organisation, même sans lui prêter plus qu'une présence- que la bougie toutefois anime- je continue à sentir étrange la rencontre, sorte d'amitié, entre le falot de vieille tôle et une existence dont la flamme si tôt charbonne. Sans doute, comme l'écrivait Linay du Pairier en 1676 (...) " ce ne sont pas seulement des objets que je taste, mais mon propre contour que je voudrais connoistre". (p. 109)
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Il fallait au moins cinq charrettes. Victor aurait voulu mettre son frère, l'homme aux grandes mains. Marguerite faisait remarquer qu'il n'avait ni chârte ni juments. On pouvait lui en faire prêter. La chârte sûrement, mais les juments, dis donc… Et puis il faudra qu'il les ramène, comment s'en retournera-t-il à Bais ? De car en car, il ne sera pas rendu le soir. Et sinon qui ? Cela demandait réflexion. Ils auraient bien voulu, les Fourboué, quelqu'un envers qui ils ne seraient pas trop gênés d'avoir une dette, qui prendrait ça, c'était possible, comme une partie de plaisir. Je sais que mon père envisageait ainsi le voyage. Alors aux alentours, ou parmi les copains de Victor ? Il y aurait bien… avant de sombrer entre les plumes obscures leurs deux voix prononçaient des noms
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Entre nos deux « causements », il n'y a quelquefois qu'une légère variation : récier au lieu de rincier chez nous pour manger à quatre heures, baner au lieu de bener, pleurer, guermir au lieu de guerger, écraser. […] D'autres mots découverts dans la bouche des gars de La Mézangerie m'amusaient, par exemple tandiment au lieu de pendant, ou brabaner pour labourer, alitiérer, étendre de la paille fraîche à l'étable…
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Le pneu arrière de Sergueï s'est dégonflé. Du coffre de sa Lada poussiéreuse et déglinguée, le secrétaire du Parti sort une pompe pour les pneus de voiture. Il fait gris, assez froid, le pâle soleil entrevu à 7 heures du matin s'est laissé étouffer par les nuages. Nous allons déjeuner à la cantine. Une bande de cygnes en vil file devant nous sous les nuages bas. J'en compte huit, cous tendus, larges battements d'ailes. Ils viennent juste de quitter le petit lac où, me haussant sur la selle au passage, je n'en vois plus que deux qui gardent l'eau immobile.
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je savais bien que le voyage des cinq charrettes avait quelque chose d'américain !
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Noël, janvier ou février, pendant tous les hivers de guerre, nous en avons [de neige] toujours été fournis
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Parce que Marguerite, forcément, elle aussi se trouvait questionnée, la messe c'était surtout occasion de voir du monde et de faire ses commissions, mais maintenant ce n'était plus qu'aux tickets, leurs commissions étaient vite faites ! Les fermières demandaient la maison. Et tu n'es pas entrée ? « Jeun' n'ai point été à meume, mais les f'nêt' ‘taient ouvertes, on veuyait bin l'dedans ! » Quand encore c'est dans la commune, mais tout ranger sur des chârtes pour aller si loin, ce n'est pas rien. Elle en convient, mais Marguerite garde son blond sourire
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Ce n'est pas tellement l'allée, mais j'ai reconnu nos vaches. Victor les avait mises en bas pour que je les voie. Alors on a pris l'allée et je continuais à regarder malgré la breune, oui, je les reconnaissais une par une !
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Marguerite et Victor ne cessaient de mesurer des yeux, ou mentalement pendant que leurs mains faisaient autre chose, le volume de ce qu'il y aurait à transporter, c'est-à-dire tout, la maisonnée, les outils et le souil (prononcez « soui », couramment il s'agit de balayures, ou de rognures éparpillées, devant celui qui écorce un manche d'outil par exemple, mais en la circonstance le mot désignait d'une façon ironique les petits objets utiles comme seaux, paniers, cordes, baquets)
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