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Citations de Jean-Luc André d` Asciano (14)


J'aime bien élaborer des théories parfaitement fausses : les gens ont tendance à me croire, ou à croire que j'y crois. Je ne sais pas ce qui est le pire.
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Moi qui n'ai fait que tuer, j'aimerais être ému par ce qui ne m'a jamais ému : des rires d'enfants, un corps lové contre le mien, la chaleur de la peau, des cheveux à l'odeur de d'une, le goût du sel sur la rondeur d'une épaule, une main et une main minuscule, une berceuse, une langue qui se fraie un chemin entre les lèvres, une femme donnant le sein, des rires d'enfants et d'épouse mêlés.
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Nos frères n’avaient pas envie de pleurer : la mort de leur mère éveillait en eux cette colère si particulière, née du regret. Tous comprenaient être des esprits déviants, à faible teneur en humanité, à grande capacité au meurtre et à la solitude, et tous soupçonnaient mère d’y être pour quelque chose.
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La barque venait d’être projetée sur une plage.
Les chiens flairaient les alentours, inquiets. Ça puait le soufre. Nous tirâmes l’embarcation sur la plage, puis la retournâmes au cas où il faudrait partir vite. Assez loin de l’eau pour qu’elle ne soit pas emportée. Assez près pour que l’on puisse la pousser facilement. C’est Giovannito qui insista à ce sujet : un des conseils que son père lui donnait souvent, au cas où. Comment fuir rapidement à travers les rochers. Comment défaire un nœud coulant avec une seule main. Comment ouvrir une serrure avec un caillou. Il était étrange, le prêtre.
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La naissance et l’enfance de saint Zéphyrion, tout comme son véritable nom, demeurent obscures. La Corporation des Négociants le décrit comme fils d’un marchand de draps. Après avoir ruiné son père au jeu et fui le courroux de ses créanciers, il rencontra le Christ en s’abreuvant à la fontaine de notre village. La Confrérie des Pêcheurs, quant à elle, déclare qu’une nuit de tempête une barque s’échoua sur nos rivages : Zéphyrion était un marin égaré qui, priant pour son salut, vit soudain le Christ marchant les eaux. Ce dernier guida sa barque jusqu’au port du village, lui révélant au passage les chemins migratoires des poissons de haute mer. La Congrégation des Mendiants & Brigands attribue au saint des origines fort différentes mais, au XVIe siècle, sous la direction du très redouté Prince Bigarré, cet ordre fut entièrement détruit, ses membres pendus, brûlés ou écartelés : outre nombre savoir-faire dans l’art de la piraterie, du larcin et du braconnage, leur version quant à la vie de saint Zéphyrion fut fort regrettablement perdue. Néanmoins, en l’honneur de ces trois ordres fondateurs de la cité, lors de l’annuelle procession, la statue-ossuaire de Zéphyrion est placée sur une étoile à trois branches et portée par trois hommes : un marin, un marchand, un brigand, ce dernier masqué.
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Nous sommes nés monstrueux et notre vie fut belle. Nous sommes nés au plein milieu d’un été admirablement chaud. Nul signe mystérieux – pluie de crapauds, migration de rats, passage de comète à la ponctualité détériorée, naissance d’agnelle à six pattes ou tournée de saltimbanques à grelots – n’annonça notre venue. Simplement le ventre anormalement rond de notre mère, son cri de douleur lorsqu’elle accoucha, son silence obstiné lorsqu’elle nous vit. La sage-femme qui avait présidé à notre enfantement, elle, parla. On raconte qu’elle ne put s’empêcher de vomir en nous voyant, non pas tant à cause de notre difformité qu’en raison de notre vitalité : alors qu’elle songeait à écourter notre existence, elle croisa notre double regard. Nous étions exceptionnellement vivants, indubitablement humains, elle vécut cela comme une extrême menace. L’impossibilité pour elle de décider quoi faire, le haut-le-cœur qui s’ensuivit, la manière dont notre mère l’observait conduisirent l’accoucheuse à sortir précipitamment de la maison, à vomir donc puis à s’enfuir en direction du village. Là étaient le monde, les hommes, la vie simple et le prêtre. Elle arriva haletante, et parla. Une horreur, un miracle, quelque chose. Nous.
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" homme moderne, il lui semblait aussi important d'avoir des mobiles dé-brothérisés que des armes aux numéros de série limés"
...
"Les trucs que l'on voit dans toutes les associations à but crapulatif."
...
"Puis il s'enfuit tandis qu'un des serveurs s'évanouit, que la police pinpompone, que les pompiers pomponnent, et que son télèphon fait son. Plus ou moins dans cet ordre."
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Hélas pour eux, notre soeur Sofia était là. Elle avait douze ans, savait cuire le pain et n’aimait pas manger. Souvent, elle disparaissait des journées entières. Nul, dans le village, ne savait alors ce qu’elle fabriquait. Pourtant, sachant qu’il y avait toujours de la viande à la maison, bien que nos frères soient pêcheurs, l’on pouvait facilement comprendre la teneur de ses activités. Par exemple le lundi, souvent, la famille mangeait du lapin, alors que le mercredi, c’était plutôt du sanglier. « Mosca, pour une mouche, tu ressembles beaucoup à un sanglier », lui lança-t-elle lorsqu’arrivèrent les villageois. Sofia, toujours maigre et pâle, passait pour un peu sorcière. Evidemment, ce jour-là, tout le monde s’en souvenait, aussi Mosca eut peur d’être transformé en cochon sauvage. Plus tard, avec mon frère, nous avons joué à Sofia et Mosca, puis à Sofia et Roberto, à Sofia et Enza, enfin à Sofia et Domenico, l’oncle de Mosca. Nous aimions particulièrement ce moment du jeu. D’un seul coup de feu, elle brisa net la faux de Mosca. « Finalement, tu es plutôt un lapin », dit-elle. Un temps, la foule s’arrêta, admirative : un si gros fusil dans de si minuscules mains.
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Ce premier été fut un peu chaotique, mais nous étions patients. Notre père avait eu d’autres lubies : une fois, il avait rapporté en fraude, des Galapagos, un iguane qui devient la terreur des lézards et des chiens du voisinage avant de s’enfuir pour mourir de froid – ou d’être abattu par un chasseur. Ce dernier a dû clouer sur son mur, au-dessus de sa cheminée, cette tête de lézard géant, entre un cerf bêtement cornu et trois pattes de lapin malchanceux. Après, le chasseur s’est quand même mis à voter écologiste : si la centrale nucléaire voisine était capable de faire grossir les lézards à ce point, les fumeurs de chanvre ne devaient pas être complètement fous.
Dans le même genre, il y avait aussi eu un caméléon qui fut boulotté par Arnold, un vieux cochon vietnamien d’une laideur burlesque, ou encore des moutons Karakul. Mais la découverte que l’agneau, si gentil et si sautillant, devient adulte une métaphore ambulante de la bêtise, avait très vite découragé notre père de développer, en parallèle de ses volières, un élevage de bovidés, aussi ovins soient-ils. (« Cigogne »)
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Nous rions à la vie, à la joie et au voyage.
Et à la sauvagerie.
La sauvagerie de celui qui jamais n'est domestiqué.
Nous rions d'être vivants.
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Il tourne les pages de son canard en rêvant d’une presse de plumes et d’enquêtes, de gauche et libertaire, de fond et popu. Un canard enchaîné au quotidien, et donc parlant du quotidien des gens et non plus exclusivement des stars de la télévision ou des poujadistes ambiants. Avec des leçons d’économie, des enquêtes de fond, des prises de position assumées et aucune connivence. Mais faute de canard on mange des perles: un ministre maurassien assure que les vrais Français aiment sa vraie politique. Les partis traditionnels explosent sans se remettre en cause. Un ministre italien fait des blagues salaces avec son ministre de la Justice accusé de collusion mafieuse. Le Tamanoir en quille sur deux ou trois papiers qui résument les conflits de-ci de-là, prend des nouvelles de l’ultralibéralisme antidémocratique chinois, constate que la perte des libertés gêne moins que celle des marchés, s’amuse de ne plus connaître les noms des starlettes et se félicite de n’avoir jamais connu celui des « stars de la réalité », et refuse de s’interroger sur quelle réalité peut bien engendrer des étoiles pareilles.
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Le matin, il m’a fallu aller à l’école. Ma mère est toujours contente de me voir aimer l’école. Moi je suis toujours surpris que l’on puisse ne pas l’aimer. C’est un lieu simple. Je n’ai jamais compris que l’on puisse trouver cela dur. Mes copains sont Étienne, Boualem et Florence. Étienne est meilleur que moi en sport, pour le reste, je suis meilleur que tout le monde, mais comme je m’en fiche, on ne m’embête pas. Ce n’est pas comme pour Éric : tous le détestent parce qu’il fait premier de la classe, ou chouchou, ou lèche-bottes. Une fois, je crois, François m’a traité de lèche-bottes. J’ai rigolé, puis je l’ai frappé. Il n’a jamais recommencé. L’instituteur m’a grondé, me disant que ce n’était pas bien car il ne fallait pas être violent, mais je n’ai pas été puni. Juste parce que je suis le premier de la classe. Je trouve ça idiot. Après tout, je l’ai quand même frappé. Et puis être premier de la classe, ce n’est pas une excuse – je ne fais rien pour ça. D’ailleurs, autrement, je m’ennuie. (« Trilogie chamane – 2. Cirques »)
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Mon frère vient de sombrer dans le coma, à moins qu’il ne faille le considérer comme mort. Ma mémoire s’affole, se fait révérencieuse, les chiens immenses, nos quatre frères, Francesca et Paolita, notre mère obstinément silencieuse et la ferme au figuier millénaire, tout cela défile en nous pour un ultime salut. La vertu des chants nous a permis d’apprivoiser la mort et le deuil nos miracles et notre malédiction nous murmurent que la suite est retrouvailles. Sofia nous veille, Sofia nous pleure : nous lui laissons la garde d’une fille tardive, à la déroutante beauté, une orchidée sauvage et silencieuse, une fleur d’opium elle aussi prénommée Sofia. Mon regard se fait lourd. Nous sommes nés monstrueux et notre vie fut belle. J’aimerais chanter. (« Siamois »)
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En même temps, le rock est depuis longtemps une musique de quinquagénaires blancs, hétérosexuels et dominateurs. Le Tamanoir préfère le blues, le jazz, la Tarentelle où les chants mongols.
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