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Citations de Jean-Luc Cattacin (75)


[...]Serrés les uns contre les autres, les livres s'y tiennent debout comme des humains de tailles et de corpulences différentes. Il y en a de grands et minces, de petits épais, de petits chétifs et de grands forts, divers et soudés, de toutes les couleurs, ils me font face et se tiennent par les bras comme des manifestants au premier rang d'un défilé du premier mai. Je penche la tête pour lire les titres et me déplace lentement de rayon en rayon, d'étagère en étagère et parfois je m'arrête et prends un livre que j'ouvre pour le feuilleter. Je suis en train d'oublier ce pour quoi je suis venu. C'est que je suis certain d'avoir déjà eu certains d'entre eux entre les mains, empruntés lorsque, enfant, je fréquentais l'ancienne bibliothèque. Je redécouvre, au verso des couvertures épaisses, la pochette collée qui contient une carte sur laquelle sous le titre du livre trois colonnes indiquent de gauche à droite date d'emprunt, nom de l'emprunteur et date de retour. Dates et noms s'empilent ainsi, des emprunts les plus reculés aux plus récents, et bientôt je me cherche avec fébrilité dans les listes verticales de certains livres dont il me semble me souvenir que je les ai lus.
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J'ai dit je ne sais pas comment vous faites pour savoir toutes ces choses et elle a ajouté en riant oui ces choses parfaitement inutiles, et m'a dit qu'elle aimait les langues justement parce qu'on y apprenait mille choses sur tout le reste puisque ce sont elles qui en parlent.
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L'homme de la bibliothèque avait passé la porte le premier et s'était éloigné en me lançant au passage un regard mauvais et peu de temps après c'était elle qui était sortie dans la lumière oblique du soleil descendant et qui m'avait souri, exacte antithèse de l'être qui l'avait précédée, son négatif précis, lumineuse comme il était sombre et chaleureuse comme il était froid, belle au fond comme il était vilain et comme elle approchait m'est venue à l'esprit l'image cent fois vue ici sur l'île de ces étendues plus claires sur la surface de l'océan qui brillent et approchent en glissant sur la toile d'eau noire depuis des kilomètres au loin, quand le ciel est bas mais qu'un bras du soleil se fraie un chemin quelque part à travers les nuages et dessine un lac de lumière mouvant sur l'océan.
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Nous passions notre vie à nous raconter des bêtises, des blagues le plus souvent seulement drôles par le fait qu'elles ne l'étaient pas, un babil imbécile ininterrompu, et le simple fait de voir son visage ou sa silhouette déclenchait chez moi un réflexe de rire presque pavlovien.
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Pourquoi tu éteins Rouquin ? Regarde, dis-je en tendant un doigt vers la traînée de poudre blanche qui est apparue dans le ciel maintenant noir, c'est la Voie Lactée. Je le distingue spectral dans la lumière lunaire, qui reste un moment bouche bée à ma regarder. Tu sais que tu es en train de devenir dingue, hein, qu'est qu'on en a à foutre de la Voie Lactée, Rouquin... tu peux me le dire ?
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Ils avaient vendu leur appartement en ville, s'étaient installés là près de la mer pour profiter à deux de leur retraite, et il s'en était allé presque aussitôt et l'avait laissée seule. Seule face à l'océan et à sa peine.
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Étonnant Ficelle. Bon à rien. Capable de tout. Et surtout de tout ce dont je suis incapable.
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Ficelle est toujours prêt à tout, à tout faire, tout oser, et avec lui je ne m'ennuie jamais et pour tout dire on passe notre temps à rire.
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[...] et puis après un moment sans pouvoir dire quoi je sens bien qu'il se passe quelque chose. Et pour Ficelle aussi je crois car lorsque nos yeux se rouvrent et que nos regards se croisent je lis dans le sien le reflet de mon état nouveau et je referme les yeux. Lente montée de chaleur la musique familière cesse de l'être et écoutée déjà mille fois se retrouve peu à peu renouvellement inouïe. Je perçois chacun de ses temps de ses instants chaque instrument me parle bientôt isolément avant de rejoindre les autres et d'enfanter avec eux une harmonie parfaite et les yeux fermés là sur mon lit qui tourne je la comprends enfin à cent pour cent la musique et m'en émerveille.
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Après leur départ je suis descendu vers les Belles par le chemin qui de la terrasse traverse le sein de sable de la dune en fendant le châle d'herbe marine qui la recouvre. Voilà. Ficelle allait arriver. Tout pouvait arriver. J'a noyé l'ombre naissante dans la fraicheur du sirop prasin et en suis ressorti apaisé.
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Les rideaux sombres de ses cils baissés semblent vouloir protéger des derniers rayons le haut de ses joues mais quand je passe à côté d'elle ils se lèvent l'espace d'un instant et le bleu fumée de ses yeux passe sur moi comme un courant d'Auster.
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Je ne suis pas roux mais Ficelle m'a appelé Rouquin dès la première fois où il m'a rencontré au lycée et j'ai ri et nous sommes devenus inséparables, pour le meilleur et pour le pire.
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[...] mais Ficelle m'a convaincu que c'était le moment où jamais et il est passé chez le docteur et voilà nous y sommes et maintenant l'excitation et la peur se disputent les dépouilles de ma volonté et de mon courage.
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Sorti de l'océan après que son gant glacé m'avait gardé un moment serré dans son poing je me suis allongé à plat ventre à même le sable l'ai laissé coller à ma peau son tapis poudreux dont le soleil avait réchauffé les millions de grains pour moi, et lui ai donné en échange la chair de poule de mon dos.
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Ficelle était par nature un garçon rêveur et fantaisiste, un lycéen pacifique mais hésitant entre ne rien faire et s’amuser. Tout le monde l’aimait bien même si derrière les incessants coups de menton sur le côté pour ranger la mèche de cheveux qu’il avait éternellement dans les yeux il y avait un donneur de fil à retordre, un repousseur des limites, un équilibriste de l’insolence, un jongleur du mauvais goût, un cancre fulgurant.
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Depuis aussi loin que je me souvienne je suis heureux d’être ici, dans la lumière d’argent du ciel, les parfums mêlés des pins et des ulves, les formes arrondies de la dune et, montant de derrière elle, le battement lent du cœur d’eau de l’océan.
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Un regard circulaire sur les murs qui abritaient mes nuits depuis mon enfance réveille quelques souvenirs y vivant encore accrochés comme de vieilles araignées, et je me lève et sors en tirant la porte derrière moi pour les enfermer.
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J'avais vite chassé ces oiseaux railleurs car j'avais besoin pendant qu'elle me parlait d'une disponibilité totale de mon esprit pour ne pas laisser paraître que je n'y comprenais par grand-chose, et puis surtout pour tenir ces chiens de mes yeux en laisse, ne pas les laisser glisser dans son cou glisser sur sa robe glisser sur la pomme dorée de son épaule qu'elle devait recouvrir régulièrement, et celles de ses genoux toujours là en-dessous, qui attiraient mon regard de leur chant de sirène silencieux.
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Elle se tait un moment avant de reprendre : je vais bientôt repartir à Pâques, justement, et j'ai beaucoup de choses à faire, beaucoup de préparation. On se regarde je sens une fleur triste pousser en moi sur la tombe de quelque chose que je n'avais pas même imaginé avant. Ah bon, vous repartez... J'ai perçu dans ma voix la fêlure de la déception que j'avais pourtant instinctivement essayé de dissimuler. Oui, il faut que je travaille à mes recherches. Il faudra que je pense à vous rendre votre tablette, d'ailleurs... et puis vous savez on m'attend là-bas. Ah bon ? Oui, j'ai un ami. C'est comme si elle m'avait giflé je ne sais pas quoi dire ce que je voudrais dire je ne peux pas alors j'avale ma salive et les mots et le reste et je dis d'une voix blanche et vous alliez à quelle plage, alors ?
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Là maintenant le lendemain, à nager plein ouest dans l'eau fraîche, je m'étais avoué ouvertement que je la trouvais belle. Je me demandais si elle me serait parue si belle si elle avait parlé de choses plus banales. Mais elle n'était pas banale. Elle m'ouvrait des portes et des fenêtres et des passages. Elle me dit qu'après avoir étudié nombre de systèmes de signes étranges, des Adinkra Akan aux hiéroglyphes micmacs, elle était tombée amoureuse de Pâques et du rongo-rongo et j'avais demandé pourquoi. Parce que le rongo-rongo restait l'un des systèmes les plus mystérieux après des décennies de recherches on ne pouvait toujours pas interpréter, ni même avoir idée de comment les signes se prononçaient. Alors je crois que je ne saurai jamais ce qu'il y a sur ma tablette ai-je fini par dire et elle a répondu que de toute façon celui qui l'avait gravée ne le savait vraisemblablement pas non plus puisqu'il s'agissait de toute évidence d'une copie moderne. Ah bon. On connaît toutes les occurrences de rongo-rongo m'expliqua-t-elle, qui se trouvent sur vingt-six objets en bois, essentiellement des tablettes, qui sont aujourd'hui disséminés dans des musées et des collections du monde entier.
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