Le désir insatiable du marcheur au long cours est d'emprunter sans cesse de nouveaux itinéraires.
Le vent frais qui descend de la colline agite des touffes de salicaire, au loin un renard glapit, son cri vrillé transperce les borborygmes du Lot.
En plein après-midi, la chaleur en impose. La rivière subit elle aussi l'immobilisme qui imprègne la campagne.
Les rives de l'Aveyron sont aussi impénétrables qu'une jungle amazonienne.
J'écoute le murmure de l'eau, le chant des esprits qui hantent remous et tourbillons, le bruissement des feuillages occasionné par la respiration des masses d'air chaud au contact de la fraîcheur qui s'installe.
Partir à pied vous éloigne de chez vous et vous rapproche de ce que vous êtes.
Le temps des fluides s'écoule entre les berges, il chantonne des airs qui varient à l'infini, il clapote, râle, rote, rugit, vocifère, murmure, parle crie.
L'arbre, s'il est modèle de société à lui tout seul, sait également faire société avec ses congénères. C'est ainsi que se crée la forêt. Si l'on étudie une photo aérienne de la forêt on s’aperçoit que les houppiers ne se touchent pas et qu'un espace net les sépare ce qui n'empêche pas que tous forment un ensemble homogène. Chacun exprime sa singularité comme dans une société idéale, chaque individu doit affirmer sa parole et son existence au sein du groupe tout en faisant corps avec ce groupe.
Je traverse une zone dévastée par de mini-tornades de plus en plus fréquentes qui mettent à bas des pans entiers d'arbres les moins enracinés, ici, en l’occurrence, des trembles de bonne taille qui ne résistent pas aux furies engendrées par le bouleversement climatique. De gros sujets entravent le chemin et il faut sans cesse donner de la tronçonneuse pour rétablir le passage. Ce genre de phénomène se constate donc de plus en plus et affecte bon nombre de boisements surtout quand ceux-ci sont constitués d'une essence majoritaire. Un monde plus diversifié est plus à même de résister à l'adversité, ce qui est vrai pour les arbres l'est aussi pour les hommes et les animaux.
Les minutes passent, mais sont-ce des minutes ? J'ai plutôt l'impression de croiser l'éternité et cela ne dure peut-être qu'un dixième de seconde. C'est confortable cet engourdissement du corps et de l'esprit, c'est délectable, c'est difficile aussi à quitter.